CHAPITRE 73

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Seona

Leslie sait. Elle est au courant de tout.
Quand elle m'a appelée en pleurs à presque minuit hier soir, j'ai su de quoi elle voulait me parler, et ça n'a pas loupé.
Elle a avouée qu'elle m'avait menti. Qu'elle n'est jamais partie dans le sud voir sa famille, qu'elle n'a même pas de tante qui a 50 ans et qu'elle ne savait simplement pas comment réagir, comment en parler et surtout, comment l'accepter.
Qui suis-je pour juger les mensonges et les peines des autres quand moi-même je ne les surmonte mal ?
Alors elle m'a dit qu'elle en voulait à sa mère de refaire sa vie avec un autre homme, que ce n'était pas possible qu'elle oublie son père aussi facilement et aussi rapidement.

- Et en plus, avec mon père.. je lui ai dit.

Dès cet instant, un silence s'est fait pesant dans le téléphone. Et de là, j'ai compris : elle savait qu'elle était de nouveau en couple, mais pas avec qui. Je suis la reine des boulettes.
À partir de ce moment là, j'ai dû évidemment tout lui expliquer depuis le début. Tout. Puis, de fil en aiguille, on est venus à parler de ce que je ressens vis à vis de tout ça. Cette discussion a durée plus de 2h, et elle m'a fait du bien. Énormément de bien.
C'est tellement rare avec Leslie de parler avec sincérité sur des sujets qui nous touchent et nous font du mal, plus particulièrement pour qu'elle-même assume sa tristesse, alors oui, ça fait du bien. J'apprends qu'une vraie amie, ce n'est pas juste partager les bons moments ensemble, c'est aussi réunir les mauvais.

En tout cas, ça ne nous a pas avancées plus que ça. On a décidées de toutes les deux rester au point mort : elle en veut à sa mère, objectivement, donc elle compte continuer de ne pas lui adresser la parole. Et moi, bah, c'est un peu pareil. Je poursuis mon chemin.. sans lui.

J'ai pris une décision, et même si elle est radicale et que, je risque de la regretter, je crois que c'est ce que j'ai envie. Ou du moins, ce que j'ai besoin.
Quand j'ai parlé avec Gabriel jeudi soir après les bonnes lasagnes de sa maman, il m'a conseillé d'écrire une lettre. Un peu comme celle qu'il m'avait faite, pour tout mettre à plat, être 100% honnête avec mon père et rester respectueuse.
C'est pourquoi je suis autour de ma table à manger, un dimanche midi, un stylo noir à la main et une feuille remplie de mots.
Je la signe enfin, après plusieurs minutes à écrire dessus, et quand je regarde de plus loin, je me rends compte qu'il n'y a aucuns trous sur la feuille. J'ai été tellement inspirée, les mots me sont venus en tête tellement rapidement et logiquement que je n'ai pas remarqué la longueur de cette lettre.
Avant de la refermer, je la relis :

« Papa.
Je suis désolée de t'apprendre que cette lettre sera sûrement la dernière que tu auras de moi. Lis-la bien, profite d'elle, car ce sera aussi la dernière fois que je te parlerai.
Les mots ne sont pas assez puissants pour décrire ce que je ressens à ton égard depuis ton retour. J'apprécie tes excuses, tellement, mais elles ne sont pas assez. Rien ne le sera jamais.
Tu t'es moqué de moi durant deux années. Deux putain d'années où je te croyais mort, où je te pensais victime d'une femme qui te battait, et où par la suite je te savais à mes yeux comme criminel.
Tu es revenu comme une petite fleur, m'a donné des explications totalement surréaliste et qui ne te ressemblait pas. Tu n'es plus le père que j'aimais et que j'admirais. Maintenant, je crois que je pourrai dire que je te déteste, mais je ne le penserai pas. Je t'aime, mais plus de la même façon. Pas de celle dont tu voudrais.
Je n'oublierais jamais ce que l'on a partagé, les bons moments entre nous, mes premiers pas à la boutique, les week-ends père/fille, les soirées cinéma à la maison quand maman n'était pas là. Mais tout ça, maintenant, ça appartient au passé.
Je ne te pardonnerai pas. C'est au dessus de mes forces, papa.
J'accepte de rester en contact avec toi, de répondre à tes messages, mais c'est tout. Ce que je n'accepte pas, c'est cette trahison. Tu avais tellement de temps pour revenir vers moi, tellement d'occasion de me faire comprendre que tu étais là. Mais dès le début, tu as été lâche.
Je tiens à préciser sur cette lettre, puisqu'au point où j'en suis, je ferai mieux de mettre toutes mes pensées ici, que je jure par cette preuve écrite que plus jamais je ne m'habillerai en noir. Plus jamais je ne porterai un deuil, et surtout pas le tien. Alors si un jour tu me cherches, dans la rue, dans les magasins, dans ta vie. Sache que je serai en couleurs. Des couleurs que je me suis interdite de porter depuis des mois.
Tout ce que je te demande, papa, c'est de porter plainte contre maman. Elle qui te battait, te martyrisait, t'empêchait de manger ce que tu voulais, te forçait à la toucher et surtout, le plus important, qui t'a donné l'envie de te faire passer pour mort.
Dénonce-la, papa. Elle ne mérite pas d'être encore dans la nature et d'avoir de nouvelles victimes.
Maintenant, je vais te parler de Gabriel. Je ne sais pas si tu es au courant, mais si je le connais, c'est parce qu'il a tout fait pour m'approcher et se venger sur moi. Se venger, car sa petite soeur qui était sportive et dépensière s'est retrouvée les jambes paralysées par ta faute du jour au lendemain. Quant à lui, tu ne l'a peut-être pas remarqué car il le cache très bien, mais il possède une jolie prothèse en ferraille sur la jambe gauche. Elle s'arrête jusqu'à son genou, et il l'a perdu lui aussi, à cause de toi.
Et parce que tu ne t'es pas rendu à la police, parce que tu es parti sans dire un mot, parce que tu en a profité, eux, ils ont vécus l'enfer.
Toi, tu as revécu.
Notre rencontre n'était pas celle qu'on voit dans les contes de fée, ni dans les livres, mais si il y a bien une chose pour laquelle je t'en serai reconnaissant éternellement, c'est de me l'avoir mis sur mon chemin. D'ailleurs, je vais te le dire : j'ai diner avec sa famille cette semaine, et c'était le meilleur repas de toute ma vie. Des parents qui s'aiment, un frère et une soeur qui se chamaille, et des discussions autour d'une table, sans faux semblant. Je ne me suis jamais sentie autant à ma place que ce soir là.
Alors merci, papa. Merci de m'avoir donné la lumière sur Gabriel et sa famille. Merci de m'avoir fait croire que tu étais mort. Car sans toi, je ne serai pas la femme forte que je suis devenue aujourd'hui. Sans toi, je ne l'aurais pas rencontré.
Merci.

Je serai toujours là papa. Pas comme tu voudrais que je le redevienne, mais je serai présente. Et le jour où tu mourras, même si je meurs en première, j'espère qu'on se retrouvera là haut, et que nos différents n'existeront plus.

Signé Seona Mariolli »

J'essuie une minuscule larme d'un revers de la main, puis plie la feuille en deux pour l'insérer dans une enveloppe blanche. Mon père m'a donné son adresse ce matin, pensant sûrement que j'allais me déplacer pour venir le voir, alors que je la voulais simplement pour poster cette lettre. Ma décision est tranchée, mais beaucoup trop réfléchie.

Soudain, j'envoie un message à Gabriel :

Moi à Gabriel - 15h16
Viens chez moi,
stp.

Message auquel il me réponds aussitôt par un :

Gabriel - 15h17
J'arrive.

*****

Maintenant qu'il est présent, je lui fais lire ma lettre.
Avachi dans mon canapé dans son survêtement gris -mon préféré -, je le zieutes en train de suivre les lignes une par une. Quand il arrive à la fin, il pousse un soupire.

- Wow. Tu es sûre de toi ?

Je hoche la tête en guise de « oui », puis il tend son bras pour que je le rejoigne. Quand je m'affale contre lui, je passe mes doigts sous ton tee-shirt afin de les réchauffer. Quand je rentre en contact avec sa peau chaude et dure, je frémis.

- Regarde toi, lâche t-il tout à coup.

Je me redresse afin de fixer ses yeux bruns attendrissants et je souris. Il fait de même et mon corps se réchauffe par l'atmosphère.

- Quoi ? Je piaille.

- T'es magnifique.

Je pousse ma tête vers lui pour qu'il dépose un baiser sur mon front, et je m'assois.

- Tu as vu comment je suis habillée, aujourd'hui ! Je lui signale.

- Parce que tu crois que je ne l'ai pas remarqué ?

Il m'analyse de haut en bas, en passant par mon jean bleu marine et mon haut blanc, un chouïa transparent. Son regard s'arrête sur ma poitrine, où mes tétons pointent dans sa direction. On prend un instant pour se défier, puis il agrippe avec appoint mes fesses pour me foutre à califourchon sur lui. Son odeur est enivrante, nos bouches qui se claquent se mélangent, nos langues dansent l'une contre elles, et mes mouvements de bassin se font plus précis, plus doux. Gabriel me retire mon haut d'un seul coup de main et gobe un de mes tétons savoureux.

Je perd la tête et me laisse aller.
Je l'ai bien méritée.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now