CHAPITRE VINGT-TROIS

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Thanksgiving 1.0

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Même en me regardant à travers un miroir intact, j'ai l'impression d'être brisée. Le changement en moi passerait presque inaperçu car il s'est opéré en profondeur. Seules les personnes les plus proches de moi, celles qui m'ont connue avant que ma vie toute entière ne soit chamboulée peuvent s'en rendre compte. Même le doré et la brillance de ma tenue de soirée ne parviennent pas à rehausser mon teint terne et mes yeux éteints, dont tout éclat de vie semble être à deux doigts de disparaître à jamais. Si Scarlett n'était pas là, je crois que je me serais écroulée, que je n'aurais jamais survécu à ma venue à Los Angeles pour Thanksgiving.

Lorsque je suis arrivée, un peu plus tôt dans la journée, j'avais la vengeance pour motivation principale. Je voulais faire payer à mes parents, qui en réalité sont mes grands-parents, pour tout ce qu'ils nous ont fait endurer à Scarlett et moi à cause de leurs mensonges et leur envie d'atteindre la perfection. Ils nous ont toujours poussées dans nos retranchements pour nous élever au-dessus des autres, même si cela signifiait écraser tous les autres ou nous faire souffrir en contre partie.

Puis j'ai réfléchi à ce que j'allais faire. Est-ce que me venger de cette manière est réellement la solution ? Au fond, avouer toute la situation de notre famille déchirée à la presse ne m'apportera pas grand-chose, bien au contraire. Certes ça me soulagera sur l'instant mais les conséquences seraient désastreuses. C'est pourquoi j'ai décidé de ne rien dire, de jouer la comédie devant les caméras des photographes pour éviter des souffrances inutiles. J'y suis tellement habituée que ça ne devrait pas être trop difficile pour moi. Eh oui, la Cassandra immature, qui agit sous le coup de l'impulsion a bien grandi.

Si je m'en tiens à la pendule de mon dressing – qui me fait aussi office de pièce de maquillage tellement il est immense –, il me reste une petite vingtaine de minutes avant de faire une entrée qui se veut remarquée en plein milieu des convives qui seront déjà arrivés au banquet depuis près d'une heure. Toute une mascarade a été mise en place pour donner le change à la presse et aux invités de ma famille. Tout ceci m'insupporte, me met hors de moi, mais je n'ai pas d'autre choix que de m'y plier ce soir. Demain par contre, lorsque je ne serais plus qu'avec mes grands-parents, je compte bien avoir une discussion avec eux pour leur révéler leurs quatre vérités.

Je suis en train de dénouer le chignon que j'avais fait à la va vite le temps de me maquiller lorsque j'entends trois coups discrets à la porte de ma pièce dressing. Je marmonne un vague « entrez » en me démenant pour attacher le câble de mon lisseur à la prise sous ma coiffeuse ocre.

— Coucou, je venais juste voir comment tu te débrouillais, me dit simplement Scarlett en venant se placer derrière moi.

Elle m'embrasse le sommet du crâne en ramenant ma cascade de cheveux emmêlés dans mon dos.

— Comme tu le vois, tout se passe comme sur des roulettes. Je me lisse les cheveux et après je descends te rejoindre.

La grimace qui étire ses lèvres impeccablement rosées me montre qu'elle n'est pas convaincue ni par mon ton, ni par mes paroles. Bon, c'est vrai que j'aurais pu me passer du « tout se passe comme sur des roulettes » car je ne le pense pas vraiment, mais je n'ai pas d'autre choix que de me plier aux instructions donc oui, je vais aller à la réception. Même si c'est la dernière chose que j'ai envie de faire.

— Ne t'inquiète pas, Scarlett, je ne vais pas te faire faux bon.

— Si tu le dis.

Je lui adresse un sourire timide pour tenter de la convaincre et elle finit par soupirer en attrapant ma brosse à cheveux, posée devant moi sur le bord de ma coiffeuse. Elle entreprend de démêler ma longue tignasse pendant que mon lisseur finit de chauffer. J'ai l'impression que son comportement n'est pas innocent, qu'elle me cache quelque chose, mais je m'abstiens de faire un commentaire pour ne pas risquer de gâcher notre moment complice à deux. Ça fait tellement de temps que nous n'avons rien partagé, tellement qu'un simple brossage de cheveux nous semble une occasion particulière.

DES NUITS PLUS CLAIRES QUE TOUS VOS JOURS [IS HE A BAD BOY ?]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant