CHAPITRE 23

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Seona

Adam ne me pose aucunes questions, et je commence à trouver ça louche. Il nous a vu sous la table, et c'est la seule chose qu'il nous a dit. Étrange.
La tête dans une de mes valises, je prend l'initiative de tout plier correctement et de la mettre dans la salle de bain. Je n'aurais plus de problème de vêtements, maintenant.

- Alors, m'arrête la voix d'Adam. Tu compte t'installer ici, ça y est ?

- Quoi ? Rigolé-je. Non, mais..

- Seona, m'arrête t-il.

Je lève la tête dans sa direction pour lui faire face, puis il reprend :

- Je veux te proposer quelque chose.

J'attends pour savoir ce qu'il a à me dire, les yeux rivés sur lui :

- Tu veux habiter avec nous ? Lâche t-il.

- Quoi ? Le questionné-je, pas certaine d'avoir bien entendu.

- Oui. Maintenant que tu travailles, tu ne veux pas vivre ici, ailleurs que chez ta mère ?

Surprise par cette proposition, je ne sors aucun mot de ma bouche. C'est l'opportunité rêvée pour ne plus avoir à lui caché que je suis à la rue. Si je vis ici, je ne parlerai tout simplement plus de ma mère. Prétextant que j'ai pris la décision de moi-même de ne plus la revoir.

- Je te trouve mieux depuis que t'es ici, avoue t-il. J'ai l'impression de revoir l'ancienne Seona. La vraie toi.

Ces paroles me touchent en plein cœur, puisqu'elles sont véridiques. Je le pense aussi. Je n'ai jamais été aussi bien que depuis que j'ai dormi dans cette foutue cage d'escalier. C'est comme si j'avais été dans le coma tout ce temps et que je me réveillais enfin.

- D'accord, prononcé-je. Mais, je vais continuer à dormir dans ce canapé ? Le taquiné-je. Vous n'avez que deux chambres.

- Je crois que Gabriel ne sera pas contre le fait que tu t'installes dans la sienne..

- Pourquoi tu dis ça ?

Il sourit.

- Je sais pour vous deux, lance t-il. Je suis peut-être gay et amoureux, mais pas aveugle.

- Amoureux ? Tenté-je de rappeler pour changer de sujet.

- Soso.. Murmure t-il. On parle de toi là.

- Pardon, dis-je alors.

Il me saute dans les bras et nous nous écroulons par terre. Nos rires mêlés à de minuscules larmes de joie s'envolent dans le salon, tandis que nous essayons de nous relever.

- Je ne sors pas avec lui, dis-je finalement pour essayer de lui expliquer. C'est juste.. bizarre entre nous.

Mon téléphone se met à sonner brusquement, nous coupant dans notre discussion. Je ne perd pas de temps pour le prendre dans mes mains. Leslie est train de m'appeler.
Je décide de ne pas décrocher, pour profiter de mon cousin.

- Pourquoi tu ne réponds pas ? Demande t-il.

- Je veux rester avec toi.

Il m'enlace de plus belle et mon portable se remet à sonner, cette fois-ci en sonnerie de message.

- C'est peut-être urgent, soumet Adam.

Je prend donc au moins la peine de lire le message qu'elle m'a envoyé :

Leslie 15h59 -

Soso, Gabriel m'a demandé de te dire qu'il est à la plage « comme la dernière fois ». Sois disant tu comprendrais. Je crois que c'est urgent. Il s'isole rarement là bas tout seul.

Mon cœur explose quand j'aperçois son prénom, et mon cousin semble s'en apercevoir. Il lis le message à haute voix alors que je commence à enfiler mes baskets crades.

- Elle t'a envoyé un autre message ! S'écrie t-il.

Je m'approche de lui pour récupérer mon téléphone, puis lis le dernier SMS qu'elle m'a laissé :

Leslie 16h01 -

La dernière fois qu'il s'est rendu à la plage tout seul, c'est quand il avait appris que sa sœur ne pourrait plus jamais marcher.

Pas un message de plus ne refait surface, alors je m'excuse auprès d'Adam et part en vitesse.
Je dois prendre le premier bus.

*****

Pendant le trajet, Leslie m'a donné le numéro de Gabriel. Je lui ai envoyé un texto pour le prévenir que j'étais sur la route pour le rejoindre, mais pas de réponse.

L'arrêt de bus où je viens de descendre est encore à 10 minutes à pied de l'endroit où nous nous étions posés la dernière fois, quand il m'a retrouvé dans les toilettes du bar après le passage de ma mère.
Je tente tant bien que mal de marcher plus vite, mais je suis essoufflée par cette chaleur s'étalant sur ma peau.

J'ai pris plus de temps que prévu, mais je viens d'arriver. Je distingue enfin l'océan. La plage n'est même pas pleine, seulement quelques familles et des enfants jouent sur le sable. Ça ne devrait pas être trop compliqué de le retrouver.
Je fouille du regard les environs à sa recherche, quand une silhouette noire au fond de la plage m'interpelle. L'homme a l'air d'avoir une casquette sur la tête.

Pas de doute, c'est bien lui.

J'utilise mes dernières forces pour courir jusqu'à lui, mes pieds s'enfonçant dans le sable, et arrive finalement à sa hauteur. Il fixe la mer, les jambes dépliés, avec ses bras qui le tienne.
Je me pose à côté de lui, puis l'imite.
La mer est si belle en plein jour.
Après quelques minutes, je profite de ce moment apaisant pour prendre la parole.

- Pourquoi tu m'avais emmené ici, la dernière fois ?

Il prend une grande inspiration, puis ferme les yeux. Je ne parviens pas à enlever les miens de son visage.

- C'est le meilleur endroit pour réfléchir, raconte t-il.

Il a raison.

- Quand on est venu ici, reprend t-il, après ce qu'il s'est passé avec ta mère. Tu t'es senti comment ?

Je songe à ce qu'il viens de me demander, puis répond instinctivement :

- Libre.

Il ramène ses jambes à lui, et pousse sa tête vers le ciel.

- Exactement, il souffle.

J'ai du mal à comprendre où il veut en venir.

- Je suis libre, rajoute t-il. De dire ce que je veux, de faire ce que je veux. D'être qui je veux.

Sa dernière phrase à craquée dans mes oreilles, comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il disait.

- Tu peux être qui tu veux, évoqué-je pour calmer sa voix tremblante.

- Tu ne comprends pas..

Je suis perdue. D'abord il veut que je vienne ici, et ensuite il ne m'explique rien.

- Écoute, lâché- je. J'ignore pourquoi tu as fais en sorte que je sois là, mais si c'est pour me parler chinois, ce n'est pas la peine.

Il se tourne enfin vers moi, et nos yeux se parlent. C'est étonnant, mais j'ai l'impression qu'ils me crient dessus. Qu'ils me demandent de partir. Qu'ils m'ordonnent de ne pas l'embrasser.

Et pourtant, ce sont ses lèvres qui m'atteignent.

À la nuit tombée Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt