CHAPITRE 41

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Seona

Quoi dire devant cette lettre ? Quoi penser ?

Mon esprit est perturbé, aussi gribouillé que le dessin de Gabriel sur la première page de son carnet.
Il me faut un petit temps pour relier tout les évènements ensemble, les rassembler comme les pièces d'un puzzle que je n'avais jamais réussi à élaborer.
Gabriel et Mélina sont les victimes de mon père. Il a voulu se venger avec moi.
Je n'arrives pas à y croire.

Mes yeux s'embuent de larmes devant cette foutue feuille, et relisent les lignes les unes après les autres histoire d'être sûre de ce que je viens de comprendre. Je commence à trembler, m'empêchant de faire une lecture correcte. Je m'assois instinctivement sur la chaise et dépose mes coudes sur la table, les mains retenant ma tête qui risque de lâcher. Comment n'ai-je pas pu m'en douter plus tôt ?
Leur douleur doit être aussi désagréable que la mienne, mais elle paraît trop lourde pour moi.

Cette lettre est encore plus cruelle que tout les coups que j'ai subi dans ma vie.

J'ai le sentiment que Gabriel a retiré mon cœur, qu'il l'a torturé et pressé, jusqu'à ce qu'il se vide de son sang et de ses émotions.
Comment as t-il pu me mentir tout ce temps ?

Malheureusement pour moi, la réalité me rattrape et je dois partir au travail. J'ai la boule au ventre, je crois que je vais vomir. Je cours malgré moi jusqu'au toilette pour lâcher ce qui me gênait, et je rejoins la salle de bain pour me rincer la bouche au dessus du lavabo, ainsi que pour me relaver les dents.

Mon reflet dans le miroir me fait pitié : je ne ressemble plus à rien. Mes yeux sont tellement rouges et mouillés qu'on ne distinguent même plus la couleur de mes yeux. Je crois que je suis en train de ressentir toutes les émotions possibles et inimaginables.
Pourquoi il m'a fait ça, putain ?

Je dois l'admettre, je ne me suis jamais sentie aussi vivante que depuis qu'il est rentré dans ma vie. Je comprend que j'étais un challenge, mais ce que j'avais l'impression qu'il ressentait à mon égard était beaucoup plus fort. Même s'il me dit qu'il a développé des sentiments pour moi, ça n'enlève en rien ce qu'il a fait. Il voulait me détruire, moi, personnellement. Tout ce qu'il a fait n'était que mensonge sur mensonge, cachotterie sur cachotterie. Je n'aurai tellement jamais dû me confier à lui. Car maintenant, il va s'en prendre à ma mère. Et à mon avis, bien plus fortement que ce qu'il comptait faire avec moi.

Je dois empêcher tout ça, quitte à me mettre du mauvais coté. Et puis, en fin de compte, quel est donc le mauvais côté ?

J'envoie un SMS à une de mes collègues pour la prévenir que je ne viendrais pas aujourd'hui, que j'ai dû chopper une gastro ou un truc dans ce genre. Elle me répond immédiatement que ce n'est pas grave tant que je reviens demain.
OK. Ça me laisse jusqu'à demain pour m'en remettre. Mais comment faire ça ?

Adam est encore au lit, et je me questionne. Dois-je le réveiller maintenant, pour avoir son réconfort ? Dois-je ne rien lui dire, qu'il n'apprenne pas que Gabriel s'est foutu de nos gueules à tout les deux ?
Je suis tellement triste et dégoûtée, que je choisie la première option. Je ne lui mentirais plus.

Toujours la lettre entre les mains, je pénètre doucement dans sa chambre. Elle est plongée dans le noir, bien que le soleil se soit déjà levé.

Sa porte fait un bruit de grincement, qui le fais sursauter instantanément :

- Soso ? Marmonne t-il, les yeux encore collés.

Je suis debout face à son lit, et mes sanglots s'échappent brutalement.

Je sens ses pas légers se joindre à moi, et ses bras s'enrouler autour de mes épaules. Je resserre son étreinte en pleurant. Mes larmes humidifient son épaule nue, et ses doigts viennent caresser la pointe de mes cheveux.

- Chutttt, souffle t-il contre moi.

Je tente en vain de me calmer, mais voyant que rien y fait, Adam m'invite à m'allonger dans son lit en me déplaçant gentiment.

Après de longues minutes, je parviens à respirer. Mon cousin en profite alors :

- Qu'est ce qu'il se passe ?

C'est marrant, qu'en ce moment quand on se parle c'est pour se dire des vérités.

- Gabriel.. Susurré-je, presque en bégayant.

- Qu'est ce qu'il a ? S'inquiète t-il aussitôt.

Je lui tends la feuille en guise de réponse, et le laisse la lire. Seule la porte ouverte de sa chambre nous éclaire, mais il parvient à faire sa lecture malgré tout.
Il se met à raconter les écrits, comme s'il me racontait une histoire.

L'histoire de Gabriel.

A la fin, Adam porte sa main devant sa bouche pour exprimer son choc, et ne dis plus un mot.

Nos yeux se jaugent, cherchant des réponses dans ceux de l'autre.

Il brise le silence :

- Il s'est servi de moi.

Je secoue la tête :

- De nous.

Il analyse le papier une deuxième fois, comme moi tout à l'heure. Sauf qu'aucunes larmes ne l'accompagnent.

- Il s'est bien foutu de nous..

Je soupire, et choppe un mouchoir sur la table de chevet pour m'essuyer le visage et me moucher.

- Tu sais où il est ? Me demande t-il pendant que je me lève pour mettre mon papier dans la poubelle de son bureau.

- D'après la lettre, je suppose qu'il est chez ses parents.

- Il t'aime.

Sa réponse à été dîtes tellement vite que je ne sais même pas si il m'a écouté.

- Non, craché-je.

Il se tourne un peu plus face à moi.

- Soso.. Tu a lu la fin ?

- Oui, dis-je directement. Mais ça n'enlève en rien ce qu'il a fait.

- Je suis d'accord.. Soupire t-il. Mais ce qu'il a dis sur ton père..

Il m'agace a toujours vouloir voir le bon chez les gens, même quand il n'y a que du mauvais.

Il me fait penser à Leslie.

- Il déteste mon père. C'est « le taré qui l'a fait touché le fossé », rappelé-je en mimant les guillemets avec mes doigts.

Adam récupère la feuille laissée sur ses draps, et cherchent avec ses iris la bonne ligne :

- « ... ta mère. Elle qui ne méritais même pas de t'avoir toi, et maintenant j'ai compris qu'elle ne méritais pas ton père non plus. Alors on va vous venger, je te le promets. », cite t-il.

Je me lève, excédée :

- Adam ! M'emporté-je. Il s'est servi de toi pour m'avoir, il s'est servi de moi pour se soulager. Il s'est servi de ma vie.

Ma voix à craquelée sur ma dernière phrase, mais je m'empêche de pleurer encore une fois.

Au lieu de ça, je sors de cette chambre sombre et arrive dans le salon.

Je repère mes baskets à l'entrée et les enfile, puis actionne la poignée.

Mon cousin, qui m'a suivi de prêt, attrape mon bras à l'entrée.

D'un mouvement, je dégage sa main de moi.

- Tu vois, il n'y a que lui qui peut te toucher. Il peut te sauver, et tu viens de le faire pour lui.

Je le fixe intensément, voulant pour la première fois de ma vie qu'il se taise.

- Je ne veux pas d'un sauveur, grogné-je.

Et je quitte l'appartement.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now