CHAPITRE 22

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Gabriel

L'air est beaucoup plus respirable dehors.

Je suis enfin sorti de cet appart', mais pourtant, Dieu sait que j'aurais aimé y rester plus longtemps pour être avec elle.

Je viens de prendre le bus, et maintenant je marche en direction de l'immeuble où se trouve l'appartement de mes parents. Je dois avouer que j'aurais préféré repousser ma discussion avec ma sœur à plus tard, mais dans tous les cas, je devais revenir aujourd'hui pour récupérer ma voiture garée sur le parking un peu plus bas.
Je cogite un peu sur la façon dont je vais amener le sujet sur le tapis. Et si Mélina ne me comprends pas ? Et si elle refuse d'en entendre parler ? Et si je ne faisais pas fausse route ?

J'arrive enfin à l'immeuble, tape le code à l'entrée, rejoins l'ascenseur et arrive à l'étage de mes parents. Je toque un instant, puis rentre de mon plein gré en déposant ma casquette sur la table à manger.

Ma mère est assise dans le canapé et ma sœur est dans son fauteuil roulant à côté d'elle.
Mon père doit être en train de faire une sieste, comme tous les après-midis le week-end.

C'est vrai que je suis beaucoup plus proche de ma mère, même si j'ai remarqué que depuis ce qu'il nous est arrivé, notre père est beaucoup plus protecteur avec nous. Il l'a toujours été avec ma sœur, mais avec moi, ça n'a pas été toujours le cas. J'aurais préféré ne pas avoir eu besoin de ça pour que mon père change avec moi.

-Ah, sursaute ma mère en me voyant m'approcher.

-Coucou, dis-je en lui faisant un bisou sur le front.

Elle me demande de mes nouvelles pendant que je donne le même accueil à Mélina. Même après des années à la voir dans ce fauteuil, c'est toujours un choc de la voir là dedans. Avant, elle était accro au surf, tout comme moi. Je me souviens avoir galéré pour qu'un jour elle accepte de venir en faire à mes côtés. Elle était plus petite, certes, mais c'était une touche-à-tout. Complètement électrique, avec une énorme soif d'aventure. Ça ne devrait pas être dans ce sens là, mais elle était mon modèle. Ma force pour me dépasser. La première fois qu'elle m'a accompagné pendant que je surfais, elle est tombée amoureuse. Après, on en faisais presque tout les soirs après ses cours. Même l'hiver elle ne voulait pas laisser tomber. Elle n'a plus jamais lâché sa planche, jusqu'à cet accident.

Ma sœur, c'est mon moteur. La seule chose qui as réussi à me maintenir en vie. Je ne peux pas l'abandonner maintenant. Mais pour Seona, je crois bien que c'est ce que je vais devoir faire.

-On peut aller discuter ? Lui dis-je dans l'oreille pendant ce câlin.

Elle pivote son fauteuil sur la droite pour rejoindre le couloir. Ça veut dire oui.

Je précise à notre mère que l'on revient, puis elle retourne à sa télévision.

Atteignant Mélina, j'ai le réflexe de pousser son fauteuil pour l'aider. Elle s'agace furtivement :

-C'est bon ! Braille t-elle. Je ne suis pas une handicapée !

J'ai envie de lui répondre que si, mais je m'abstiens. Elle est en pleine crise d'adolescence et je ne préfère pas l'énerver tout de suite, ne sachant pas comment elle va réagir quand je lui aurais parlé.

Elle entre alors seule dans sa chambre puis s'arrête au niveau de son lit. Je pénètre dans la pièce à mon tour lorsque je ferme la porte.

-J'ai peur, ironise t-elle sa phrase quand je la regarde enfin.

Je pose mes fesses sur son lit et commence à craquer mes doigts. Je n'ai même pas envie de lui dire ce que je dois lui dire, mais il faut que je le fasse. Pour Seona.

-Écoute, débuté-je. Tu te rappelle.. Seona ? Seona Mariolli ?

Ses yeux se fondent dans les miens et je jurerais qu'elle tente de me fusiller.

-Oui ? Répond t-elle seulement.

Je gratte mes cheveux d'angoisse et je m'en rend compte, alors je repose mes mains sur les draps.

-Il faut qu'on arrête, chuchoté-je.

-Arrêter ? Répète t-elle.

-Oui.

Elle recule son fauteuil vers le mur, me tournant le dos.

-Non, dîtes-moi que je rêve là ? Blague t-elle. Tu te fous de moi ?

Je me lève pour la rejoindre, posant ma main sur son épaule :

-Vraiment. Je pense que..

-Tais toi ! Me coupe t-elle. On a un putain de plan !

Elle agrippe mon poignet pour que je me retire de sa peau et retourne au niveau du lit. Elle va me donner le tournis à force de changer de place.

-Mais le plan, j'en ai plus rien à foutre ! Haussé-je le ton.

-Le plan c'est le plan, Gabriel !

-On devrait s'en prendre à sa mère, bredouillé-je.

-Pardon ?

-Sa mère.

-Ce n'est pas ce que tu disais avant que tu vives avec elle, remarque t-elle.

Putain. Je ne sais même pas quoi répondre.

-C'est vrai, assumé-je.

Elle rigole en se moquant de moi, caressant ses cheveux noirs.

-Tu ne te rends pas compte, crache t-elle.

-Bien sûr que si ! Crié-je. Mais tu n'es pas à ma place !

-Toi non plus, s'avance t-elle jusqu'à moi en me regardant droit dans les yeux.

Une larme commence à dévaler de sa joue, donc j'approche mes doigts pour lui essuyer.

-Ne me touche pas ! Pleure t-elle. Tu ne sais pas ce que c'est de ne plus pouvoir marcher ! De rester enfermé entre ces quatre murs ! De n'avoir aucune vie sociale ! De voir papa et maman se mettre dans la merde pour me payer mes soins !

-Excuse-moi, soufflé-je, je..

-Ne me dis que ce qu'on avait prévu devient trop difficile, craque t-elle, alors que ce que je vis l'est bien plus !

Mon cerveau me demande de lui crier tout ce que j'ai sur le cœur, mais au lieu de ça, je me contente de l'observer. Ses yeux remplis de tristesse, son visage rouge de colère, ses mains empoignant ses roues fermement. Soudain, sa voix se brise :

-Je ne veux plus te voir.

-Mel', arrête de dire des..

-Barre-toi, sinon je m'occupe d'elle.

-Tu ne peux rien faire de toute façon, pensé-je un peu trop fort.

-CASSE-TOI ! Hurle t-elle encore en pleurant.

Des pas s'approchent de la porte, m'obligeant à me retourner. Mon père se trouve là, sûrement réveillé par notre dispute. Je m'attends à ce qu'il me retienne, mais il m'évite. Je pars presque en courant, récupère ma casquette et fonce pour sortir du bâtiment. Tout à l'heure, je ne voulais pas m'enfuir de l'appartement d'Adam, et là, je veux partir le plus loin possible d'ici.

En marchant jusqu'à ma caisse, les yeux embués de larmes que je ne laisserai pas couler, je fais la pire chose que je ne devrais pas faire.

Je sors mon portable et envoie un message à ma meilleure amie. Je n'ai pas le numéro de Seona, alors c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé.

Moi à Leslie 15h53 -
Dis à Seona que je suis à la plage comme la dernière fois. Elle comprendra.
PS : je ne veux voir personne d'autre.

Puis j'allume le moteur, et rejoins le meilleur endroit pour oublier un peu mes démons : la plage.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now