Awake

Chapitre 24

[I'm sorry ma brother, even if I try to hide it, or conceal it, it can't be erased.]

Je relève la tête, touché en plein cœur comme chaque fois que je lis les confessions de mes amis dans ce petit carnet rouge. Mon regard se pose sur Taehyung de l'autre côté de la rue, éclairé par les lampadaires dans la nuit. Mais il n'est pas seul, puisque je reconnais Namjoon, taguant à ses côtés. Ils rient et se poussent, se battant pour savoir lequel des deux couvrira le plus de surface sur le mur. Je les observe avec un sourire et joue avec les manches de mon t-shirt. Ce n'est qu'à ce moment-là que je me rends compte que le carnet a disparu comme par magie. Mais je m'en moque, je suis trop occupé à profiter de cette vision que m'offrent mes deux amis, heureux et joueurs.

J'entends soudainement des sirènes au loin et sursaute en même temps qu'eux. Namjoon regarde vers la rue derrière Taehyung et ce dernier observe son ami avec un grand sourire. Il continue de taguer comme si de rien était et le plus vieux finit par faire de même, avec plus de rapidité et de vigueur. La police approche et aucun des deux ne fait de geste pour fuir. Je fronce les sourcils, regardant tantôt la police, tantôt mes amis, espérant qu'ils comprennent que les forces de l'ordre sont là pour eux. Mais alors que la voiture se gare devant eux, ils se retournent en souriant et lâchent leurs bombes de peinture. Ils lèvent leurs mains en même temps, attendant que les policiers viennent les arrêter et, même si je panique à l'idée de les voir dans cette situation, je devine qu'ils l'ont cherché et qu'ils se moquent des conséquences. Même lorsqu'ils sont plaqués contre la voiture et qu'on leur passe les menottes, ils tournent la tête l'un vers l'autre et se sourient. Je ne peux pas m'empêcher de faire de même avant de me concentrer sur Namjoon en particulier. Puis mon sourire s'évanouit et je me mords la lèvre, une soudaine pensée me traversant.

Nam ne ferait-il pas tout ça pour son ami ? 

Taehyung court, seul cette fois. Il regarde derrière lui, zigzag dans différentes rues puis une fois qu'il se sent en sécurité, décide de marcher. Il est essoufflé mais son visage rayonne toujours, un sourire mi-sournois mi-heureux étire ses lèvres. Il replace sa veste correctement et observe son portable, lâchant un petit soupir. Il n'a reçu aucun appel, aucun SMS.

Tout le long de la route, il joue à l'équilibriste sur toutes les surfaces qu'il trouve, grimpe et saute partout tel un enfant lâché en pleine nature. Je l'observe, attentif, ne pouvant que profiter de cette effusion d'innocence qui émane de lui. Il vit des choses tellement dures avec son père, sa sœur et toutes les situations dans lesquelles il se met, alors le voir à cet instant, agir comme un gosse, me remplit de joie. Si seulement il pouvait être tout le temps comme ça...

Il s'arrête tout à coup et observe une caravane au loin, son sourire rectangulaire revenant faire son apparition. Je ne mets pas longtemps à comprendre où il est et qui il va voir. Il marche plus vite et frappe quelques coups sur la porte, attendant patiemment, les mains dans les poches, qu'on vienne lui ouvrir. Lorsque le visage fatigué de Namjoon apparaît, Taehyung lui fait un petit coucou de la main et entre sans même avoir été invité.

— Encore, Tae ? Qu'est-ce que tu as vandalisé cette fois ? lui demande son hyung en refermant la porte.

— Tu ne veux pas savoir, souffle le jeune, essoufflé par sa promenade nocturne.

Nam lève les yeux au ciel et sort deux bières de son frigo pour lui en tendre une. Taehyung accepte avec un sourire puis le remercie. Il s'assoit par terre, contre le mur en face du canapé tandis que Namjoon prend place sur celui-ci. Le silence s'installe alors que les deux amis boivent, plongés dans leurs pensées respectives. Je vais m'asseoir près de Namjoon sur le canapé, me sentant bien ici, dans ce petit endroit entouré de mes deux amis. Il fait assez sombre, les lieux n'étant éclairés que par une lampe de chevet à côté de moi. Pourtant les traits de Taehyung me sont visibles comme en plein jour. Il a l'air inquiet, préoccupé même. Et lorsqu'il prend tout à coup la parole, sa voix est étrangement basse et brisée.

— Dis Nam, je peux dormir ici cette nuit ?

Le plus vieux fronce les sourcils puis repose sa bière brutalement.

— Il t'a encore frappé ?

Taehyung baisse les yeux, soudain mal à l'aise. Lorsque Namjoon s'en rend compte, il se passe une main dans les cheveux et serre les dents.

— Quel sale... (Il se retient de prononcer le reste des mots et se prend la tête entre les mains.) Tae, tu devrais vraiment en parler à une autre personne que moi. Il y a des gens spécialisés pour ces situations tu sais ?

— Non je peux pas faire ça.

— Bien sûr que si ! Y a rien qui t'en empêche ! s'exclame Namjoon en haussant le ton.

Taehyung se braque aussitôt, sûrement surpris par le ton qu'a employé la seule personne, hormis sa sœur, à qui il fait confiance. Il finit sa bière cul sec et ramène ses genoux contre son torse, les entourant de ses bras fins. Le silence qui envahit la pièce est pesant. Je peux lire l'incompréhension et le regret sur le visage de Nam et pourtant il ne dit rien, comme s'il hésitait à parler. Mais son expression change soudainement lorsque Tae relève la tête et que sur ses joues, des larmes sont en train de rouler.

— Je...je ne t'ai pas tout dit hyung..., lâche-t-il dans un souffle. (Il essuie ses larmes et prend une grande respiration.) Il ne fait pas que nous frapper ma sœur et moi.

Cette révélation se répercute partout autour de nous. C'est une bombe. Un coup de couteau tranchant venant instaurer une atmosphère électrisante dans toute la pièce. Je savais tout ça et pourtant, l'entendre dire de cette manière par mon ami, me fige. Je suis choqué, en colère, paralysé. Je n'ai aucun mot qui me vient, aucune pensée, rien. Les sentiments qui me bouleversent sont trop puissants et j'imagine qu'il en va de même pour Namjoon puisqu'il se lève soudainement pour se diriger vers la porte d'entrée.

En le voyant faire, Taehyung se relève précipitamment et lui bloque le passage.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il en l'empêchant de passer.

— Je vais le buter, répond Namjoon, aveuglé par la colère. Pousse-toi de là.

Mais Tae reste devant lui, les yeux arrondis par la surprise et la peur.

— Non, je te laisserais pas faire ça.

— Et pourquoi pas ? l'interroge son hyung en haussant le ton une nouvelle fois. Explique-moi pourquoi je ne pourrais pas aller lui régler son compte après tout ce qu'il vous fait subir depuis toutes ces années ? Je suis sûr que si ta mère était là, elle... (Il se tait, sachant qu'il a été beaucoup trop loin en osant parler de la mère de son ami.) Désolé Tae.

Le jeune regarde ailleurs, serrant les dents. Puis il retourne s'asseoir là où il était quelques minutes plus tôt et commence à se triturer les doigts.

— J'en peux plus de cette vie hyung. J'essaie d'y échapper en faisant toutes ces conneries, en venant chez toi. Et ma sœur a ses amis mais au bout du compte, on est toujours obligé d'y retourner. C'est notre maison. Et je sais que ça n'excuse rien, mais il est malade. Avant...il n'était pas comme ça.

— Tae, soupire Namjoon.

Mais le jeune poursuit :

— Je souffre mais je dois rester pour ma sœur. Elle a tellement fait pour moi. Elle s'est souvent sacrifiée à ma place tu sais. Mais maintenant que je suis presque adulte, je dois faire quelque chose pour l'aider en retour.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?

Taehyung hausse les épaules puis relève la tête vers son ami qui vient de s'agenouiller devant lui.

— J'en sais trop rien. Mais j'ai peur hyung.

Namjoon fronce les sourcils.

— Peur ? De ton père ? demande-t-il curieux.

Mais le plus jeune ne répond pas, se contentant de serrer ses genoux contre lui comme si, par ce geste, il tentait de se protéger du monde extérieur. Il semble se plonger dans un monde que personne ne peut comprendre, sûrement même dans des souvenirs traumatisants. Son ami réitère sa question et cela semble le sortir de son cocon puisqu'il papillonne des yeux, et l'observe. Mais son regard est différent. Il est noir, vide et froid. Le Taehyung d'il y a quelques instants a totalement disparu. Et lorsqu'il prend la parole, sa voix me donne la chair de poule.

— J'ai peur d'être un jour capable de le tuer.