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D'un bond, Jason sauta en dehors de sa couchette tous les sens en alerte. Je restai à ses côtés, dans la plus totale incompréhension. Il fallait comprendre quoi ? Était-ce mauvais signe ? Nous fûmes tous perdus, durant plusieurs secondes, dans l'expectative. Était-ce grave ?

—ça veut dire quoi ? me demanda Jason.

Si je le savais, je lui répondrais. Mais là... Seule la lumière rouge clignotante m'intéressait.

—Ce n'est sûrement pas bon signe, dis-je simplement.

L'ordre de remonter vers l'avant du train fut soudain donné à travers les hauts parleurs de la rame. Alors la foule remua, partant lentement vers un seul point commun. Comme un troupeau qui rejoignit l'unique point d'eau, Jason et moi fîmes exactement la même chose. Confuse, je ne remarquais même pas que le jeune homme me tenait la main. Était-ce pour me rassurer ou pour autre chose ?

Je n'y pensais pas plus que cela, et avançai en compagnie durant cinq bonnes minutes. Peu après, nous arrivâmes dans un endroit dénué de couchettes ou de autres installations. Bref, un endroit si grand que nous y passions tous.

A l'autre bout, plusieurs hommes armés, vêtus de gilet par balles gardaient les lieux. Leurs visages étaient cachés, et il y avait là de quoi nous éliminer. Toute une armée, rien que pour nous.

—Alignez-vous ! ordonna le plus costaud placé devant tous les autres. Allez, on se dépêche !

Sa façon de grogner ne nous pressa pas non plus. A dire vrai, le fait de ne pas savoir ce qui se passait me stressait. La foule obéit difficilement et très rapidement, des rangées se formèrent et permirent à nos geôliers d'effectuer un comptage approximatif. Une rangée était égale à vingt personnes.

—Asseyez-vous ! continua-t-il méchamment dans l'espoir que tout se passerait bien.

C'était beaucoup compter sur la chance. D'ici peu, les choses tourneraient mal. Un coup d'œil et Jason me fit comprendre qu'il fallait leur obéir au doigt et à l'œil. L'un à côté de l'autre, nous observions les lieux avec attention. A ce moment, une porte s'ouvrit, et dévoila plusieurs autres types qui servirent de garde du corps à un homme aux cheveux blancs.

Le mec en question donnait l'air de se prendre pour un dieu. Voir même le maitre du monde. Jason, quant à lui, cherchait son frère du regard.

—Je suis Donald Shruger, attaqua celui-ci en serrant très fort les pans de son manteau en cachemire.

Même ici, la richesse prédominait. Ça me donnait envie de vomir. Comme quoi, l'échelle sociale gardait ses avantages pour les hauts placés. Et à sa façon de serrer son manteau, je ne pus déduire qu'une chose. Il n'était pas tranquille.

—Cette arche a été conçue pour sauver tout ce qui pouvait l'être. Notre écosystème, la faune et la flore, nous...

Il fit une pause et en profita pour détailler le plus de personne possible. Où voulait-il en venir ? De quoi voulait-il parler ?

—Il était convenu que nous ne pouvions sauver que quelques centaines de personnes, dans un délai aussi court. Nous avons fait en sorte de conserver le plus possible ce qui nous serait utile.

—Il se fiche de nous, non ? me murmura Jason à l'oreille. Ils nous avaient empêché de monter. Comment peut-il prétendre nous sauver ?

Je sentis toute sa colère à travers ses paroles. J'aurais aimé avoir autant de rancœur, mais pour le moment, ma préoccupation était tout autre.

D'une voix monotone, Shruger continua son discours, énervant ainsi mon ami. Sa main broyait la mienne. S'il continuait, je la perdrais... En fait, je ne la sentais déjà plus.

—Et voilà comment on nous remercie pour essayer de vous sauver la vie ? s'étonna Shruger en colère. Avec des bagarres, des meurtres... et un assaut général ? Vous espérez quoi ?

Il se fichait éperdument de la populace. Vu son statut, il était assuré de vivre. A l'avant devait se trouver les personnes les plus riches, celles à « préserver ». Je commençais doucement à deviner d'où provenait l'argent qui avait permis de construire le train. Train destiné à rouler pour l'éternité.

—L'arche n'a pas été construite pour accueillir autant de monde. Et nous n'aurons pas une production de nourriture suffisante pour assouvir ce besoin. Ce genre de comportement est méprisable. La punition sera sévère. J'espère que vous comprenez où je veux en venir...

Qui était-il pour dire ce genre de chose ? Il n'avait pas le droit de décider qui devait vivre ou mourir. Révolté, Jason ne manqua pas de se lever pour protester. Je le retins tant bien que mal afin d'éviter une bagarre généralisée. Je n'aurais pas cru y arriver.

—Calmes-toi ! maugréais-je. Ce n'est pas le moment.

—Comme sanction, nous vous donnerons de la nourriture que lorsque vous ne serez plus en surnombre. Votre calvaire sera long et pénible. Mais au moins, vous comprendrez qu'il faut être docile. Estimez-vous heureux de pouvoir vivre un peu plus longtemps.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Pas seulement pour Jason, ni même pour Michael que j'aperçus un peu plus loin devant nous. C'était le groupe entier qui sema le désastre, excédé d'entendre les paroles d'un homme comme lui.

—Comment pouvez-vous nous condamner à mort ? hurla un homme que je ne vis pas.

—Nous avons le droit de vivre, cria une femme non loin de nous.

—C'est vous qui devriez crever de faim, termina un autre.

C'était d'ailleurs la raison pour laquelle nous étions montés. Mais ça, il s'en fichait. Et les membres de l'arche le comprirent eux aussi et décidèrent de prendre les choses en main. Quitte à mourir de faim, autant faire une bonne action. Celle de maitriser un abruti dans son genre.

Le Dernier RemèdeWhere stories live. Discover now