47 - Dany - Personnes civilisées

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Je tournai en rond comme un lion en cage depuis ce qui me semblait des heures.

Il fallait dire que je n'avais pas une très bonne perception du temps quand j'étais inactif. Et je haïssais l'être.

- Arrête ça, Dany, soupira Rachel sans daigner relever la tête de sa page noircie. Tu me déconcentres !

J'avais depuis longtemps cessé de lutter contre le surnom ridicule qu'elle me donnait, même si je n'arrivais pas à l'apprécier. Il allait bien falloir qu'un jour elle finisse par comprendre que je n'avais plus rien en commun avec le Daniel de mon enfance, celui de ses histoires...

- J'en ai marre de rester enfermé ici, grommelai-je sans cesser mes sempiternels et inutiles pas dans la pièce.

- Si tu me laisses travailler tranquillement, on sortira d'ici plus vite, me réprimanda la jeune fille.

Avec lassitude et un soupir exagéré, je m'arrêtai pour la contempler.

Assise sur le bord du lit avec ses feuilles éparpillées tout autour, sur ses genoux, à terre, sur la couette, on aurait dit une sirène au milieu de l'océan. Son stylo grattait le papier à une vitesse irréelle.

- Plus d'encre, souffla-t-elle avec lassitude en l'agitant.

Je l'échangeai dans sa main avec un neuf d'une simple pensée, et elle me remercia d'un regard avant de se replonger dans ses écrits. J'avais beau téléporter régulièrement le matériel qui lui était nécessaire, elle en venait à bout très sans peine.

Son front était plissé de concentration, à demi caché sous une mèche de cheveux qui s'était échappée de sa queue de cheval faite à la vas-vite. Des cernes soulignaient ses beaux yeux pâles, mais pourtant... Je ne pus m'empêcher de constater qu'elle était jolie, quand on regardait bien.

Dire qu'elle ne m'avait pas manqué aurait été un affreux mensonge, et même si je détestais être dépendant de quelqu'un, je devais avouer que le simple fait de la savoir là, en sécurité, avec moi, me donnait l'impression de reprendre mon souffle après une longue apnée.

Je ne pus m'empêcher de sourire quand, lâchant sa page et son stylo, elle s'étala les bras en croix en soupirant sur le lit. Des craquements accompagnèrent son mouvement, plaintes agonisantes des feuilles étalées là.

- Rachel ? ricanai-je.

Elle répondit par un grognement digne d'un grizzli.

Sans vraiment y réfléchir, je me téléportai juste au-dessus d'elle, mes deux mains s'appuyant de chaque côté de son visage. Ses yeux s'écarquillèrent.

- Dany ? Qu'est-ce que...

- Quand est-ce qu'on pourra y aller ?

Le rouge lui monta au joues, ce qui ne fit qu'accentuer mon sourire.

- Je te dirai quand tu me laisseras partir, grommela-t-elle en détournant le regard.

La proximité semblait la gêner. Mais comme ce n'était pas mon cas, je n'entamais pas le moindre mouvement.

- Mais je bougerai quand tu m'auras répondu, chérie.

- C'est presque bon, d'ici une page ou deux, je cherche juste la fin de la conversation et c'est tout. Mais tu m'écrases, espèce de cachalot.

Ma bouche s'ouvrit de surprise tandis que je la regardai avec incrédulité. Malgré tout, la vague de colère à laquelle je m'attendais ne vint jamais. En fait, sa remarque me fit presque sourire.

MarquésWhere stories live. Discover now