Le chant des oiseaux

By Severine75

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Dans un monde gouverné par l'argent, où la justice n'existe plus, où l'Homme s'est perdu dans ses désirs égoï... More

Avant propos
Personnages
Prologue
New York fin du XXIe siècle
Partie 1
1
2
3
4
6
7
8
9
10
11
12
13
Partie 2
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20
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Partie 3
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Partie 4
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By Severine75

La petite cuisine ne comportait pas énormément de meubles. En regardant bien, nous pouvions voir les vestiges d'une belle cuisine aménagée, comme il s'en faisait beaucoup il y a quelques dizaines d'années. Mais de celle-ci, il ne restait plus qu'un meuble bancal et élimé et une vieille gazinière, sans doute récupérée dans une décharge quelconque.

Une table rectangulaire était disposée au centre de la pièce entourée de six chaises dépareillées. Celle-ci faisait office de plan de travail et était témoin des nombreuses conversations qui avaient lieu durant les repas de la famille Horner.

Hanet Horner était assise en bout de table. Logiquement face à elle, aurait dû se trouver son mari, Robert Horner, mais celui-ci était décédé quelques années plus tôt. Il avait eu une vie de labeur et de fatigue à consumer sa santé au travail, à l'usine de composants électroniques, grâce à laquelle survivaient les habitants du Queens et dans laquelle travaillaient à présent ses fils et sa belle fille.

Rob, le fils aîné était assis à la droite de sa mère. Il fixait ses mains, jointes devant lui, et faisait tourner ses pouces dans un signe de stress et d'impatience. C'était un bel homme. Grand, des muscles taillés grâce au travail, des cheveux blonds coupés très courts et des yeux noisette lui mangeant une bonne partie du visage. Il ressemblait beaucoup à sa mère. Et malgré sa force physique évidente, se dégageait de lui, une grâce folle.

Orry, le fils cadet se trouvait à la gauche de sa mère. Il était assis avec nonchalance en travers de sa chaise, le dos appuyé sur le dossier, un bras passé par-dessus, les jambes légèrement écartées. Il regardait droit devant lui, la porte de la cuisine, par laquelle allait entrer la personne qu'ils attendaient. Orry avait une beauté plus brute. Il était lui aussi taillé dans le roc mais plus fin que son frère. Ses traits étaient le plus souvent durs et fermés mais lorsqu'il se laissait aller, son sourire était à se damner. Ses yeux, eux aussi noisette, étaient tels que ceux de son frère, on ne voyait qu'eux. Et dans les moments de tendresse les yeux d'Orry savaient exprimer les sentiments, mieux que les mots qui sortaient de sa bouche.

C'est lui que vit Jane en premier lorsqu'elle entra dans la cuisine, accompagnée d'Isabel. Elle se stoppa face à cet homme aux allures à la fois flegmatiques et autoritaires. Il était impressionnant. Son regard se décrocha de lui pour se poser sur Hanet qui se leva doucement et l'invita à avancer d'un signe de main. Rob fit de même et prit la main de son épouse pour qu'elle s'asseye à ses côtés, à sa place.

Jane avança timidement, prit le dossier de la chaise qui avait auparavant appartenu au chef de famille, dans ses mains, et la tira pour s'asseoir dessus. Personne ne dit rien mais Orry se redressa légèrement. Hanet posa sa main sur son bras alors que Jane reculait la chaise afin de s'éloigner de lui le plus possible, sans paraître mal polie.

C'est Rob qui brisa le silence.

- C'est agréable de te voir enfin Jane. Je suis Rob et voici mon frère Orry. Ne fais pas attention, il a sa tête des mauvais jours, mais il n'est pas méchant.

Hanet rit doucement, et Orry soupira en levant les yeux au ciel. Le regard de Jane passa d'un frère à l'autre jaugeant les regards et les réactions, essayant de les cerner.

- Comment vas-tu ? Reprit l'aîné des deux frères.

- Hum... ça va, merci. Répondit Jane d'une petite voix.

- Très bien. Donc, je ne sais pas trop comment commencer en douceur alors je vais y aller directement d'accord ?

Jane hocha la tête en se triturant les doigts et en ne lâchant pas des yeux le centre de la table, afin de ne pas croiser les regards des deux hommes qui l'intimidaient.

- Nous t'avons trouvée il y a deux semaines. Continua Rob. Tu étais dans un sale état. Tu saignais et tu avais des ecchymoses un peu partout sur le corps. Tu serais certainement morte de froid dans la neige si...

- Bref. On voudrait surtout savoir qui t'a agressée. Le coupa Orry.

- Orry ! S'indigna Isabel.

- Je suis désolé mais je ne vois pas utile de prendre des pincettes, elle est déjà au courant je pense, elle était là.

Le jeune homme se tourna vers Jane qui avait relevé le visage vers lui et le regardait les yeux écarquillés.

- Je ne veux pas te brusquer et je suis désolé si c'est le cas, reprit-il. Mais... je pense qu'on sait ce qui s'est passé, on veut juste savoir qui t'a fait ça.

Jane fronça les sourcils en fixant Orry droit dans les yeux, et garda le silence quelques secondes puis elle répondit.

- Pourquoi voulez-vous savoir ?

- Quoi ?

- Pourquoi ? En quoi ça vous concerne ? D'accord vous m'avez récupérée et sauvée et je vous en suis reconnaissante mais... Pourquoi veux-tu savoir qui m'a fait du mal ? C'est un peu tard pour me défendre non ?

- Exact c'est un peu tard. Mais on peut punir celui qui est coupable. Pourquoi ? Parce que je suis humain et que je n'aime pas qu'on profite des autres. Je n'ai pas aimé te trouver dans cet état. Ça me met hors de moi. Ce qu'on t'a fait n'est pas normal, on doit agir contre ça.

- Et comment veux tu agir ?

- Déjà si tu me disais qui est l'ordure qui t'a violé ça m'aiderait.

- Orry !

Cette fois ce fut la voix d'Hanet qui retentit. Sa main claqua sur la table et elle se leva soudainement, faisant tomber sa chaise. Rob suivit le mouvement et Jane recula devant ces gestes si brusques.

- Orry présente tes excuses à Jane tout de suite.

- Maman calme toi. Intervint Rob. On va s'arrêter là pour l'instant. Isabel, peux tu raccompagner Jane dans sa chambre s'il te plaît ? Orry, tu me suis.

Isabel hocha la tête et pris doucement la main de Jane, qui tremblait de tout son corps. Elle l'aida à se lever pendant que Rob sortait de la cuisine par la porte fenêtre. Orry se leva lentement, gardant son regard sur la jeune femme qui quittait la pièce, puis, lorsqu'elle fut hors de sa vue, il rejoignit son frère, à l'extérieur.

Alors qu'elle grimpait les marches menant à l'étage, Jane entendit les voix des deux hommes sans réellement comprendre ce qu'ils pouvaient se dire. Ils criaient mais les mots n'avaient pas de sens pour l'esprit embrouillé de la jeune femme. Elle se réfugia dans la chambre qui lui avait été allouée et se recroquevilla sur son lit.

Elle regrettait d'avoir voulu tenir tête à cet homme à l'allure insolente, car elle n'avait réussi qu'à provoquer quelque chose qu'elle n'avait pas su maîtriser.

Elle attendit que tout se calme, Oscar lové contre elle. Cela dura un long moment. Elle ne savait pas où était passé Isabel, ce que faisait Hanet. Elle ne savait pas ce que les deux hommes se disaient. Elle eu vaguement conscience d'une voix fluette et d'un petit corps d'enfant s'allongeant à ses côtés, puis elles s'endormit.

- Tom, va-t-en. Allez, il faut que je parle à Jane.

La voix de Rob, bien que douce, s'éleva dans la petite pièce tirant Jane de son sommeil, et la faisant tressaillir.

- Mais elle dort et moi j'étais bien avec elle.

- Je sais mon chéri mais il faut que je lui parle. Et je pense qu'elle est réveillée. Mamie t'a préparé un chocolat. Allez, oust.

Jane entendit un bruit de bisou et les petits pas de Tom s'éloigner.

- Jane, je sais que tu es réveillée. On doit parler de tout ça. Et de ce qu'il s'est passé tout à l'heure.

La jeune femme se redressa et s'étira, prenant appui contre la tête de lit.

- Comment as-tu deviné que je ne dormais plus ?

- Tu as réagis quand j'ai parlé à Tom. Ce n'était pas grand-chose mais... tu as sursauté, légèrement. Désolé de te faire peur. Et pour tout à l'heure, Orry est un peu... entier des fois. Il est très touché par tout ça et, je crois qu'il ne sait pas gérer.

- Touché ?

- Oui. Il fait le dur mais il est très affecté, et plus que tu ne le crois. Il a faillit tout casser quand on t'a trouvée et il demande de tes nouvelles tous les jours à maman ou Isabel. Il est sensible à tout ce qui touche à ce genre de choses.

Jane le regarda en fronçant les sourcils et pencha la tête sur le côté, ne comprenant pas les réactions du jeune homme dont ils parlaient.

- Il a vécu des choses difficiles lui aussi. Reprit Rob, sans savoir jusqu'où il pouvait aller dans ses explications.

- Quelles choses ?

- Eh bien, c'était il y a longtemps et je ne sais pas si...

- Rob la ferme !

Jane sursauta à nouveau et se recula sur le lit en découvrant Orry à la porte de la chambre. Elle le trouva beaucoup plus grand et imposant que dans la cuisine. Il se tenait droit, les bras croisés sur son torse. Son regard ne lâcha pas le sien.

- Je crois que j'ai bien fait de monter maintenant, je n'aime pas trop qu'on parle de moi. Reprit le jeune homme. Je suis venu m'excuser. Je n'aurais pas dû te parler comme ça.

Jane souffla un grand coup, puis fit un signe de tête en direction du jeune homme.

- D'accord. J'accepte tes excuses. Je suis désolée aussi. J'ai du mal... avec tout ça. Je ne sais pas qui est l'homme qui m'a agressé... mais je peux vous dire certaines choses.

- C'est un bon début. Répondit Rob avec douceur.

Orry entra et s'appuya contre le mur, toujours les bras croisés, face au lit.

- Il y a un endroit spécial, entre le Bronx et Manhattan, un quartier regroupant des endroits sulfureux. C'est là que tous les hommes riches viennent chercher du plaisir auprès des prostitués quand leurs épouses ne veulent pas les satisfaire. Ils n'ont qu'à traverser le pont de Park Avenue, et ils y sont. Commença Jane.

- Oui, le quartier des maisons closes. C'est là que tu vivais ? S'étonna Rob.

- Oui, répondit Jane en soupirant. J'y ai toujours vécu. J'ai été élevée dans ce genre d'endroit. Ma mère devait sans doute être l'une d'entre elles. Mais il n'avait jamais été question que je travaille... Ces filles étaient tout ce que j'avais. Je ne faisais pas de vague, je restais discrète, rendais des services et faisais le ménage. Et elles me protégeaient et faisaient tout pour que personne ne sache que j'étais là. Elles savaient que le fait que je sois jeune allait beaucoup plaire aux hommes.

- Tu as quel âge ? Demanda Rob.

- Je... je ne sais pas vraiment. Elle soupira et baissa les yeux. Je pense que j'ai 17 ou 18 ans.

Il y eut un court silence pendant lequel les deux frères se regardèrent, perplexes.

- D'accord. Qu'est ce qu'il s'est passé ? Reprit Rob.

Jane fixa Orry qui ne disait rien, puis posa de nouveau son regard sur Rob.

- Il y a des hommes qui viennent régulièrement, des habitués en quelques sortes. Des hommes très riches, qui n'ont qu'à donner de l'argent pour obtenir ce qu'ils veulent. Ce jour là, une des filles est venue me chercher et m'a conduite à un de ces hommes. Il avait dû être très généreux pour qu'elle me... vende...

- C'est une des filles qui te protégeaient qui a fait ça ?

- Oui. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je commençais à leur coûter cher et que je devais travailler à mon tour... toujours est-il que... elle m'a laissée avec lui et...

- D'accord, on a compris. Tu n'as pas besoin d'en dire plus. Tu t'es enfuie tout de suite... après ?

- Oui. Quand il a eu fini j'ai pu partir... j'ai quitté l'endroit et j'ai couru autant que je pouvais. J'ai pris le Triborough Bridge vers le Queens et je ne me souviens plus de la suite.

- C'est là que nous t'avons trouvée. Sur le pont. Tu étais évanouie, dans la neige.

Orry bougea un peu, ce qui attira le regard de Jane. Il avait la tête baissée vers le sol, les mains maintenant dans les poches de son pantalon. C'était impossible de voir ses réactions.

- Donc, tu ne connais pas son nom. Reprit Rob.

- Non, mais c'est un habitué, il doit certainement continuer d'aller là-bas.

- Tu te sentirais assez forte pour y retourner et nous le montrer ?

- Non... Je ne sais pas. Jane secoua la tête. Qu'est ce que vous voulez faire ?

- Nous voulons l'empêcher de recommencer, et le punir de t'avoir fait ça.

- Mais pourquoi ? Pourquoi voulez-vous faire ça ? Vous ne me connaissez pas, je ne suis rien pour vous.

- Nous t'avons trouvée, nous avons un devoir envers toi. Nous devons te protéger.

- Oui mais ça ce n'est pas de la protection, c'est de la vengeance. Je ne suis pas sûre que ce soit bien.

- C'est notre manière de faire justice Jane. Personne ne s'occupe de nous. Il n'y a plus de police, plus de jugement, en tout cas chez nous. Les riches prennent et les pauvres souffrent. Ici, nous avons de la chance, l'usine nous donne une certaine importance et nous nous sommes organisés dans le quartier, nous vivons dans la bonne entente. Mais ailleurs, à certains endroits, c'est le chaos. Et tu as eu énormément de chance de tomber sur nous.

- Je sais tout ça, mais je ne veux pas de vengeance gratuite. Je veux qu'il soit arrêté, jugé et condamné.

- Alors là tu te mets le doigt dans l'œil, et bien profond. Je te le répète il n'y a plus aucune justice... et si c'est un homme riche de Manhattan, encore moins.

Jane baissa la tête et murmura.

- Si je vous montre cet homme, vous ferez quoi ?

- On ira le voir, et on lui fera comprendre certaines choses.

- vous le tuerez ?

- Sincèrement ? Je ne sais pas...

- Non... je ne veux pas.

- Jane, il t'a...

- Je sais... je sais ce qu'il m'a fait... je sais mais je ne veux pas de ça. Je ne veux pas devenir aussi barbare que lui et si je vous laisse faire ça, c'est ce qui se passera.

Ses yeux se tournèrent à nouveau vers Orry qui avait relevé la tête et la fixait. Ils échangèrent un regard lourd de sens puis le jeune homme sortit de la chambre, sans avoir prononcé un mot de plus depuis son arrivée. Bientôt suivi de son frère.

Mais avant de passer la porte Rob ajouta.

- Tant qu'il est libre, il peut recommencer.

Et la porte se ferma.

***


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