Marqués

26 - Newt - La disparition

Trois jours depuis qu'Ella avait commencé à m'ignorer.

Trois jours, et je ne pouvais pourtant toujours pas m'empêcher de la chercher du regard chaque fois que j'entrais quelque part.

C'était stupide, je le savais bien. Elle était excellente au bluff... Et pensait sûrement comme les autres que j'étais immune, ainsi que tout le monde semblait le croire après le test de Monsieur Hector. Mais malgré cette quasi-certitude je ne parvenais pas à oublier ce qu'elle m'avait annoncé dans ce couloir de l'école. Qu'elle connaissait mon Habilité. La façon dont elle l'avait dit... on aurait pu croire qu'elle ne parlait pas du tout d'immunité.

Nous avions été très clairs tous les deux à propos du fait que nous ne voulions plus avoir affaire l'un avec l'autre. Mais malgré ça, je continuais à la regarder dans l'espoir qu'elle m'excuse et vienne me parler, même si j'avais moi-même trop de fierté pour le faire.

Même en cet instant où elle riait avec ses chers amis.

Je n'aimais pas beaucoup la cour de l'école. Bien que les plus jeunes soient séparés de nous, j'avais quand même une terrible impression d'oppresser... Même les cours théoriques me répugnaient moins que ça.

Heureusement, depuis le premier jour la plupart des élèves avaient cessé de m'observer comme un animal de cirque, mais certains persistaient tout de même, tels que certains des camarades de notre chère Ella. Souvent je voyais l'un d'eux en particulier, prénommé Thomas, qui m'observait.

Thomas était à peu près tout ce que je n'étais pas. Beau, fier, mystérieux. Le genre de type qui a toutes les filles du monde à ses pieds rien qu'avec un regard. Non pas que ça me dérangeais... mais quand même. J'aurais bien aimé, au fond, qu'Ella me jette un coup d'œil de temps en temps, elle qui ne le quittait pas d'une semelle.

À moins que ce soit lui qui la suive partout ?... Au fond, ça ne changeait pas grand chose.

Je fus soulagé quand la cloche sonna, annonçant la fin de ce qu'on appelait ici la "récréation". Je suivis Liana, Quentyn et les deux nouveaux amis de celui-ci, Pauline et John, dans le bâtiment.

Nouveau cours de mathématiques comme le premier que j'avais subi trois jours plus tôt, mais depuis la veille la professeur avait été chercher des exercices d'un niveau supérieur qui me donnaient déjà plus de fil à retordre et me permettaient de moins m'ennuyer.

Apparemment elle ne semblait m'avoir donné l'autorisation de partir le premier jour que parce qu'elle était consciente du choc que je venais de vivre avec la mort d'Alice. Mais cet instant de compassion avait sans doute drainé toute la sympathie qui lui restait en réserve jusqu'au mois prochain, et elle s'acharnait avec une impressionnante ferveur sur les élèves qui ne parvenaient pas à résoudre ses exercices.

Ella, contrairement à mon premier jour, était là également. Assise un peu plus loin, elle s'acharnait sur ses calculs avec la même hargne que moi.

Quand j'eus fini, et que Madame Cooper eut vérifié et ramassé ma feuille, je croisai les bras sur la table et enfouie ma tête dedans. À ma droite, je pouvais encore observer Ella, ce que je ne manquai pas de faire.

Plus le temps passait et plus je comprenais que quelque chose clochait dans son attitude.

Pourquoi était-elle aussi sèche avec moi et aussi mielleuse avec presque tous les autres ? Je ne pouvais pas m'empêcher de penser encore une fois qu'elle cachait quelque chose...

- Liana... Est-ce que tu sais pourquoi Ella est devenue comme ça ? demandai-je à la jeune fille une fois au réfectoire, la pause-midi enfin arrivée.