Marqués

61 - Liana - Assassinat

J'étais assis contre un mur, un bras posé sur mon genoux replié, l'autre serré en poing contre le sol poussièreux. Je ne savais plus très bien depuis combien de temps je me trouvais là, chaque seconde passant avec une lenteur exaspérante.

Le sentiment qui m’oppressait la poitrine m'était inconnu. Peut-être du remord, de la culpabilité ? Je ne me souvenais pas vraiment en avoir éprouvé auparavant, c'était peut-être ça.

Mais peu m'importait au fond, le tout pour moi était de sortir de là au plus vite, et je ne voyais pas comment je pourrais y parvenir. Après avoir défoncé la porte de ma chambre blanche malgré les Bloqueurs qui annulaient mon pouvoir de transformation, on m'avait transféré plusieurs sous-sols en-dessous, dans une cellule qui ressemblait beaucoup plus à celles des films : barreaux métalliques, sol et murs de pierre froide et sale, peu de lumière et surtout plusieurs gardes qui se relayaient devant.

J'aurais pu me plaindre du manque de confort, mais ça n'aurait servi à rien puisqu'après tout c'était ma faute si j'étais là, je l'avais bien cherché en me rebellant sans aucune chance de réussite. Ça ne me ressemblait pas de prendre des risques inconsidérés sans avoir de plan de secours. À croire que les évènements qui avaient mené à mon arrestation m'avaient plus perturbé que ce que j'aurais bien avoué.

Je fermai les paupières un instant pour essayer de me concentrer, mais l'effet fut inverse. Le rouge du sang s'était imprimé sur ma rétine comme pour me rappeler ce que j'avais fait. Je l'avais tuée. Elle, Liana Lumina, petite-fille de ma dirigeante, future reine de la Société. Je l'avais tuée. Pris dans ma colère contre l'autre salope rousse, j'avais fait l'erreur de ne pas analyser toute la situation.

J'aurais bien pu deviner qu'elle agirait comme ça, cette stupide gamine. Même si je n'avais pas conscience de ses pulsions suicidaires, un sacrifice héroïque lui ressemblait bien. Si j'avais réussi à m'arrêter avant… Mais entre l'élan et la surprise, c'était impossible.

Je me souvenais encore de la sensation de mes griffes s'enfonçant dans son ventre, déchirant sa peau et ses organes. Il était impossible qu'elle ait survécu à ça. Je serrai les poings avec colère, contre elle, contre l'autre connasse que j'aurais bien aimé tuer, et contre moi aussi.

C'était tellement rare que je m'en veuille pour quelque chose. J'avais toujours assumé tout ce que je faisais, que ce soit bien ou mal. Pour Ella, j'avais espionné, menti, trahi. Ça n'avait aucune importance, puisque je savais que c'était pour le mieux : il fallait qu'elle parviennent à son objectif, que ce monde pourri soit détruit une bonne fois pour toute et renaisse différent. Je n'avais rien mais je voulais tout. J'étais cupide, ne m'en cachais pas. Tous les hommes, Marqués ou pas, ont besoin d'une raison de vivre, et la mienne était ma propre réussite.

J'avais conscience que la brune essayait de me protéger. Elle se chargeait toujours du sale boulot, s'il fallait blesser, torturer, tuer quelqu'un. Vu son absence d'état d'âme, il y avait plus de chance que ce soit surtout une question de confiance qu'elle ne m'accordait pas, malgré mon année de bons et loyaux services.

C'était pour cela qu'en apprenant la nouvelle de sa capture, je n'avais pas hésité une seconde à partir la libérer. C'était l'occasion ou jamais de lui prouver que j'étais bel et bien de son côté, et que je n'avais pas peur de me battre s'il le fallait. Mon erreur avait été d'amener Liana avec moi. À cause de ça tout avait foiré, non seulement je n'avais pas pu retrouver Ella, mais j'étais parvenu à perdre la petite-fille de la dirigeante.

Pourtant, la brune m'avait répété mille fois de ne surtout pas la mêler à nos affaires. Il ne fallait surtout pas que Miss Lumina prenne conscience de quoi que ce soit, sinon Ella perdrait toute sa confiance et donc sa liberté d'action. Qu'est-ce qui m'avait pris de la laisser venir ? Pire, de l'avoir encouragée ?