Intemporel T3 & 4

Gabriel (Chapitre 27)

Je distingue alors des bâtiments blancs au milieu de la verdure et Edmée pousse une nouvelle exclamation joyeuse. Il me semble pourtant entendre quelque chose comme :

-Zut, déjà arrivés... On a à peine eu le temps de s'amuser...

Pas de doute, elle est complètement folle. Nous ralentissons effectivement -un tout petit peu- et je distingue un peu mieux l'immense complexe médical.

Je fronce les sourcils. Cette constructions qui ressemble à une ville entourée de remparts de protection ne ressemble à rien de ce que je connais. Jamais je n'ai vu un endroit aussi étrange à Astra, encore moins en temps qu'hôpital. En fait, on dirait plutôt une gigantesque place forte.

Un frisson glacé me parcourt alors l'échine. Je suis certain qu'Edilyn sait, d'une manière ou d'une autre, que je suis de retour. Comment me cacher ? Et surtout, ne pas être reconnu ? Je me rassure alors lentement. Personne ne s'attend à me trouver ici. Avec un peu de chance, ce qui me reconnaîtrons n'y croiront pas. Et puis, j'ai dû un peu changer physiquement...

Lorsque je secoue la tête pour me sortir de mes sombres pensées, je constate avec un soupir mi-crispé mi-soulagé que nous piquons une fois de plus vers le sol mais cette fois-ci de toute évidence vers une plateforme d'atterrissage.

Avec un peu, d'accord, énormément de chance, je vais pouvoir sortir de ce fichu aéronef en restant encore un peu en vie.

Dans un horrible bruit de métal et de crissement de freins, nous touchons le sol et nous immobilisons enfin. Edmée se tourne vers nous avec un sourire toujours un peu amusé.

-Alors, comment avez-vous trouvé le voyage ?

Je réponds aussitôt, sans réfléchir.

-Unique.

Mais Azylis laisse éclater son enthousiasme.

-Fantastique ! Oh, Edmée, si il faut que je reprenne un jour un aéronef avec un pilote, je te demanderai spécialement toi... C'est grisant !

Ou j'ai un défaut d'audition ou ma femme est folle... Je saute hors de l'aéronef en levant les yeux au ciel un bref instant. Azylis reste en arrière pour discuter quelques minutes avec une Edmée qui n'en revient pas d'avoir enfin trouvé une passagère "à peu près convenable" pour reprendre ses mots.

Un homme sort alors d'un bâtiment juste en face de moi et marche à grand pas vers notre petit groupe. Il s'immobilise en face de moi et exécute un discret salut. Il me tend ensuite une ferme poignée de main que je sers avec quelques réserves.

-Acalin, mon prince, pour vous servir.

-Gabriel Astra. Je préfère tout de suite vous dire que je ne suis absolument pas certain d'avoir besoin de vous... Donc de rejoindre les révoltés. Ceci dit, merci de votre dévouement.

Devant ma franchise, il s'immobilise pendant quelques secondes. Puis, avec une voix un peu étrange, il me répond lentement.

-Vous êtes libre de choisir...

-Pourriez vous me conduire à ma fille ?

-Bien sûr...

Je me tourne vers Azylis qui me fait signe d'avancer avec un sourire.

-On vous suit ne t'inquiète pas... Je discute juste un peu avec Edmée.

Je me met à marcher derrière Acalin qui me conduit rapidement à l'intérieur du bâtiment dont il était sortit. L'intérieur m'étonne une fois de plus, me rappelant plus un hall de gare qu'un hôpital, étrangement. Surtout avec tout le va-et-vient.

Acalin se tourne vers moi avec un sourire aimable.

-Comment avez-vous trouvé Edmée ?

Une fois de plus, je me contente d'une réponse courte mais sibylline.

-Particulière...!

Un sourire cette fois-ci franchement amusé éclaire les traits d'Acalin.

-Complètement folle vous voulez dire... A quinze ans, c'est un vrai pilote en herbe... Comme vous avez sûrement dû vous en apercevoir.

-En effet...

Le sourire d'Acalin s'accentue un peu plus tandis qu'il vrille ses yeux décidés dans les miens.

-C'est ma fille.

Il y a quand même un brin de fierté dans sa voix.