CHAPITRE TRENTE-ET-UN

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Fusionnement

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Avant que nous passions au dessert, une pause est faite afin de permettre aux convives de se dégourdir les jambes et c'est aussi l'occasion de digérer un peu pour être capable d'avaler plus de gâteau.

Pour moi, cette pause a une signification différente : c'est un réel soulagement. Après avoir averti Carter que j'allais prendre l'air, je me suis glissée en dehors du chapiteau. J'ai marché à l'aveuglette vers le fond du jardin, là où aucune présence humaine n'émane.

J'ai besoin d'être seule, de faire le point sur la situation. Ces temps-ci, la méditation m'aide beaucoup à clarifier les questions que je suis amenée à me poser, autant personnelles que professionnelles ou familiales.

Mes pieds me guident jusqu'à un endroit retiré où je m'arrête afin d'admirer la magnificence de la vue qui s'offre à moi. La réverbération des arbres et de la lune sur la surface plane du lac est à couper le souffle, surtout en contraste avec les dernières volutes de ciel rosé qui disparaissent de minute en minute, annonçant bientôt une obscurité complète. C'est un paysage naturel propice à la réflexion, tout ce que je suis venue rechercher en m'isolant.

Du plat de la main, je vérifie que l'herbe ne soit pas trop humide et je m'assieds dessus, les bras autour de mes genoux, le regard perdu dans les clapotis de l'eau du lac cognant contre la berge. Ça m'a toujours fascinée de voir des endroits aussi préservés, de réels havres de paix à quelques pas d'une ville polluée et agitée comme Los Angeles ou San Francisco. Même par rapport à la réception de mariage de Scarlett qui se déroule à quelques mètres à peine, cet endroit semble si sauvage, si naturel et calme.

J'espère que la végétation m'aidera à y voir plus clair et à éclaircir mon état d'esprit. Je ne comprends pas pourquoi je nourris des pensées négatives après une journée aussi belle, après des moments qui m'ont permis de m'épanouir. Aujourd'hui, je possède tout ce que j'ai toujours voulu. Mais égoïstement, ça ne semble pas assez. Suis-je une éternelle insatisfaite ? Peut-être.

Ce dont je suis certaine, c'est que la pression, aussi petite soit-elle, est nocive pour moi. Rien qu'être enfermée dans le chapiteau, toutes ces personnes autour de moi, me nouait le ventre. Et cette lettre brûlante qui siège au fond de mon sac, j'ai l'impression qu'elle est mon geôlier, qu'elle a enroulé ses chaînes autour de mes poignets et qu'ils m'est impossible de m'en défaire.

La seule clé qui m'a permis d'ouvrir le verrou, c'est mon éloignement de cette lettre. Ainsi assise dehors, loin de son papier à deux doigts de me calciner la peau, je me sens libérée. Libérée de son emprise, libérée de mes engagements, libérée de la pression familiale. C'est pour ça que je suis tant attachée aux grands espaces, que j'aime sentir le vent dans mes cheveux et que marcher dans la nature me procure une telle plénitude. Parce que je me sens enfin libre. Aussi libre que ces poissons dans le lac, pouvant nager où ils souhaitent dans leur eau. Aussi libre que ces oiseaux dans les arbres, pouvant voler là où ils veulent.

Quand le bruit lointain des chaussures crissant sous la pelouse interrompt ma méditation intérieure, je ne suis pas surprise. Et je ne suis encore moins quand Carter vient s'asseoir à ma gauche. Il ne dit rien ; il n'en a pas besoin. Nous en sommes rendus à un stade de notre relation où il est aisé de se passer de mots pour se transmettre nos pensées.

— Je peux rester un moment ? se contente-t-il de me demander, plus par politesse qu'autre chose.

« Tu peux rester pour l'éternité », j'ai envie de lui répondre.

DES NUITS PLUS CLAIRES QUE TOUS VOS JOURS [IS HE A BAD BOY ?]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant