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Nous nous tenions encore une fois devant les gardes armés, pour le comptage journalier. Deux d'entre eux nous fixaient, alors que nous nous agenouillions à leurs pieds comme des esclaves. Derrière eux, une porte s'ouvrit, ainsi que quatre autres, et laissèrent apparaitre notre cher Shruger, dont le crâne commençait sérieusement à se dégarnir au fil des années.

C'était son rituel que de fournir un énième discours pompeux, dans le but de nous faire rager. Avec le temps, les émeutes avaient cessé. A chaque fois que l'une d'elles survenait, bon nombre des nôtres trépassaient et Shruger donnait l'ordre de ne plus nous nourrir pendant plusieurs jours. Son objectif était de nous punir. Et à force d'être punis, les passagers avaient cessé de se rebeller.

—Bonjour ! commença-t-il simplement.

Je n'aimais jamais les propos qui suivaient. Généralement, il nous provoquait et énervait Michael à tel point que je ne pouvais presque plus à le contrôler.

—Aujourd'hui est un jour spécial. Cela fait maintenant cinq ans que l'arche parcourt la terre entière. Et c'est aussi la nouvelle année. Nous allons donc vous laisser admirer le paysage jusqu'à la nuit, et vous distribuer vos rations.

Sonnée, je ne bougeais pas, tandis que les autres se mettaient en file indienne. C'était un moment attendu de beaucoup, mais surtout moi. En cinq ans, j'avais pu observer attentivement chaque détail de ce qui se présenterait à nous prochainement. Et cela dans le seul but de déceler le moindre changement qui laisserait à penser que notre calvaire se terminerait un jour.

Oui, j'attendais ce jour depuis longtemps, et Michael parut tout aussi pressé que moi. Une fois nourriture prise, nous nous dirigeâmes vers les fenêtres dont les volets s'ouvrirent avec une lenteur déconcertante et agaçante.

Très vite, les rayons du soleil nous aveuglèrent et nos se yeux se fermèrent le temps que nous nous adaptions à elle. Une fois ouverte, un paysage recouvert entièrement de neige se dévoila à nous. Un soleil aveuglant le dominait. Mais la beauté de celui-ci fut telle que tous les spectateurs restèrent ébahis.

Autrefois, cette ville était animée. Désormais, il ne s'y trouvait que des grattes ciels abandonnés, décorés d'un épais manteau blanc. Des dunes de neiges se faisaient voir ci et là, alors que le vent battait les façades des ruines fragiles à deux doigts de s'écrouler.

En temps normal, cela aurait été magnifiques. Mais je n'étais pas là pour ça. J'ignorais à quel moment je pourrais le voir. Mon impatience m'excitait quelque peu et me stressa par la même occasion. Aurais-je raison ? Ou tort ?

Michael à mes côtés, je me détendis et pris pour une fois du plaisir. Cela me fit un bien fou de revoir notre monde. C'était le seul moment où mon espoir pouvait renaitre.

Il fait chaud, lança Michael. Le soleil n'a jamais été aussi bouillant par le passé.

—En effet.

Derrière cette fenêtre, les températures paraissaient presque tropicales, comme sur une ile déserte. Lorsque nous utilisions le langage des signes, les gens nous prenaient immédiatement pour des fous.

— Ça ne veut sans doute rien dire, ajoutai-je peu après.

Dès lors qu'elle apparut, mon avis fut tout autre. Concentrée sur l'objet de mon attention, je cherchai du regard la zone qui m'intéressait. Il s'agissait d'une carcasse d'hélicoptère, restée en travers d'un pont, recouvert de glace et de neige.

La première fois, je n'avais vu que les pales, l'année d'après, il avait entièrement été recouvert, et la situation n'avait pas été en s'améliorant.

La dernière fois, les pales étaient revenues. Et aujourd'hui, je ne cessais de prier pour qu'il en soit ainsi.

Ça a fondu ? me demanda Michael impatient de connaitre la vérité.

J'observai attentivement les moindres détails. Le nez d'appareil était à peine visible mais c'était suffisant pour lui répondre par l'affirmative. Du moins en apparence. Les théories n'étaient jamais à prendre comme une vérité.

—Peut-être que je délire ! m'exclamai-je haut et fort.

Ou pas ? Qui sait ? Toi seule a vu les changements. Même si c'est infime, c'est déjà ça.

—Ne nous emballons pas trop vite ! le calmai-je. Il va falloir du temps pour nous rendre compte.

Les scientifiques avaient prévus que l'ère durerait au minimum un demi-siècle, attaqua Michael.

Même s'il n'était plus doué de paroles, celui-ci allait droit au but. Il ne manquait pas de transmettre sa joie par la même occasion.

—C'est pour ça qu'il va falloir attendre ! continuai-je. De toutes façons, nous n'avons pas réussi à prendre le contrôle du train. Et quand bien même l'ère glaciaire se terminerait, nous ne pourrions pas survivre dehors sans rien.

Cette fois-ci, mon ami resta immobile. Nous avions un sacré dilemme. Prendre le contrôle du train, ou attendre avec le risque d'être abattus en fin de course. Autant de questions qui se bousculèrent dans ma tête et qui restèrent sans réponse.

Le Dernier RemèdeWo Geschichten leben. Entdecke jetzt