Chapitre 50

8 1 0
                                    

Maëlys

— Non ! hurlais-je à m'en casser la voix.

J'allais m'élancer en direction de la cité, mon cerveau aux abonnés absents, quand deux paires de mains s'abattirent sur moi et m'empêchèrent de faire un pas de plus.

— Lâchez-moi !

– Aylan a fait son choix, déclara Jean. Il ne veut certainement pas que tu ne meures pour rien.

— Et lui alors ?

— Lui, il meurt en héros, m'annonça le légionnaire à côté de moi.

C'était Thomas. J'allais lui préparer une réplique bien salée quand l'explosion nous propulsa tous en arrière. J'atterris sur le goudron et m'écorcha le coude sur les gravillons tandis que le choc se répercutait dans mon coccyx.

La douleur me fit grimacer quelques instants et quand je les rouvris, ce fut pour découvrir un véritable tableau cauchemardesque. La cité s'était complètement affaissée, une annihilation en bonne et due forme. L'explosion et l'affaissement de l'énorme bâtiment avait projeté du verre et soulevé d'énormes nuages de poussière qui nous empêchaient de voir à plus de deux mètres.

Je toussais malgré moi comme tous mes camarades.

Beaucoup d'unités de légionnaire étaient encore en train de sortir lorsque la cité avait volée en éclats. Et de nombreux repentis étaient en train de secourir les sujets qui étaient tombés lors de la sortie proche de la cité. Je doutais qu'eux on les reverrait.

Et Meera ?

Lorsque la secousse fut passée, je pus m'élancer vers la ruine, cherchant frénétiquement Aylan ou Meera. De nombreux corps étaient à terre, certains respiraient encore, d'autres avaient le regard vide. Plus je m'approchais du tunnel, plus l'angoisse se saisissait de ma poitrine.

Non. Non. Non.

Jean me suivit et lui-même s'était mis à chercher les survivants. Quand nous atteignîmes là où était le tunnel auparavant, nous nous heurtâmes à un mur de pierres. Tous ceux qui n'avaient pas eu le temps de sortir ont probablement été ensevelis dans la cité ou dans le tunnel.

Un sanglot s'échappa de ma gorge alors que je m'écroulais sur le sol. Ce n'était pas vrai. Aylan ne pouvait pas être mort. Il avait promis de toujours être là pour moi.

Un rire amer me secoua entre deux reniflements. C'était tellement du Aylan tout craché ça, de se sacrifier pour sa patrie. Ce petit soldat parfait et fier. Fier d'être Priméen.

Je décidais là et maintenant que j'allais lui en vouloir toute ma vie. Qu'allais-je faire, moi, sans lui ? Sans son regard pétillant de malice ? Sans son sourire charmeur ? Sans sa bonne humeur sans égale ? Comment allais-je continuer à vivre sachant tout ce qu'il a fait pour moi alors que moi je n'ai jamais rien fait pour lui ?

Mon poing s'abattit faiblement contre la parois inégale me faisant face. Quand on s'était dit au revoir, il le savait. Il savait qu'il ne reviendrait pas. Cette pensée me brisa un peu plus. Il y a tellement de choses qu'on aurait pu se dire. J'aurais pu le dissuader de faire cette connerie monumentale.

Et alors je réalisais. C'était ma faute. C'était moi qui lui avais dit que tous les centres de recherche étaient conçus pour s'autodétruire en cas d'infiltration ennemie. Je m'en souvenais très bien, lors de notre test ADN. Car rien n'était plus important que de protéger le savoir, c'était ce que je pensais à l'époque en tout cas.

À cet instant, sans Meera ni Aylan à mes côtés, le savoir pouvait bien aller se faire voir.

— Maëlys ? m'interpella Thomas. On va aller voir à la porte dix si on trouve des survivants. Tu veux venir avec nous ?

Je pris une inspiration tremblotante, essayant de chasser les sanglots qui me secouaient encore. Puis j'essuyais mes larmes d'un revers de main pour suivre le légionnaire.

Nous longeâmes la cité par l'ouest à l'affut de quelques mouvements que ce soit. Il n'y avait aucun ennemi en vue. Soit ils étaient tous morts, soit les survivants avaient pris leurs jambes à leur cou. Finalement, nous trouvâmes Eric qui gisait à terre. Bien amoché mais vivant. Les légionnaires le prirent immédiatement en charge.

— Meera ! me mis-je à crier avec un regain d'espoir. Meera !

Mais personne ne répondait et avec ce nuage épais qui ne voulait pas partir, impossible de voir plus loin que le bout de mon nez.

— Elle est là ! nous cria une voix venant de la gauche.

Je me précipitais. Meera était là, sur le dos, la respiration sifflante. Je me jetais sur elle et si elle n'avait pas été en si mauvais état je l'aurais secoué de toute mes forces pour lui signifier à quel point elle avait été débile de suivre le plan d'Aylan.

— Je ne peux plus bouger, siffla-t-elle entre ses dents serrées par la douleur.

J'observais son armure, une barre de fer avait transpercé sa poitrine, expliquant sa difficulté à respirer. Avec l'aide de Jean et Thomas, nous lui arrachâmes. Son cri déchirant me fit mal. Elle m'agrippa le col et gronda :

— Il faut aller en direction du sud-est.

Puis elle s'évanouit et me laissa paniquée de peur de l'avoir perdue elle aussi. Je vérifiais immédiatement son pouls, il me fut difficile de le trouver par-dessus mes propres battements de cœur frénétiques, mais il était bien là. Puis, je me souvenais qu'elle avait dit ne plus pouvoir bouger. Alors que les légionnaires allaient la soulever pour l'emporter plus loin des décombres, je les retins et décidais de l'ausculter.

Evidemment, je ne pouvais pas prétendre être une médecin, loin de là, mais je ne fus pas peu fière de moi lorsque je décelais un éclat de métal fiché dans le bas de son dos. Je l'ôtais avec le plus de délicatesse possible et décidais de ne pas la bouger tant que sa blessure n'aurait pas commencé à se résorber.

Seulement lorsque Meera cessa de saigner de la poitrine et du dos, alors j'autorisais les légionnaires à la porter jusqu'à un véhicule qu'ils avaient amené. Les unités survivantes, les sujets et les repentis avaient du mal à s'organiser : aucun des généraux n'avait été trouvé parmi les survivants pour le moment. Nous nous rassemblâmes alors tous du côté de l'arène quelques heures où nous trouvâmes de l'eau et quelques vivres mais il semblait évident que nous allions devoir partir rapidement si nous ne voulions pas mourir de faim.

J'attendais avec espoir que Meera se réveille, mais cela ne semblait pas dans ses plans malgré la guérison rapide de ses blessures. Peut-être avait-elle besoin de guérir de l'intérieur également.

Perdant patience, je retournais errer vers les décombres pour tenter de trouver d'autres survivants. En particulier un grand brun aux yeux bleus. Mais après plusieurs heures de recherche infructueuses, je retournais auprès de la gladiatrice. Jean et Thomas continuaient eux aussi les recherches.

Maintenant, quoi ?

C'était la question que personne n'osait prononcer à voix haute.

Mais il y avait autre chose qui me troublait encore plus : pourquoi personne de la ville ne venait nous secourir ? Valait-on si peu à leurs yeux ? N'oseraient-t-ils même pas nous envoyer quelques secouristes ?

Tandis que je broyais du noir, Meera ouvrit enfin les yeux. Elle grimaça un peu lorsqu'elle se redressa mais affirma aller bien.

— Aylan ? demanda-t-elle.

Je secouais la tête négativement et son regard se perdit dans le vague quelques instants, puis elle se leva. Crasseuse de sang

— Ne restons pas là, allons vers le sud-est avant qu'ils ne décident que nous récupérer vaut mieux que nous laisser crever.

Je n'osais pas lui demander pourquoi elle tenait tant à aller dans cette direction là en particulier. Alors, comme tous les autres, je me levais à mon tour et la suivis vers la zone, vers la liberté. 

Les PriméensWhere stories live. Discover now