CHAPITRE VINGT-SIX

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Le restaurant

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Une méprise, une putain de méprise.

Ce sont les mots que je me répète chaque jour depuis que je suis revenue à Berkeley avec Carter. Je les récite mentalement, comme un mantra et il m'arrive parfois de les écrire pour les rendre encore plus réels et être certaine que tout ceci n'est pas un mauvais rêve. Il faut que j'affronte la réalité, même si elle ne me plaît pas le moins du monde. Et la première étape dans cet affrontement, c'est l'acceptation. L'acceptation que ce qui s'est passé entre Carter et moi est du passé, que rien n'était de notre faute et qu'on a du temps à rattraper. Beaucoup trop de temps.

Malheureusement, j'ai beau me rendre compte que nos enfantillages, nos mensonges, notre manque cuisant d'explications sont d'une idiotie puérile, je n'arrive pas à faire table rase du passé. Après avoir dormi plus de neuf heures ces quatre derniers jours, j'en suis toujours bloquée au même point avec Carter. Il occupe chacune de mes pensées, du matin jusqu'au soir et dès que quelqu'un m'adresse la parole, je décroche au bout de quelques minutes pour tout ramener à lui. Suis-je censée lui pardonner son comportement odieux et retomber dans ses bras ? Ou dois-je l'ignorer, lui montrer à quel point ce qu'il m'a fait a été ingrat, inhumain ? Je ne sais plus. Si j'écoutais mon cœur, j'irais le retrouver je ne sais où pour tout recommencer, comme il me l'a proposé, mais ma tête est bien plus lucide et m'intime de ne rien faire. En tout cas pour le moment.

L'éternel combat de la tête et du cœur, du cerveau et de l'âme, de la raison et des sentiments.

Tout le monde a remarqué que j'étais distante, pensive, ces derniers temps. Kate en cours, Joy pendant nos repas et Sixteen dès qu'elle est à l'appartement. Chacune d'entre-elles met mon comportement sur le compte des nouvelles révélations familiales que j'ai apprises, et je ne les en dissuade pas. Non pas que j'ai envie d'entretenir leur compassion, mais je ne préfère pas leur confier ce qu'il s'est passé entre Carter et moi cette nuit là sous la pluie. Cette nuit où nous nous sommes embrassés pour la première fois depuis plus de deux ans.

Je revis ce moment chaque fois que mes paupières se ferment. Il me ronge. Je sais que c'est mal mais j'ai cette envie au fond de moi de recommencer. Heureusement qu'avec Sixteen tout se passe beaucoup mieux parce que si j'avais dû retourner à l'appartement d'Andrew et de Carter, je crois que je n'aurais pas survécu. Surtout que la prochaine fois que je le verrai, j'ignore si je serai capable de me contenir. J'ignore même comment nous serons censés nous comporter. Je ne dois surtout pas être faible et lui montrer qu'il m'obsède. Je suis une femme indépendante, je ne veux pas qu'il me prenne pour acquise. Surtout après tout ce qu'il s'est passé entre nous. J'ai beau savoir que le fautif de l'histoire c'est certainement Léo et que nous sommes seulement deux victimes, il n'empêche que je déteste Carter. Oh, oui, je le hais.

Je le hais, je le hais, je le hais.

C'est ce que je me répète mentalement en allant allumer mon ordinateur. Comme je m'en doutais Apolline m'a laissé plusieurs messages dont une demande de vidéo toujours en attente. Depuis que je lui ai expliqué le pourquoi du comment par rapport à ma mère biologique, elle ne me lâche pas d'une semelle et exige un appel ou une vidéo au moins une fois par jour. J'ai vraiment l'impression d'avoir plusieurs parents, c'est hallucinant.

J'essaie de me concentrer sur elle et d'ôter Carter de mon esprit, puis j'appuie sur le bouton vert qui allume ma caméra en même temps qu'elle me dévoile les cheveux frisés d'Apolline, apparemment endormie sur son PC portable. A dix-huit heures passées du soir. Tout est normal, vraiment.

DES NUITS PLUS CLAIRES QUE TOUS VOS JOURS [IS HE A BAD BOY ?]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant