Chapitre 29

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Meera

Je passais la porte de la recherche, surmontée comme toujours de sa devise en lettres d'or, pour me rendre à mon premier rendez-vous avec Carole. Il était tard, car nous avions convenu de faire injections lorsque que la journée de travail officiel était terminée, afin de ne pas attirer l'attention. Heureusement, cela faisait des semaines que les légionnaires de garde devant la porte ne me demandaient même plus pourquoi je venais, puisque je faisais souvent des allers retour pour rendre visite à Le Corre. Personne ne se doutais que je venais cette fois-ci pour me faire soigner.

Je retrouvais Carole à la salle convenue. J'haussais un sourcil à sa vue : elle avait retiré son masque. C'était la deuxième fois de ma vie que je la voyais sans ce tissu bleu barrant son visage. Elle me sourit, comme si de rien n'était.

J'hésitais à m'approcher, je ne voulais pas risquer de la contaminer. Nous, les Priméens, nous pouvions être porteurs du virus quelques temps sans même nous en rendre compte, et j'avais fait un combat récemment, on n'était pas à l'abri ce connard de Demolisher me l'ait refilé. Carole m'invita à m'asseoir sur le plan de travail sans commenter mon trouble.

Je m'allongeais mais ne pus tenir ma langue plus longtemps :

— Tu n'as pas ton masque.

Elle me sourit à nouveau. Derrière son masque, je n'avais jamais vu son sourire, il était bien plus doux que ce que j'avais imaginé.

— À mon âge, et après tout ce que j'ai vu dans ce département, le virus ne me fait plus peur. Je le garde en général seulement pour montrer l'exemple aux autres.

Je fronçais les sourcils mais ne commenta pas.

Carole enfila ses gants de latex et se mit au travail. Elle examina chacune de mes articulations méticuleusement, pris de nombreuses notes sur un carnet de papier que je n'avais jamais vu auparavant. Pourtant, écrire sur du papier de nos jours était assez singulier pour que cela se remarque.

— Tout ce que nous notons dans le système habituel peut être accédé par les intouchables, expliqua-t-elle. Ecrire sur un carnet que je vais mettre en lieu sûr dès que notre séance sera finie est bien plus sécuritaire pour notre petit secret.

Je lui étais reconnaissante de garder cela pour elle, mais un peu surprise qu'elle aille jusqu'à prendre ces précautions exceptionnelles. Je la laissais m'ausculter malgré l'inconfort qui grandissait en moi.

Des souvenirs de ces mêmes mains remontèrent dans ma mémoire et je tâchais tant bien que mal de les tenir écartées. La sensation des gants sur mon corps, le froid du laboratoire, ma combinaison blanche maculée de sang...

Je devais me ressaisir.

— Ça avance l'article sur les résultats de Le Corre ?

Les mains cessèrent de me tripoter. Je tournais mon regard vers Carole, surprise que son hésitation, c'était pourtant une question simple sans accusation. Mais à sa réaction, je compris immédiatement qu'il y avait anguille sous roche et n'hésita pas à appuyer :

— Elle est très excité à ce propos, tu lui as donné beaucoup d'espoir.

Nicole fini son examen et se retourna pour prendre une des seringues que j'avais aperçues en entrant. Carole me piqua jusqu'à l'os, on aurait dit, dans mon coude et je grimaçais mais ne bougeais pas d'un millimètre. Des années d'expérience en tant que sujet m'avaient appris à ne faire aucun mouvement brusque lors de tests ni de dénigrer le chercheur en train de travailler sur soi.

— C'est l'endroit le plus touché, je vais te faire deux injections ici. Puis, on s'attaquera à d'autres articulation qui manquent de mobilité à mon goût.

Les PriméensWhere stories live. Discover now