CHAPITRE 13

410 21 9
                                    

Gabriel

Putain, qu'est ce qui m'a pris de vouloir l'embrasser ?

Pourtant, depuis le début, la règle est simple : lui faire vivre un enfer. Mais pourquoi ? Maintenant, je n'en suis plus si sûr.

Elle s'est ravisé à aller se coucher, et c'est pas plus mal. Je n'arrive plus à la regarder sans avoir cette envie de la sentir. Alors j'ai fais comme elle. Je me suis allongé dans le clic-clac, à la recherche d'un sommeil qui ne me parvient pas. Au lieu de ça, je suis un con en train de penser à ce soir, à l'odeur de mon parfum sur sa peau, à ses cheveux balayés par le vent, face à l'océan. Le choc de revoir cette femme, qui se permet de faire du mal à Seona. Je ne sais même pas ce qu'elles se sont dit, mais vu comment sa fille s'est endormi si facilement sur du sable froid, je suis certain qu'elle lui a crié des choses trop lourdes à entendre. Mes pensées divaguent sur Mélina, ma petite sœur, que j'étais censé retrouver ce soir. Je lui ai trouvé l'excuse la plus bidon qu'il soit : ma voiture serait tombé en panne. Bien sûr, elle ne m'a pas cru. Car elle me connais par cœur. Mais elle a fait semblant, parce que c'est comme ça entre nous.

Je me souviendrais toujours, lorsque j'ai été chercher un kebab, en bas de la rue de l'immeuble de chez mes parents, et qu'au loin, une petite brune un peu trop perdue, tenant deux valises dans ses mains, cherchait un endroit où se réfugier. A son allure, j'ai vite compris qu'elle était à la rue. Les yeux rouges, le visage gris, la parfaite fille paumée, au visage intriguant. Quand elle s'est rapprochée de moi pour rentrer dans le hall, je l'ai examiner. Elle avait son visage, sa couleur de peau, ses tâches de rousseurs. Et là, j'ai compris. Alors, directement, je l'ai piéger : il fallait qu'elle tape le code avant moi. Elle s'est dépatouiller de la situation comme elle le pouvait, et voyant son minois assombri, j'ai laissé tombé. Je suis resté longtemps ce soir-là, au côté de ma sœur, se plaignant de ne pas me voir plus souvent. C'est depuis ce jour que j'ai décidé de lui rendre visite tout les jours. Car elle avait raison, je travaillais trop. Je suis professeur d'art plastique dans un collège, et aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne quitte jamais le travail à l'heure. Grâce à ce boulot, je peux me servir de tout le matériel à ma disposition pour satisfaire mes besoins personnels. Dessiner est mon échappatoire, ma façon de respirer, d'oublier un peu les douleurs du passé, rien qu'un instant. Alors, pour Mélina, j'ai demandé à me mettre en congé jusqu'aux vacances scolaires. Entre autre, je suis en pseudo-vacances, jusqu'à septembre. De quoi prendre du temps pour ma sœur, et désormais, un chouia pour Seona.

Pour m'endormir, je m'imagine mon prochain dessin. Ce sera une reconstitution parfaite de ce que j'ai vu ce soir : Seona, dansant sur la plage, la robe tournoyante, le visage vers les étoiles.

*****

Le réveil à un peu piqué ce matin. A 8h30, je suis sorti de la maison, direction le premier magasin de parfumerie que je croise. Les vendeuses m'ont dit que du bien sur le parfum que j'ai sélectionné pour Seona : une odeur de noix de coco et de rose.

J'ai également récupérer des viennoiseries pour le petit-déjeuner, de quoi la faire tenir jusqu'à sa pause du midi.

- Bonjour, entends-je au loin, pendant que je rempli nos verres de jus de pomme.

- Salut, dis-je alors.

Beaucoup trop mignonne dans son pyjama crocodile, elle s'avance doucement sur la table.

- C'est quoi ? Me demande t-elle en pointant du doigt le papier cadeau noir.

Je souris puis lui lance :

- Ouvre-le.

Je distingue un minuscule sourire sur ses lèvres rosés, et elle tire sur le fil qui emprisonne l'emballage.

- C'est.. Un parfum ? Lâche t-elle, comme si elle ne savait pas à quoi ça ressemble.

- Tu n'en avais pas, il me semble ?

Elle zieutes la bouteille, puis s'en asperge le cou. Je me retiens de ne pas venir la renifler.

- Humm, murmure t-elle. Il sent trop bon !

Je dépose nos verres devant elle ainsi que le sachet de viennoiseries. Je m'installe sur une chaise puis elle m'imite.

- Je t'emmène au boulot, annoncé-je entre deux gorgées.

- Depuis quand tu connais mes horaires ?

Je rigole un coup, me demandant si elle n'a pas un trouble de la mémoire.

- Tu as affiché ton planning sur le frigo.

Elle chuchote un « aah », puis mord dans un croissant. C'est calme, les rayons du soleil pénètre dans la pièce doucement, le moteur des voitures commence à se faire entendre, et seul le bruit de nos bouches résonnent dans le salon.

Après ce petit-déjeuner, je l'ai déposé à son boulot. En descendant de ma voiture, elle m'a expliqué qu'elle terminait à 19h ce soir, et que c'est elle qui assurerai la fermeture. J'ai juste acquiescé, faisant comme si je n'étais pas au courant, et j'ai roulé jusqu'à l'immeuble où vivent ma famille.

En toquant à la porte, ma mère m'accueille. Je lui dis bonjour rapidement, pour me rendre directement à la chambre de Mélina.

Ma sœur est là, dans son fauteuil roulant, en train de scruter je ne sais quoi à la fenêtre.

- Coucou, dis-je doucement derrière elle.

Elle me tourne le dos, mais je peux entendre son sourire. Ses lèvres qui se tirent, son souffle qui reprends. Je l'enroule de mes bras par derrière, sentant maintenant son sourire contre ma joue.

Mon regard se perd contre la vitre, apercevant un groupe d'ados s'amuser dans le parc de l'immeuble. Ils courent, jouent, rigolent. Je comprends tout de suite pourquoi ma sœur les regardait : elle les envie.

- Tu veux qu'on les rejoigne ? Lui proposé-je.

- Non, rugit-elle du tac au tac.

Elle tourne ses roues et se déplace afin de me faire face.

- Je veux savoir, s'impatiente t-elle.

Je sais totalement où elle veut en venir, mais à vrai dire, ce n'est plus un sujet que j'aimerai aborder. En fait, j'aimerais ne jamais avoir eu cette idée foireuse de toute ma vie.

- Savoir quoi ? Lancé-je innocemment, laissant croire que je ne vois pas à quoi elle fait référence.

Mélina roule des yeux et s'essuie la bouche, le regard appuyé, pour me dire ce qui ressemble à une insulte :

- La fille.

Voilà ce que je redoutais. Ce sujet. Je ne veux pas lui dire la vérité, même si mentir n'est pas beau non plus, mais en tout cas, je dois prendre une décision. C'est le cœur lourd et peiné, que je prononce ces mots :

- Tout se passe comme nous l'avions imaginé.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now