3 - Newt - Le Détecteur

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Une demi-heure après avoir quitté l'Infirmerie, j'étais de retour à mon immeuble, dans mon appartement. Seul. Les horaires de la fin des cours n'étaient pas encore arrivés, mais j'avais pu sortir puisque j'étais dispensé de sport scolaire depuis mes quatorze ans. Malgré moi, car ça avait toujours été l'un des moments que je préférais dans la semaine. Mais c'était avant qu'il ne me soit arraché, comme tout ce qui restait de plaisant à ma vie depuis l'arrestation de ma mère.

Je travaillai sur des devoirs de chimie sans trop y mettre le cœur. J'étais encore perturbé par le risque insensé que j'avais pris en m'endormant dans l'amphithéâtre, ainsi que par l'attitude bizarre de l'infirmière prénommée Alice. Le simple fait que je connaisse son nom prouvait l'étrangeté de la situation.

Vers dix-huit heures, la porte d'entrée claqua et je me levai de ma chaise de cuisine pour accueillir ma tante, Natalie. Celle-ci me sourit en déposant son manteau sur un cintre, mais son air joyeux s'évanouit devant mon expression.

- Newt ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je lui résumai rapidement mon après-midi, gardant pour l'instant pour moi toute la partie concernant l'infirmière. J'espérais que ce n'était pas si important que mon instinct me le soufflait. Je préférai faire comme si de rien n'était, surtout au vu de toutes les complications que pourraient causer ma sieste et mon envoi à l'Infirmerie, et finir par oublier cette scène plutôt que d'en devenir fou.

Je montrai le sachet blanc de médicaments qui trônait au milieu de la table de cuisine à Natalie, et à mon désarroi son expression se décomposa sous mes yeux. Elle blêmit, comme si le sang avait soudain cessé d'irriguer son visage. Quand je lui demandai de quoi il retournait, elle me prit le paquet des mains et partit à grand pas en direction de son petit laboratoire personnel, anciennement chambre de ses parents. Elle enfila sa blouse en passant, et ne sachant trop comment réagir, je fis de même avec la mienne.

- Que t'ont-ils dit exactement à propos de ces gélules ? me demanda ma tante tout en extirpant une des armes du délit et en l'ouvrant avant de faire glisser avec soin la poudre dans un petit récipient en verre.

- Euh... Elles sont pour dormir, je crois.

- Si c'est bien ce que je pense, ils ont menti. J'ai participé à l'élaboration de ces horreurs.

Natalie travaillait pour le gouvernement, dans le plus grand laboratoire de la Cité. Lors de la Répartition, cette cérémonie qui déterminait le futur métier des gradués, ses excellentes notes en chimie et biologie lui avaient offert une place dans la recherche. Comble de malchance pour elle, qui aurait préféré rester discrète après l'arrestation de ma mère, son aînée de plus de dix ans. Finalement, ma tante avait fini par comprendre que malgré toute la surveillance dans son lieu de travail, celui-ci était en fait un avantage. Il lui permettait une connaissance en avant-première de toutes les nouveautés bientôt en exploitation, ce qui nous aidait beaucoup à nous cacher.

- Et donc, à quoi servent-elles ? demandai-je, ne comprenant plus grand chose à la situation.

- À faire oublier les souvenirs trop cuisants.

- En quoi est-ce si mal ? m'étonnai-je.

Elle releva les yeux sur moi un instant avant de replonger dans son expérience.

- Voudrais-tu oublier ta mère ?

Je me perdis en confusion. Évidemment, je voulais garder le souvenir de toutes ces années heureuses que nous avions passée ensemble... De nos sorties cinéma pendant les vacances. Des cookies qu'elle me préparait le vendredi soir avant mon cours de karaté. De ces nuits que je passais dans son lit pour qu'elle me raconte ses travaux... Mais le souvenir de son arrestation était encore si vivant dans mon esprit, comme une blessure jamais cicatrisée...

MarquésWhere stories live. Discover now