Marqués

6 - Newt - Les Marqués

Après le départ de Rachel et des Officiels, le silence pesant du Restaurant Académique se mua en brouhaha infernal.

Moi-même, je restai figé un long moment les yeux sur la porte derrière laquelle ma camarade avait disparue. Puis je repris suffisamment mes esprits pour remarquer que ma voisine de table, aussi prénommée Alice, avait pris ma pomme et mordait dedans à pleines dents.

- Eh ! grommelai-je. Ça va pas ? Et tu n'as toujours pas répondu à ma question, qui es tu ?

- Tu connais déjà mon prénom, répondit-elle en mâchant. Mais tu as raison, je ne suis pas infirmière.

- Comment as-tu fait pour entrer à l'Infirmerie sans que personne te remarque, dans ce cas ?

Je n'avais jamais entendu parler d'une infiltration réussie dans un lieu officiel, même de la part de ma tante qui en savait toujours plus que le commun des mortels là-dessus.

- Hmm... Disons que ma sœur a des capacités assez utiles. D'ailleurs c'est bizarre que... Mais ce n'est pas le plus urgent, pour l'instant le principal c'est de te sortir d'ici en sécurité.

Je la vis jeter un coup d'œil à la porte, et suivis son regard​. Plusieurs élèves se levaient déjà pour quitter le réfectoire. L'un d'eux, un garçon qui devait avoir dans les vingt-deux ans, fit un signe du poignet en sortant. C'était si discret que j'aurais tout aussi bien pu avoir rêvé, mais la réaction d'Alice affirma mes suppositions.

Elle se leva, attrapa son plateau qu'elle avait dû poser à mes côtés sans que je m'en rende compte, et m'indiqua de la suivre.

J'hésitai un instant. Je ne savais toujours pas qui elle était ni si elle était de mon côté. De plus, elle n'avait pas l'air seule : le garçon devait être avec elle, et elle avait parlé d'une sœur.

Mais il n'empêchait qu'elle avait parlé de libérer les Marqués capturés par le gouvernement, et rien que pour ça, il fallait que je me renseigne. Sans parler du fait que Natalie m'avait demandé de la trouver et de lui parler : je ne faisais donc qu'obéir.

Je me levai donc à sa suite et allai débarrasser mon plateau finalement peu touché. Puis nous nous dirigeâmes vers la porte et sortîmes dans le couloir de l'Académie.

L'air frais et le quasi-silence qui contrastaient avec l'intérieur m'aidèrent à reprendre mes esprits.

- Maintenant, demandai-je, tu veux bien m'expliquer ce qui se passe ?

Au lieu de répondre, elle m'adressa un signe discret du menton. En jetant un coup d'œil dans la direction indiquée, je vis une caméra de surveillance dont la diode rouge clignotait comme sur une bombe prête à exploser. Je me tus donc.

Elle m'entraîna à sa suite dans plusieurs corridors plus secondaires, avant de s'arrêter enfin pour me faire face. L'endroit était plutôt obscur, ce qui explique sans doute que je ne vis pas immédiatement les deux formes humaines qui se cachaient dans l'ombre.

Bientôt, Alice fut rejointe par deux jeunes gens. Le premier était le garçon qui lui avait fait signe que la voie était libre, et je me rendis compte que son visage me disait quelque chose. Blond plus clair que moi, quelques centimètres de moins mais plus large d'épaules, il devait être à peu près aussi vieux qu'Alice. La seconde était une adolescente de mon âge, aux cheveux noir corbeau et à l'air revêche, sans aucun doute la sœur d'Alice. Elle était très belle, mais son regard noir profond me mit immédiatement mal à l'aise. On aurait dit qu'elle arrivait à voir dans les tréfonds de mon âme.