4 - Rachel - Noémie

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J'avais survécu. J'avais survécu à ma première journée en temps que Marquée.

J'avais passé mon temps à éviter tout contact visuel ou physique avec quiconque, ce qui était bien une occupation à plein temps. J'étais terrifiée à l'idée que le pansement à mon poignet se détache ou que la manche de ma veste d'uniforme se relève suffisamment pour quelqu'un puisse le voir et me pose des questions à propos de ma soi-disant blessure. J'étais malheureusement une terrible, pitoyable menteuse.

Sitôt rentrée chez moi, après deux heures de sport pendant lesquelles j'avais fait de mon mieux pour me faire oublier, j'étais montée dans ma chambre en évitant ma mère déjà de retour de son travail. La route de l'Académie à ma maison, réalisée en bus et en compagnie de ma sœur, avait été d'un silence oppressant.

Évidemment, j'avais l'habitude de la discrétion d'Octavia, bien que ça ne ressemblait pas beaucoup à celle que j'avais connue et que je considérais avant comme la personne dont j'étais la plus proche. Mais généralement, bien que sachant précisément qu'il y avait très peu de chance qu'elle me réponde ou même qu'elle me regarde, je lui parlais, lui racontais ma journée, mes petits soucis d'adolescente à l'Académie. Ce jour-là, je n'avais même pas eu le courage d'essayer. La peur qui m'avait poursuivie toute la journée me nouait les entrailles et faisait trembler incontrôlablement mes membres.

J'avais beau me trouver moi-même ridicule, j'étais absolument incapable de me calmer. Comme pour me rappeler l'objet de mon angoisse, le sparadrap à mon poignet n'avait cessé de me démanger horriblement sans interruption.

Une fois de retour à l'étage et certaine que je ne serais pas dérangée ni par ma sœur qui faisait des devoirs de droit, ni par ma mère qui se trouvait affalée devant une émission télévisée abrutissante après sa longue journée, je m'enfermai dans la salle de bain de l'étage et tirai doucement sur le pansement pour le décrocher sans trop abimer mon poignet déjà endolori.

La vision de la Marque, bien que je m'y attendais, me fit rater un battement de cœur.

Une fois que je me fus plus ou moins habituée à l'idée que cette tâche bleue, qui aurait pu n'être rien d'autre que de l'encre, n'allait définitivement pas disparaître, je me rendis compte qu'elle avait légèrement grossi au cours de la matinée. Sa forme d'origine indéterminable, semblait s'être divisée en deux parties claires qu'une tige plus sombre séparait en deux. Je caressai du pouce le dessin en essayant de comprendre ce qu'il pouvait bien représenter, sans y parvenir.

Une sensation quoique subtile mais également très désagréable de brûlure, irradiait depuis l'endroit où cette stupide Marque avait pris racine dans ma chair. Je me demandai si c'était normal. Après tout, je n'avais jamais eu l'occasion de parler à un autre dégénéré, ils étaient tous arrêtés ou réduits à l'état de zombie à la façon de ma sœur. La précarité de ma nouvelle situation me fit encore une fois frissonner incontrôlablement.

Devrais-je me rendre ? Cela me sauverait-il de la folie meurtrière qui m'attendait à coup sûr ?

Je ne voulais pas perdre mon humanité et devenir dangereuse. Mais je ne voulais pas non plus finir comme Octavia, ma sœur, mon amie qui semblait avoir perdu sa vivacité au point de ne même plus me reconnaître.

Quelqu'un de courageux aurait sans doute trouvé la force de faire ce qu'il fallait pour la sécurité de ses proches. Mais malheureusement, je ne l'étais pas. Je n'étais qu'une pauvre adolescente comme il y en a tant d'autres à travers la Cité, perdue et égoïste. Je ne voulais pas mourir. J'étais terrifiée.

Je sortis précipitamment de la salle de bain pour me diriger vers ma chambre, dans laquelle je m'enfermai. Je savais que la clé n'était là que pour décorer, la volonté même de s'isoler témoignait d'une déviance. Mais tant pis si quelqu'un pouvait me trahir, en ce moment je n'avais plus besoin que d'une chose : être seule.

MarquésWhere stories live. Discover now