CHAPITRE 5

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Gabriel est parti pendant qu'on faisait à manger, sois disant pour aller voir quelqu'un. Est ce qu'il se rend à l'immeuble où j'ai passé la nuit hier soir ? Est ce qu'il a une copine ? Je ne sais même pas pourquoi ce qu'il fait m'intéresse, mais c'est comme si ce qu'il a vu de moi me lie à lui, et ça ne me plaît pas vraiment.

En attendant, je suis tellement heureuse d'être là. Adam est le meilleur être humain de cette planète.

Le fait de savoir que je vais dormir sous un toit, dans un bon canapé – qui sera toujours plus agréable qu'un sol -, manger de la bonne vraie nourriture, et surtout, me laver, suffit pour rendre joyeuse.

C'est donc après les excellentes pâtes bolo' qu'on vient de se faire, qu'Adam m'a laisser prendre une douche. Pendant celle-ci, et après avoir apprécié l'eau chaude ruisselante sur ma peau nue et mes cheveux gras, j'ai remarqué qu'il y avait les gels douches de mon cousin d'un côté, mais de l'autre se trouvait presque cinq crèmes et gels pour le corps. Je suppose que ce sont ceux de Gabriel, mais pourquoi autant de produits ? J'en prend un dans mes mains, et lit l'inscription suivante : « Crème réparatrice, protectrices anti-marques, favorisant la réparation des peaux fragilisées ».

On a affaire à un homme coquet. Gabriel prend bien soin de lui apparemment.

Ma douche finit, je brosse mes cheveux délicatement en prenant le temps de respirer l'odeur du shampoing qui me paraît si étrangère. Je me rappelle qu'une fois, après une énième dispute avec ma mère, elle m'avait vidé tout mes shampoings et gels douche sur la tête. J'étais resté dans la baignoire, à sangloter et prier pour que l'odeur s'éloigne. Au bout de ce que je croyais être une éternité, j'avais allumé l'eau de la douchette pour pouvoir me rincer. Mais c'était sans compter sur ma mère, qui avait du entendre le bruit des gouttes tombantes, et qui est revenue me voir en me menaçant de ne pas recommencer. Elle m'avait enfermé dans la salle de bain toute la journée, jusqu'à ce que mon père rentre du travail le soir-même et m'aide à me nettoyer. J'étais couverte de presque 10 shampoings différents, de larmes, et de ma propre pisse.

Depuis ce jour, je n'ai plus osé me laver chez ma mère. Comme ça, je ne prend pas le risque qu'elle recommence. Donc toutes les nuits, j'attendais qu'elle s'endorme pour aller faire ma toilette dans l'évier de la cuisine. J'utilisais quand même un gel douche intime, que je gardais précieusement dans mon sac à main, mais c'est tout. Et depuis le début du mois, je me lave au travail. Il y a une douche là bas, alors j'en profite quand je suis d'ouverture. J'arrive avant tout le monde, me lave en deux secondes top chrono, et commence le boulot comme si de rien n'était. Je ne pense pas qu'on m'ai cramé, puisque je fais attention. Il n'empêche que là, pendant tout le mois, je dois m'habituer à me laver ici tout les jours. Si non, ils vont se poser des questions.

Je rejoint le salon en pyjama crocodile, voyant Adam regarder un épisode de Friends dans le canapé.

Il l'a préparé en mode « lit », en y installant un oreiller et une couette. Je me languis déjà de me retrouver dedans, emmitouflée.

- Merci, lui dis-je en déposant un baiser sur son crâne chevelu.

Il étends ses lèvres et me laisse une place en tapotant le textile.

- Tu reste ici pendant un mois alors ? Me rappelle t-il.

- Oui, mais promis je te payerai des courses ! J'ai ma paye lundi, donc faudra juste attendre un peu.

- Mais t'es malade, soutient-il. Je ne vais pas te demander un centime. C'est ta première paye, fait- toi plaisir.

Je souris jaune, et il le remarque.

- T'es chez moi, Seona.

Je sens mes joues rougir de honte, puis il rajoute :

- Elle ne pourra rien te faire.

Instinctivement, j'enroule mes bras autour de sa taille, pendant qu'il caresse mes cheveux. J'ai envie de pleurer, mais aucunes larmes ne sort. Je ne peux plus pleurer pour elle.

- On regarde cet épisode, et après je vais au lit, m'explique t-il. Je suis claqué.. Et toi aussi.

Je hoche la tête pour confirmer et nous restons en câlin, pendant tout le long de l'épisode.

*****

Du bruit vient de se faire entendre à deux pas de moi. Je me réveille en sursaut, avant de voir une silhouette portant une casquette de l'autre côté de la baie vitrée. Je pose mes yeux sur l'heure indiquée sur le four : 3h54. Il ne pouvait pas fumer dans sa chambre, ce connard ?

C'est les yeux presque encore collés que je me lève pour aller lui en toucher deux mots. J'actionne la poignée et il ne se retourne même pas.

- Gabriel, murmuré-je. Il est 4h du mat' là.

Pas de réponses.

- Gabriel, retenté-je doucement.

Toujours rien.

Je prend mon courage à deux mains afin de rejoindre le balcon. Il est adossé contre la deuxième vitre de la baie vitrée, les yeux vers le ciel. Sa casquette n'est même plus rouge, tellement le noir de la nuit est puissant. Sa fumée s'échappe plusieurs fois, et je me prend à m'asseoir sur le banc, près de lui. Je contemple le ciel à mon tour. Des millions d'étoiles scintillent, et parmi l'une d'entre elles, il y a mon père. Je suis sûr qu'il est heureux de me voir ici, loin d'elle. Avec quelqu'un qui m'aime réellement. Même si Gabriel est là, et même si je le connaissais un peu d'avant, il ne reste qu'un inconnu doté d'une arrogance extrême. Et d'un peu trop de gel douche.

Il est toujours mieux que ma mère.

Gabriel écrase sa cigarette à côté de moi, puis je m'étonne d'entendre le son de ta voix :

- Tu as quelqu'un à qui penser ?

Je me recule dans le fond du banc, et c'est lorsque je m'apprête à lui répondre que son fantôme passe devant moi, puis rentre dans l'appartement.

Je le suis un peu après son départ, et retourne dans le canapé. La lumière de la cuisine est allumée, et son ombre fouille dans le frigo. Il claque la porte de celui-ci, appuie brusquement sur les interrupteurs, et marche jusqu'au couloir. Il veux m'emmerder ou quoi ?

Au moment où il passe devant moi, j'ouvre la bouche :

- Oh, l'appelé-je pour qu'il me regarde.

Il passe presque devant mes yeux, alors je crie un peu plus :

- OH !

Il s'arrête net, me fixe alors, et me lâche :

- Quoi ? Tu veux dix balles ?

Puis repars, le sourire au lèvre.

Aucun mot ne sort de ma bouche, aucune émotion ne me traverse. Je ne ressens rien.

Je suis vide.

À la nuit tombée Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang