CHAPITRE 38

284 15 6
                                    

Seona

- Pardon ? Osé-je dire alors que j'ai très bien compris de quoi il veut parler.

- Ta mère. Lâche t-il. Tu as fugué de chez elle !

- Non ! Je m'exclame.

Je le rejoins sur le canapé pour mieux lui parler.

Je n'aurais jamais cru devoir lui annoncer ça de cette façon, et à vrai dire je pensais ne jamais avoir besoin de lui expliquer.

Je me sens mal. De lui avoir menti aussi longtemps, de ne pas m'être confiée plus tôt à mon cousin qui me sert aussi de meilleur ami, d'avoir embarquer Gabriel dans ce mensonge..

- Tu étais au courant, reconnais Adam en fixant du regard son coloc'.

Gabriel secoue la tête furtivement, prenant place sur le balcon pour se fumer une cigarette. Il laisse malgré tout la vitre ouverte, sûrement pour nous entendre. Il ne souhaite pas faire partie intégrante de cette discussion, il ne cherche pas à s'immiscer sur le sujet, tout ce qu'il fait est d'être présent. Et ça suffit à me rassurer, pour avoir le courage de tout expliquer à mon cousin.

- Écoute, ma mère m'a virée de chez elle.

- Virée ? S'étonne t-il. C'est pas ce qu'on m'a dit.

Je vois qu'il ne me crois pas, et je dois avouer que ça me picote un peu le cœur.

- On t'a dit quoi ?

La fumée grise de la clope de Gabriel s'estompe derrière Adam qui l'observe.

- Le petit vieux de la dernière fois, il m'a dit que ta mère l'avait interpellé hier car elle te cherchait, car depuis que tu as FUGUÉE tu ne lui donnes plus de nouvelles.

Il a insisté sur le mot « fuguée », me faisant bien comprendre sa déception concernant le fait que je ne lui en aurai pas parler. Et même si c'est faux, il sera déçu de moi dans tout les cas. Ça m'attriste.

Pour prouver à Adam que je n'ai pas fuguée, je me rappelle du message que ma mère m'a envoyé lors de ma première nuit dehors. Alors je déguenille mon portable de ma poche, et le tends à Adam sur ma conversation avec elle. Et effectivement, il y voit bien le message affiché :

«  Pas la peine de revenir à la maison Seona. »

En lisant ça, son expression ne saute pas. Il reste de marbre.

- Explique-moi alors.

Je commence.

- Je suis rentrée du travail un soir, et mes valises étaient sur le pas de la porte. Je n'avais pas un rond, ça ne faisait même pas deux semaines que j'avais commencé le taff.. Alors, au début, j'ai voulu dormir dehors.

Il tente de parler mais je le coupe directement :

- Laisse-moi finir s'il te plaît.

Il hoche la tête.

- Comme je le disais, j'ai voulu dormir dehors. Alors j'ai dormi dans une cage d'escalier dans un immeuble.. Et c'est là que j'ai rencontré Gabriel. Je ne t'ai appelé que le lendemain matin, je n'ai pas voulu te le dire tout de suite.. J'avais trop peur de ta réaction.

- Mais je t'aurais accueillie sans problème, déclare t-il avec un regard compatissant.

- Mais je sais, continué-je. Mais Adam.. A chaque fois que je suis venu te voir en te disant ce que ma mère me faisait, tu allais tout raconter à ton père pour qu'il lui foute la misère. Tu te rappelle quand je t'ai dis qu'elle m'avais brûlé le poignet ?

Il s'écarte :

- Oui, je sais.

Le regard de Gabriel me semble pesant tout à coup, et quand je vérifie s'il nous regarde, il est bel et bien en train de le faire. Ça me gêne, mais je ne m'arrêterais pas pour lui.

Étonnamment, il est le seul au courant tout ça.

- Ton père a harcelé ma mère tout les jours, d'appels et de messages, tous plus horribles les uns que les autres. Tu sais comment on appelle ça Adam ? Du cyber-harcèlement. Elle aurai pu porter plainte.

- Parce que ce qu'elle t'a fait ne méritait pas d'être puni ?

Touché.

- Si, mais..

- Parce que tu crois que je ne sais pas ce qu'elle faisait à ton père ?

Touché.

- Non, m..

- Parce que tu trouve ça normal de faire tellement peur à sa fille qu'elle n'ose même plus se laver sous son toit ?

Coulé.

- Je suis au courant de tout, et ça fait un moment que je ne dis rien, se calme t-il en essuyant les larmes qui coulent sur mes joues.

Du coin de l'œil, je vois que Gabriel est de dos.

Heureusement.

- Mais je comprends que tu aie eu peur de m'en parler. Même si t'aurai dû.

Il me câline et son corps réchauffe mon cœur.

- Ton père se confiait beaucoup au mien, rajoute t-il. Désolé de te parler de lui, je sais que tu n'aimes pas ça, mais c'est le moment qu'on en parle.

Je dis « oui » avec ma tête tout en fixant mes pieds.

- Il lui a tout raconté.. Et je pari qu'il s'est suicidé à cause d'elle. A vrai dire, je pense qu'il y réfléchissait depuis un moment.

- Je pense pareil que toi, arrivé-je à articuler entre mes pleurs silencieux.

Il me re-câline.

- Si tu savais comme je m'en veux, s'excuse t-il.

- Tu n'a pas à t'en vouloir, dis-je. C'est moi qui suis désolée.

Aucun autre mot n'est prononcé, sauf quand il me chuchote à l'oreille :

- Je suis heureux que tu aie trouvé Gabriel.

Sauf qu'il ne sait pas non plus qu'il manigance quelque chose dans notre dos à tout les deux.

Et que ça risque de faire basculer nos vies. La mienne.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now