CHAPITRE 68

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Gabriel

La rentrée pour mes élèves, c'est le 4 septembre. Soit, dans deux jours. J'ai demandé à mon patron de repousser ma date de rentrée pour moi, mais il n'a pas accepté. En même temps, je le comprends, j'ai trop déserté. Mais ça m'emmerde de laisser Seona toute seule, sachant qu'elle ne reprend le travail que la semaine prochaine. De toute façon, je n'ai pas trop le choix. Voilà la raison pour laquelle je suis dans le collège un lundi matin, en train d'imprimer mes premiers cours et de mettre en place les différents crayons, feuilles, et autres babioles qui serviront mes élèves pour leurs arts.

- Tiens, un revenant ! Me fait bondir Enzo, un de mes collègues.

- Faut bien, je souris en comprenant de qui il s'agit.

Enzo est professeur d'histoire-géographie depuis une année de plus que moi. Quand je suis arrivé, il m'a directement pris son son aile. J'avais compris en passant mes récréations dans la salle des profs qu'il n'était pas trop apprécié. Apparemment trop grossier et trop du genre à parler fort, il ne faisait pas l'unanimité. Mais quand à ma deuxième journée de travail j'ai fais tomber tous mes cours dans un couloir, il est venu m'aider à tout ramasser et de là, on a discuté. Je l'aime bien, moi. Sous ses airs de jeune célibataire qui ne pense qu'à s'amuser, il y a un vrai travailleur derrière. Je suis d'accord, il se la pète un peu. Il est toujours bien habillé, fait très propre sur lui, possède une barbe toujours très bien taillée et parle avec une éloquence digne des plus grands dragueurs, mais moi, ça ne me dérange pas. J'ai appris à l'apprécier et lui, il a fait de même. Depuis, je peux dire que c'est mon collègue préféré, puisque promettre que nous sommes amis est un bien grand mot.

Il s'avance dans l'allée qui sépare les tables que j'ai disposés à ma guise en arrivant, puis s'assoit sur celle en face de mon bureau.

- Ce repos t'a fait du bien ?

Il est le seul à savoir la raison de mon absence, même s'il ne connais pas tout les détails.

- Ouais, vraiment. Disons que j'ai pu.. Y voir un peu plus clair.

- C'est sûr que dans les yeux de ta copine, tu as pu y voir plus clair ouais..

Je me redresse et lâche les copies que je tenais dans mes mains afin de placer mes paumes contre la surface :

- Comment tu sais ça, toi ? Je l'interroge.

- La dernière fois, au Club, explique-t-il. J'ai pas osé venir te voir, ta meuf te tenais trop la grappe.

Il parle d'Eva.

- Ah, elle, je rigole. Non, ce n'est pas ma copine.

- Parce que t'a eu plusieurs coups, en plus ? Il ricane à son tour.

Je pouffe.

- Une, ça suffit.

- J'avoue, se gratte t-il la tempe. Déjà que c'est compliqué d'en avoir une, alors j'imagine même pas avec plusieurs.

Et tu ne crois pas si bien dire.

- Bon allez, il claque sa main sur mon bureau. Je vais y aller, moi aussi.

- Ouais ! Dis-je en lui faisant un signe de main. À jeudi !

Il me le rends et disparaît de la porte.

*****

Il est 15h quand j'arrive sur le parking de la résidence de Seona. Le beau temps est au rendez-vous, les oiseaux chantent au dessus des arbres et moi, je dois avouer que d'être retourné au travail m'a vraiment fait du bien. Faire autre chose, parler avec d'autres personnes et retrouver un petit rythme de vie m'apaise et me stimule.
Sans oublier que je vais pouvoir dessiner tout les jours.

Seona et moi avons beaucoup discutés le soir où son père nous a fait ses aveux, et elle a beaucoup pleuré, aussi. Elle m'a parlé de ses souffrances, ses craintes, ses doutes, un autre bout de son histoire. Quant à moi, je pense que j'ai été là, et c'est déjà bien. C'est une femme tellement forte, mais aussi tellement fragile. Une contradiction à elle toute seule. Mais j'aimerais un jour être celui qui va l'aider à ne plus en être une, à se révéler comme elle est vraiment et à ne plus avoir peur de personne. Je sais que j'ai été d'une petite aide, ou du moins, je m'en donne les mérites, puisqu'avant, elle détestait le moindre contact physique. Et maintenant, elle m'en réclame. Même avec Leslie, j'ai bien remarqué qu'elles aimaient se tenir la main.

D'ailleurs, en parlant d'elle, je dois la revoir seule à seule. Si le père de Seona sort avec la mère de Leslie, il faut qu'elle nous en parle.
Mais est-elle au courant de ça, déjà ?

Moi à Leslie – 15h03
Il faut qu'on parle,
dis-moi ta dispo

Dès que je monte dans l'ascenseur et que j'appuie sur le bouton du bon étage, mon téléphone se met à vibrer.

Leslie -15h04
Si tu veux, demain soir
à 19h au bar habituel ?

Elle ne doit pas être au courant.
Je lui envoie un pouce en guise d'acceptation, auquel elle me répond un coeur.

Elle n'est définitivement pas au courant, putain.

Je toque à trois reprises à la porte d'entrée, puis pénètre sans qu'elle soit venue m'ouvrir. Quand je la vois allongée dans le canapé dans son fameux pyjama crocodile, les cheveux en vrac et un pot de glace sur la table basse vide, je ne peux pas m'empêcher de sourire.

- Quoi ? Rigole t-elle aussi, en voyant mon expression.

- T'es trop mignonne, je lâche désespérément.

En me débarrassant de mes chaussures, une chaleur se répand dans le creux de mon ventre.

Je m'aventure près d'elle, l'embrasse tendrement et m'installe derrière son corps, pour l'enrouler de toute mes forces :

- Tu me sers, essaye t-elle de me taquiner.

- Deux secondes, je marmonne. Laisse-moi recharger mes batteries, moi aussi.

Elle se retourne afin de me faire face et dépose son petit nez dans le trou de ma clavicule. Nos respirations se coordonnent et un autre sourire me parvient.

- Tu m'abandonnes une journée et ça y est, je te manque ? Essaye t-elle encore.

- C'est pas toi qui me manques, c'est cet appart' ! Dis-je en me redressant et en ouvrant mes bras.

Puis, mes doigts viennent se glisser sous son tee-shirt afin de la chatouiller sur les côtés. Elle se tord dans tout les sens, rigole à en pleurer de rire et cette douce mélodie se répartit dans mes oreilles. Elle gigote, et tente tant bien que mal de renverser la tendance, en vain.

- Je suis un peu plus robuste que toi, je la provoque.

- Mais pas plus intelligent, avance t-elle.

Soudain, elle choppe mon carnet de dessin qui était dans la poche de mon jogging et le tient en l'air. J'arrête tout ce que je faisais pour tenter de l'attraper, mais elle mordille mon cou, me faisant réprimer des rires, moi aussi.

- Alors, qu'est ce que j'avais dis ? Sourit-elle.

Je pose enfin mes mains sur mon cahier et me lève du canapé pour le poser sur l'îlot central.

Quand je reviens, je lui saute dessus. Elle se marre au début, mais quand je commence à l'embrasser langoureusement dans le cou, elle se détend. Son corps s'apaise, ses petits doigts viennent agripper mes cheveux pendant que je commence à descendre vers sa poitrine, et je suce à travers son vêtement un de ses tétons qui pointe malencontreusement. Elle halète quelques secondes, et quand je sens que j'ai enfin l'avantage, je lui mord l'épaule et recommence mes chatouilles. Elle se met à rire, de surprise.

- Alors, c'est qui le plus intelligent ?

Elle ricane tellement qu'elle n'arrive pas à répondre.

J'aime tellement être avec elle, oublier tous les problèmes et être.. Un couple.

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant