CHAPITRE 51

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Seona

Tourmentée par ce baiser aussi soudain et assoiffé, je ne bouge même pas quand je le scrutes pendant qu'il.. fuit ?

Je n'ai presque rien compris de ce qu'il vient de se passer, d'autant plus que j'avais l'impression que notre rapprochement était interdit. Et je sais que je l'ai embrassé sans grande conviction.

Mais par parce que je n'en mourrais pas d'envie, surtout parce que j'ai été prise de court.

Je ne m'y attendais réellement pas.

Cela ne veut pas dire que je ne l'ai pas aimé. Je l'ai adoré, et ça me fait mal de l'avouer.

En fait, j'ai l'impression qu'il y a une barrière entre ce que mon cœur veut et ce que mon cerveau m'autorise à vouloir. Le problème, c'est que je le veux, lui. Mais j'ai constamment l'impression que si j'écoute mon cœur, je vais tout foirer. Comme toujours.

En courant dans le couloir, Gabriel a fait tombé son carnet sur le sol.
Et bien sûr, je n'ai pas pu m'empêcher de le prendre avec moi.
Ça nous fera une excuse pour se revoir.

Alors j'ai sagement attendue dans le canapé qu'il m'envoie un message pour me demander s'il ne l'aurait pas oublié chez moi, par hasard.

« Chez moi ».. Ça me fait drôle de l'admettre.

Le petit livre de poche noir sur la table basse attire mes yeux, mais mon portable aussi.

Je décide de poser les deux l'un à côté de l'autre, et voir lequel va le plus m'intriguer.

Forcément, au bout de quelques secondes, et après n'avoir rien reçu sur mon téléphone, je penche plus vers le carnet.
J'ai hâte de voir ce que Gabriel a bien pu dessiner, depuis.

Je feuillette les pages, comme d'habitude, et reviens sur la première page au début. Celle qui est toute gribouillée. Je me demande toujours pourquoi elle l'est.
Il n'avait jamais répondu à ma question, d'ailleurs.

Plus je tourne les pages et plus je me rends compte qu'il s'améliore au fur et à mesure. Certains dessins paraissent dix fois plus travaillés que les précédents. Et j'aime énormément ses traits.

Je reviens sur celui où je m'étais arrêté la dernière fois, à l'hôpital. Le croquis d'Adam et Simon.

Je suis sûre qu'ils adoreraient le voir..

Et puis, en changeant de feuille, je me reconnais.

Mes cheveux longs. Ma petite taille. Ma main qui tient ma robe, et mes talons un peu trop hauts qui ont causés ma chute. Pas de doute, c'est moi.

C'est marrant, mais j'ai remarqué que Gabriel ne dessine aucune autre fille, à part moi, et sa sœur. Même pas de dessin de Leslie, de sa mère ou de je-ne-sais qui d'autre.

Ça lui donne un côté mignon.

Je ne m'attardes pas vraiment dessus, puisque sans trop comprendre pourquoi, mes doigts s'empressent de regarder son dernier dessin.

Puis j'y vois un homme, sur une chaise, portant un chapeau assez atypique. On dirait presque qu'il est fait de pailles, et sur sa joue, une cicatrice en deux griffures. Il lit un journal, et d'après ce que je vois, le monsieur est habillé simplement : jean large, baskets de sport, et..

Je me fige.

Ce n'est pas possible.

C'est irréaliste.

Je manque un battement quand quelqu'un toque à la porte, m'aidant grandement à esquiver ce que je viens de voir pour ne pas me faire des idées.

En ouvrant, je ne suis même pas choquée de voir Gabriel :

- Ouais, désolé, débite t-il. Je crois que j'ai oublié mon carnet chez toi, du coup me v..

Il s'arrête de parler aussitôt après avoir vu ma tête :

- Soso, qu'est ce qu'il y a ? S'inquiète t-il. On dirait que tu as vu un fantôme..

Je ne répond même pas, car je n'arrive toujours pas à croire ce que je viens de voir.

Gabriel, qui semblait parler sur le ton de la blague ne rigole même plus :

- Seona, oh ? Il t'arrive quoi là ?

Toujours en état de choc, je pointe du doigt le canapé où se trouve son livre.

Il suit des yeux mon index, et se permet de rentrer sans que je ne lui dise quoi que ce soit.

- Mon carnet ? M'interroge-t-il en se pointant du doigt lui-même.

Je hoche la tête et le suis jusqu'au canapé, avant de le voir prendre son livre entre ses mains, laissé sur la page ouverte de son dernier dessin.

En s'asseyant, je l'imite et il contemple son esquisse.

- Tu l'a fais où, ce putain de dessin ? Parviens-je à dire.

Il n'a pas l'air de comprendre, et je m'en veux de ne pas lui expliquer. Mais j'ai besoin d'informations avant de tout déballer.

- Euh, arrête tu me fais peur, sourit-il.

Je ne souris pas en retour, alors il reprend :

- A l'hôpital.. je l'ai fait à l'hôpital.

- Il était comment ?

- Je ne sais pas.. Comme sur le dessin, je crois.

- Je crois ?! M'agacé-je.

- Ben oui, je ne me rappelle plus trop, moi ! Il était 5h du mat' quand je l'ai vu, tu crois que j'avais la lumière à tout les étages ?

Je soupire, claque mes mains sur mes genoux et me relève, faisant des allers / retours entre le canapé et la cuisine.

- Tu va m'expliquer ce qu'il y a, bordel ? Hausse t-il le ton.

Je prend ma tête dans mes paumes, et appuie contre mon front, comme si ça allait me remettre les idées en place.

- Détaille-le, je t'en supplie.

Je dois vraiment lui faire de la peine, là. Ma phrase est sortie trop timidement.

Il continue de me regarder, mais voyant sûrement mon désarroi, il abdique :

- Il avait un jean bleu, large, comme sur le dessin.. Et un chapeau de paille rouge.. bizarre, mais vrai. Et je n'avais pas de rouge sur moi pour colorier.. Puis il avait des baskets Nike, elles étaient noires et blanches, ainsi qu'une veste manche longue noire..

- Et il avait quoi sur son poignet ? Le coupé-je.

Il analyse le papier.

- Une montre, reconnaît-il.

- Elle était comment ?

Il me questionne du regard.

- Elle était comment, putain, Gabriel ?

Il sursaute presque.

- Noire.. Noire, avec des papillons.

Je peine presque à respirer.

- J'ai juste fait un papillon sur le côté, mais je crois qu'il y en avait d'autres, rapplique t-il.

Il panique aussi, sans comprendre la raison de mon stress. Et ça me fait encore plus m'agiter.

Je m'adosse à la table, réfléchissant à toutes les possibilités qui peuvent s'offrir à moi et à mon imagination, quand le corps de Gabriel vient gentiment calmer le mien. En sentant le contact de sa main chaude dans mon cou, je me détend très doucement, comme une vague qui caresserait le sable. D'un ton sec, il m'ordonne :

- Explique-moi ce qu'il y a avec mon dessin.

Et sans lui dire quoi que ce soit, je lui montre mon poignet.

Mon tatouage.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now