Chapitre 1 [réécrit]

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Maëlys

J'avais dix ans quand j'ai décidé que je deviendrais la plus grande généticienne de tous les temps et que rien ne pourrait jamais m'en empêcher.

Comme j'étais sans conteste la personne la plus têtue au monde, il était évident que je n'avais toujours pas abandonné ce rêve d'enfant. Au lieu de cela, je l'avais entretenu toutes ces années avec ferveur et aujourd'hui j'allais en franchir une étape cruciale.

Mais avant ça, il me fallait finir une énième journée de travail monotone. Comme à mon habitude, mes gestes étaient méthodiques, calmes et maîtrisés. Plus que quelques échantillons et je serai enfin libre. Accomplir ce genre de tâche, simple et répétitive, me permettait de ne pas trop réfléchir et de rester calme.

Ce stage non rémunéré en laboratoire d'analyses médicales avait pour unique but de gonfler mon dossier pour entrer à l'université. C'était un atout de taille, car personne n'avait le droit de travailler réellement — j'entends par là, gagner de l'argent — avant d'avoir passé le test ADN-18. Ainsi, avoir déjà fait un stage avant ses dix-huit ans était un fait assez rare pour vous ouvrir certaines portes.

Enfin, ça, c'est ce que j'espérais, car je n'avais pas encore eu le courage de lire la réponse de l'université que je visais. Je l'avais reçue dans l'après-midi, mais elle était restée bien au chaud dans ma boîte de courriels non lus.

Un soupir qui relevait plus de l'impatience que d'un réel ennui m'échappa.

Lorsque j'eus fini d'aligner les petits tubes qui allaient partir à la centrifugeuse, je décidais que j'en avais assez fait et jetais mes gants de latex dans la poubelle avant d'aller retirer ma blouse blanche dans les vestiaires.

— Alors ? me demanda mon collègue de stage alors que je jetais mon sac à main disproportionné sur mon épaule. Toujours pas de nouvelles ?

— Non, Alex, toujours pas. Mais ce n'est qu'une question de temps.

— Tu as l'air bien sûre de toi.

— Évidemment ! S'ils ne veulent pas de moi, je me demande bien qui ils pourraient prendre.

Certainement pas des gens dans la moyenne comme toi, me dis-je.

Alex me jeta un regard aussi noir que ses cheveux face à mon sous-entendu. Je le pris pour un compliment. Il savait que j'avais raison, de toute façon.

— Ça te tuerait d'arrêter de rabaisser les autres ? Ce n'est pas étonnant que tu n'aies aucun ami.

De quoi il se mêle d'abord ?

— Je n'ai pas besoin d'amis, choisis-je de rétorquer.

Sur ce, je tournais les talons et sortais du vestiaire. Il ne me fallut que quelques minutes pour passer les lourdes portes coupe—feu, les salles de prélèvements et déboucher sur l'accueil. Un petit signe de la main aux secrétaires et mes pas me menèrent vers la sortie. C'en était enfin fini ! Aujourd'hui avait été mon dernier jour de dur labeur, demain je passais mon test ADN-18, le fameux test que nous passions tous l'année de nos dix-huit ans, et je serai enfin libre d'attendre le début des cours avec toute l'angoisse nécessaire. Il me faudrait peut-être commencer à étudier dès maintenant.

La chaleur de ce mois d'août me frappa de plein fouet dès que mon pied foula le bitume. Dans la fraîcheur du laboratoire, j'avais complètement oublié la canicule qui nous harassait depuis presque deux mois maintenant. La fameuse dont les journalistes ne cessaient de parler. Chaque année apportait une nouvelle vague de chaleur, comme si on ne pouvait simplement pas se résoudre à accepter la nouvelle norme de températures.

Les PriméensWhere stories live. Discover now