CHAPITRE 30

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Seona

Je progresse difficilement jusqu'à la porte, évidemment terrorisée à l'idée de la revoir.

J'ai à peine atteint l'entrée que son odeur envahit l'espace.

Ça sent mauvais. Ça sent elle.

Maintenant, il faut que je lui prouve que je suis forte.

Et que je lui montre qui est la VRAIE moi.

Je prend le peu de courage que j'ai pour enfin m'introduire dans la pièce.

Et je la vois.

Mon corps monte en pression, je suis en ébullition. Rien que de la repérer dans cet appartement me gêne.

C'est mon espace. Mon territoire.

Je n'ai jamais osé quoi que ce soit avec elle, j'ai toujours eu trop peur. Mais c'est fini. Et cette part de moi, elle ne sait pas qu'elle est vivante. Elle ne doit même pas s'en douter.

Sa grande silhouette fait tâche dans ce couloir. Ses cheveux lisses et plaqués lui ressemble : durs et autoritaires.

Elle est de dos, je crois qu'elle ne m'a pas entendu arriver. Alors j'opte pour la manière défensive. Je passe discrètement par la cuisine et récupère le premier couteau que j'attrape. Cette fois-ci, j'ai une arme. Et cette fois-ci, je vais oser l'utiliser si les choses se passent mal.

Je me dirige vers elle, cachant l'ustensile derrière mon dos, me donnant un semblant d'air sereine.

-  Tu cherches quelque chose ? Lui dis-je ironiquement.

- Ah, sourcille t-elle. Te voilà enfin !

Elle marche droit vers moi, presque prête à me sauter dessus pour me.. faire un câlin ?

Elle m'étreint gentiment, sans sentir le couteau dans ma main. Je me repousse brièvement, refusant ce geste si inédit.

- Ne me touche pas, braillé-je en reculant vers la baie vitrée. Comment tu as fait pour rentrer ?

Elle sourit, putain elle m'énerve à sourire quand je la repousse. Comme si elle était fière de me faire peur, heureuse de se comporter de cette manière avec sa propre fille.

- Les clés sous le paillasson, c'est cliché, crache-t-elle. Je vois que tu t'es trouvé un pigeon pour t'héberger finalement.

J'arrive à rire. Bordel, je suis en train de rigoler.

- Je n'avais jamais entendu le son de ton rire, remarque t-elle en me fixant soudainement.

- T'es pathétique, craqué-je entre mes dents.

Ses longs doigts caresse sa chevelure qui ne bouge même pas, et je ne peux pas m'empêcher d'imaginer qu'elle va venir m'étrangler avec ceux-là.

Ce ne serai pas la première fois.

- Tu sais Soso, je n'aurai jamais pensé que tu partes réellement de la maison. Je dois dire que tu m'a bluffée.

Je ne réponds pas, le dos collé contre la vitre. L'intonation qu'elle utilise pour me déstabiliser marche à tout les coups.

- Je vais devoir te le répéter en quelle langue, que tu ferai mieux de rentrer à la maison ?

Je réagis au quart de tour :

- Pourtant, tu m'avais envoyé un message pour me dire de ne pas revenir. Non ?

Ses lèvres s'étirent de plus belle tandis que ses pas deviennent plus lourds, plus lents. Elle s'approche trop près de moi, et j'ai soudain le sentiment de me retrouver à la place de la Seona d'il y a deux ans, quand elle a recommencé ses horreurs sur moi après la mort de mon père.

Mes jambes tremblent et ma respiration devient trop pénible à garder silencieuse.

Des gouttes de sueurs perlent sur mon front, et du bout de son index, elle en essuie une :

- Tu as peur ? Susurre t-elle tout bas.

Elle trifouille mes cheveux en les enroulant autour de son doigt, et moi je suis à deux doigts de lui enfoncer mon couteau dans sa gueule. Enfin, c'est ce que je ferai si j'en avais le courage.

Brusquement, elle choppe une touffe de ma chevelure et me plaque à terre. Ma tête vient de cogner contre le sol et j'ai l'impression de voir des étoiles. Elle placarde mes deux mains contre mon dos, et en faisant ça, je fais tomber l'arme de mes mains.

Je n'ai pas le temps de réfléchir. Je dois agir.

On se jauge un instant, puis elle me laisse le champ libre en essayant de le récupérer avant moi. Je réussis à me relever tant bien que mal et attrape l'ustensile de cuisine avant elle. Je n'ai plus de force, plus de cardio, mais je n'ai plus peur.

Je me recule en présentant le couteau devant moi :

- Touche-moi et je te plante ! Crié-je de toute mes forces.

Elle recule alors, les deux mains en l'air, aussi étonnée que moi par ce que je suis en train de faire. Putain, elle m'aurait fait quoi si je n'avais pas pensé à prendre ce fichu couteau ?

Elle continue de se replier en marchant à reculons jusqu'à la porte d'entrée. Je suis estomaquée de la voir prendre quand même le temps de lire le petit message que j'avais écris ce matin pour Gabriel. Elle sourit, puis reviens à moi.

- Que c'est mignon, souffle t-elle.

- Ne reviens plus jamais ici ! Aboyé-je sur elle en gardant l'arme pointée sur elle.

Elle arrive enfin près de la sortie :

- Il ne pourra pas toujours te protéger, se moque t-elle. Fait attention à ton petit Gabriel.

Puis elle claque la porte derrière elle.

Je reste encore au moins cinq bonne minutes dans cette position, mon arme pointée vers la porte. J'essaye de vérifier quand même par la baie vitrée si je la vois sortir, et effectivement, je la zieutes sur ses talons monter dans une voiture.
Qui n'est pas la sienne.

Puis ce véhicule s'éloigne du parking, me permettant enfin de souffler.

Je m'allonge dans le canapé en position fœtale, pleurant comme une madeleine. Tout ce qui vient d'arriver est la meilleure chose que j'ai jamais fait contre elle. Je lui ai tenu tête et, je ne sais pas si je pleure d'angoisse ou de bonheur de lui avoir fait peur.

La chose qui me tourmente le plus, c'est sa menace concernant Gabriel.

C'est une connasse, un tyran, une sorcière. Mais ce n'est pas une menteuse. D'autant plus que ça me tracasse vraiment, car je ne lui ai jamais dit son prénom.

Par doute, je me lève pour aller vérifier le petit mot sur la table à manger que je lui ai adressé, mais je ne mentionne à aucun moment qu'il s'appelle Gabriel.

Mes mains font trembler la feuille, alors je me dis que je dois me reposer.

Ça doit être un malentendu.

Je veille à bien fermer la porte à clé, et je m'enferme dans la chambre du coloc' pour me calmer. Son odeur est partout sur les draps, me rappelant le souvenir de nos deux corps déchaînés se harasser l'un contre l'autre.

Mon esprit est en miette mais mon cœur est plein.

J'ai besoin de lui. Bien plus que ce que je voulais croire.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now