CHAPITRE 9

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1200 euros sur mon compte en banque ce matin, ça m'a fais drôle.

Je n'ai jamais eu un centime sur ma carte, étant donné que ma mère récupérait tout dessus.

Mon père avait cotisé des années pour que je puisse avoir de l'argent de côté, et pouvoir me payer mes études de commerce, ainsi que le permis, et pourquoi pas un appartement. Mais forcément, à sa mort, sa femme a tout récupérer. Ou du moins, pour moi, elle m'a tout volé.

J'ai quand même pu passer mon bac pro commerce, que j'ai eu avec mention.

Après ça, mon père m'avait dégoté un travail de vendeuse dans sa bijouterie. Sauf que bien sûr, ma paye ne me revenait pas. Et je savais pourquoi.

Puis quand il est décédé, disons que je n'ai pas eu le courage d'y remettre les pieds. Je n'avais alors plus de père, et plus de travail. Puis à vrai dire, j'étais coincée chez ma mère.

Je crois en fait que je n'arrivais juste pas à partir de notre maison, alors dire que j'étais coincée là-bas me plaît plus que de dire la vérité.

A 18h, en rentrant du travail, je me suis arrêtée dans un magasin pour faire quelques courses : ce soir, je fais le repas. Adam va sûrement m'engueuler, mais je m'en fiche.

J'ai pris le bus avec mes quatre gros sacs et j'ai marché jusqu'à la résidence.

J'ai le sentiment de m'habituer à cette vie, à rejoindre cette immeuble comme pour rentrer chez moi. De savoir que ce ne sont pas des coups et des larmes qui m'attendront en passant le pas de la porte, mais plutôt des rires et des caresses, et un peu d'incompréhension quant à Gabriel.

Me voici maintenant dans l'ascenseur, en train de réfléchir à tout ça, quand les portes qui s'ouvrent m'indiquent que je suis arrivé au quatrième étage. Une silhouette à casquette se tient devant la porte d'entrée, puis se retourne en entendant le frottements des sacs.

Gabriel s'empresse de m'aider et en porte trois, m'en laissant seulement un. Ses bras se contractent sous son tee-shirt et je remarque aux gouttes glissantes sur son front qu'il transpire.

Je ne sais pas trop ce qu'il me prend, mais j'attrape sa casquette du bout de mes doigts pour la lui enlever, et la mettre sur ma tête, à l'envers.

Il me regarde étonné, mais ne me dis rien. Juste, il sourit.

Il ouvre la porte avec son pied et nous pénétrons à l'intérieur. Je m'attendais à ce qu'il laisse tout en vrac devant la cuisine en me laissant me débrouiller pour ranger, mais non. Je le suis des yeux, pendant qu'il déballe les sacs et posent tout sur l'îlot.

Je dépose alors la casquette rouge et range au fur et à mesure qu'il dispose les aliments sur la surface, quand sa voix me stoppe :

- Des poivrons, des oignons, des haricots.. Ça va nous changer de nos pâtes tous les soirs !

Je rigole à sa réflexion, sentant que pour une fois, ça ne semble pas être un reproche, et rétorque :

- Je mange équilibré moi !

Ses lèvres sont toujours étirées, et décident soudainement de me questionner, à ma plus grande surprise.

- Tu cuisine beaucoup chez toi ?

J'hésite à lui répondre, me demandant si sa question est sincère ou ironique.

- Oui, murmuré-je finalement. Tout les jours.

- Tes parents ne savent pas faire à manger ? M'interroge-t-il alors.

J'avale me salive, et pour la première fois depuis sa mort, j'explique :

- Mon père est décédé il y a deux ans.

Il a la tête plongée dans le dernier sachet, alors il se redresse et déclare :

- Ah, désolé.

C'est la première fois que nous avons une discussion à peu près normal, et je préfère de loin ce Gabriel là.

- J'ai une question moi aussi, révélé-je après un petit silence.

Il se prend à boire dans le frigo et s'assoit sur une chaise, comme la nuit où il m'avais trouvé dans la cuisine.

- Dis-moi, s'exprime t-il enfin.

Je réfléchis un peu avant de lui demander, mais ça m'intrigue tellement que je suis obligée de le questionner :

- C'est qui Mélina ?

Son sourire ne s'est pas effacé, j'en conclus donc que ce n'est pas une question qui fâche, à ma plus grande surprise.

- C'est ma petite sœur, avoue t-il.

Je ne peux pas l'expliquer, mais je sais que ça me rassure.
Je m'installe en face de lui, emportant avec moi un paquet de chips.
- Alors, c'est elle que tu va voir tous les jours ? Dans l'immeuble ?..

Il hoche la tête en guise de « oui », et boit une gorgée.

Là, tout de suite, il m'attire. Ses bras musclés, sa voix envoûtante, ses lèvres, sa pomme d'Adam qui danse lorsqu'il parle, et son regard.. Sa façon de me regarder qui soudainement me fige.

Je crois que maintenant que je suis au courant que cette fille n'est autre que sa sœur, et avec ce qu'il s'est passé hier, mes sentiments s'embrouillent. La manière qu'il avait de caresser mon mollet doucement cette nuit me revient en mémoire. Comment notre relation a pu dévier de chemin aussi rapidement ? Et pourquoi me sourit-il, merde ?

- Mais, reprends-je, pourquoi tu as dis qu'elle te manquait, si tu va la voir tout les jours ?

- C'est la Mélina d'avant qui me manque, répond-t-il immédiatement.

- Comment ça ?

Il re-boit une gorgée de sa canette de soda et j'attends la suite. Il souffle, puis me raconte :

- Mélina, elle a 16 ans. C'est ma seule et unique sœur.

Il marque une pause et me regarde, ce qui a le don de me mettre mal à l'aise.

- Il y a quelques années de ça, elle a eu un accident, révèle t-il.

Je remarque ses yeux qui s'humidifient légèrement, mais il continue :

- Et elle a perdu l'usage de ses jambes.

Je le scrute, doucement attristée par cette nouvelle qui semble être pesante pour lui.

Nos regards se croisent, et je vois le sien s'adoucir.
Je lève mon bras pour aller lui essuyer la petite larme qui coule sur sa pommette, quand la sonnerie de son téléphone posé à côté de lui nous fait sursauter. En gros, est écrit « Adam ».

Gabriel interrompt ce moment en se levant jusqu'au salon, puis décroche.

Au bout de quelques minutes, Gabriel se retourne :
- Adam ne rentrera pas ce soir, il dors chez un ami.

À la nuit tombée Donde viven las historias. Descúbrelo ahora