CHAPITRE 47

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Seona

Si j'étais plutôt apaisée à l'idée d'être seule avec Gabriel, voilà que la panique me gagne.

Cruella est bien là. Mais cette fois, il est là, avec moi.

- Elle ne pourra rien me faire, me dis-je en moi-même quand Gabriel se met debout, pour un peu plus s'approcher de mon lit.

Derrière le médecin, ma génitrice apparaît.

Sa lueur froide, son corps hautain, ses yeux jubilant de la situation.

Je la déteste.

- Oh ma puce, tu va bien ? Vient-elle à mon chevet, tentant d'avoir la réaction parfaite devant le personnel.

L'homme à la blouse blanche referme la porte, Gabriel sert les poings, et ma mère se détache enfin de mes draps.

- Vous n'avez rien à foutre là, dit Monsieur Casquette en tenant ma main subitement.

- C'est ma fille, rappelle t-elle.

Je sers fort sa main, comme pour l'empêcher de faire quelque chose qu'il pourrait regretter.

Ma mère ne doit pas savoir que nous ne sommes plus ensemble, alors je profite de ce geste pour lui faire croire qu'il est toujours dans ma vie.

- Laisse-nous, articulé-je.

Elle souris, et s'installe sur le fauteuil au fond de la salle.

- Que tu le veuilles ou non, je suis ta mère. C'est moi ta tutrice légale.

Elle marque un point.

L'hôpital n'a pas eu le choix de remonter dans mon dossier et de l'appeler.

On se jauge tous, se défient du regard comme si nous allions nous entre-tuer.

Je ne peux plus me la voir.

- Je vois que vous formez un joli petit couple, rigole t-elle.

Gabriel resserre sa prise et me regarde.

Pour la première fois depuis des semaines, nos yeux se parlent. Comme avant.

Nous ne faisons qu'un. Il a compris qu'il ne devait pas lui répondre. Il a compris que je ne lui dirais rien. Il a compris que je l'aimais toujours.

Nous l'entendons pouffer derrière nous, et lorsqu'elle reprend la parole, on ne peut pas s'empêcher de suivre ses dires.

- Monsieur Eminno ne t'a pas raconté ? Glousse t-elle.

Elle parle de sa vengeance ?

- Il n'est pas celui que tu crois, Soso.

- Ne l'appelez plus jamais comme ça, crache t-il.

Elle se moque de lui.

- Je fais ce que je veux, petit con.

Avec le peu de force que j'ai, je retiens encore Gabriel qui est sur le point d'enclencher une guerre avec elle.

- Comme je te disais, ma puce, il n'est pas là pour toi. Ou du moins, il ne t'aime pas comme il le prétend.

- Et donc ? Lâché-je. Qu'est ce que tu connais toi, de l'amour ?

- Rien, sûrement. Mais toi, tu te fais mener en bateau, ma p'tite.

Elle s'arrête pour nous fixer, puis rajoute.

- Ton père a failli le tuer dans son accident, avec sa misérable sœur. Tu te doutes bien que ce n'est pas un hasard s'il est à tes côtés.

Elle me prend vraiment pour une gamine. Son punching-ball. Son défouloir.

Mais ce temps est révolu.

- Oui, je sais, avoué-je. Il s'est rapproché de moi pour se venger de papa. Sa sœur a fini hémiplégique par sa faute. Ou plutôt, par la tienne.

- Ma faute ? Répète t-elle.

- Si tu ne m'avais pas frappée encore une fois ce soir-là, il ne serai jamais parti.

Un sanglot à accompagner ma phrase.

C'est la première fois que je lui balance ce mot en pleine face.

« Frapper. »

- Ma pauvre fille.. Si tu savais.

Gabriel prend la parole à ma place :

- Si tu savais quoi ? Hein ? Que vous êtes la reine des putes et une meurtrière ?

Ma mère se lève soudainement à la suite de ses insultes, et lui flanque une gifle.

Deux gifles en deux jours.

Mais pas pour les mêmes raisons.

Puis elle sort de la chambre, me permettant de mieux reprendre mon souffle.

Je suis heureuse que Gabriel ne se soit pas défendu après cette claque. Qu'il l'ai laissé s'en aller.

- Elle ne reviendra pas de si tôt, lâche t-il en caressant sa joue.

- Je vais faire comment pour sortir d'ici, maintenant ?

- Je suis là, moi.

Je soupire.

- Gabriel.. Tu le sais autant que moi qu'ils ne me laisseront jamais partir s'ils ne sont pas sûrs qu'une personne de confiance sera avec moi.

Il réfléchit un instant, puis me signale :

- Je vais aller parler à l'accueil.. Ils me connaissent.

Je hoche la tête, dubitative, même s'il pense pouvoir régler les choses. En attendant, je me rassois pour la troisième fois sur le bord du lit, pour pouvoir me rendre au toilette.

J'y suis déjà aller quand il s'est éclipsé ce matin, parce que je n'ose pas m'y rendre devant lui.

Le vêtement qu'ils m'ont mis me rend nue de dos, de quoi être gênée en sa présence, bien que j'apprécie qu'il reste à mes côtés.

Une infirmière est passée cette nuit aussi quand je sortais de la salle d'eau, et m'a annoncée que je pourrai partir demain, mais qu'avant, ma tutrice légale devrait venir signer la décharge.

Je n'ai pas arrêtée de stresser jusqu'à ce que ce moment arrive.

Après m'être lavée les mains et avoir fait ma petite affaire, je passe devant le carnet de dessin de Gabriel. Forcément, son talent m'intrigue et me plaît, alors tout logiquement, je feuillette les pages.

Pleins de représentations s'y trouvent. Certaines datent de quand il était encore avec nous, à l'appart'. Une image particulièrement requiert mon intention : Adam, fouillant dans les étagères de ce qui semble être un supermarché, avec un Simon qui rigole dans le caddie.

Je ne sais pas quand il a pu esquisser ce croquis, mais il me plaît bien. J'aimerai faire une collection de tout ses dessins, qu'il referait au propre dans un beau carnet, plus neuf que celui-là, qu'il trimballe partout.

La porte s'ouvre soudainement, sans que je m'y attendes.
C'est lui.

Je repose son carnet et me faufile rapidement dans le lit.
Merde, il a vu mon dos nu. Il a vu mes fesses.
Son sourire gêné, sa main qui gratte l'arrière de sa tête.. C'est bon, je suis embarrassée.

Pour briser ce moment incommodant, il ouvre la bouche :

- C'est réglé, tu pourra partir avec nous.

- Nous ?

Il ouvre la porte en prenant le soin d'attendre que je sois bien installée, tandis que deux têtes familières font leur apparition : Leslie et Adam.

À la nuit tombée Where stories live. Discover now