Marqués

14 - Newt - Quentyn

L'avant-dernier sous-sol était beaucoup moins silencieux que l'étage du dessus.

La plupart des portes avaient été projetées sur le sol, preuve du passage de Blake, terrorisant les Marqués hagards. Après une brève interrogation, nous avions appris que la majorité était là depuis plusieurs années. Leurs pouvoirs étaient bloqués par des médicaments et perfusions, mais l'infirmière qui servait d'otage à Ella avait affirmé que les dons réapparaissaient rapidement dès que le traitement était cessé. Et en effet, quelques uns commençaient déjà à récupérer leurs capacités.

Après avoir assez facilement mis les infirmiers et quelques gardes qu'il restait hors de course, nous avions rassemblé les prisonniers dans une salle qui semblait être celle de détente du personnel. Elle était la plus grande que nous avions trouvé, et comportait des fauteuils, des chaises et des tables, ainsi qu'un réfrigérateur. L'âge des captifs variait de douze ans à une soixantaine, mais d'après eux la majorité ne vivait pas si longtemps. Certains étaient couverts de marques de piqûres, d'autres avaient perdu la vue ou la voix ou n'étaient plus capables de marcher suites aux expériences qu'on leur faisait subir.

Comment pouvait-on traiter des êtres humains ainsi ? Ella me donna son avis après que la question m'ait échappé dans un soupir.

- Le gouvernement ne nous considère pas comme des humains. C'est pour ça que la Société a été créée : c'est un refuge pour nous.

- Mais pourquoi n'avez-vous jamais attaqué l'Infirmerie si vous saviez ce qui s'y passait ? l'interrogeai-je avec amertume même si je ne m'attendais pas trop à ce qu'elle continue à être aussi ouverte très longtemps.

- À cause des bloqueurs d'Habilité, soupira-t-elle à mon étonnement. Sans le pouvoir de Blake qui a permis de les téléporter, nous étions vulnérable. Ils sont difficiles à détruire en sécurité et génèrent un champ de force invisible qui empêche les Marqués d'utiliser leurs pouvoirs à part dans certaines salles particulières. Blake semble avoir une portée suffisante pour rester à l'extérieur et les déplacer loin d'ici. Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle ou pas, mais au moins nous avons pu rentrer.

Nous étions debout dans un coin de la pièce, observant un par un les nouveaux arrivants. De temps en temps, l'un d'eux venait nous remercier. En fin de compte nous n'étions pas pour grand chose dans leur libération, mais passons.

En tout cas, ils semblaient préférer venir me voir qu'Ella, et je ne pouvais pas leur en vouloir. Même si elle avait supprimé les multiples copies d'elle-même en arrivant dans la salle, elle restait effrayante. Je n'étais apparemment pas le seul à la trouver clairement déséquilibrée. Mais je devais toutefois avouer que beaucoup la regardaient, sans doute parce qu'elle était si belle pour son âge.

- Le seul problème est que nous n'avons pas averti la Société, poursuivit la jeune fille en jouant avec son pistolet, sans doute plus pour elle-même que pour moi. Si nous l'avions fait nous n'aurions pas eu le temps d'entrer après Blake. Mais ça aurait été très utile d'avoir des renforts.

- Je trouve que ça ne s'est pas passé trop mal.

En réalité je ne l'écoutais pas vraiment, trop occupé à scanner la petite foule en espérant apercevoir Rachel où ma mère. Je n'étais même pas certain de reconnaître cette dernière, vu l'état dans lequel se trouvaient ceux qui étaient là depuis longtemps. Pouvait-elle être morte ? Non, c'était impossible. Je ne pouvais pas y croire.

- Tu es vraiment bête ou tu le fais exprès ? grommela Ella sans me regarder. Nous n'avons fait que le plus simple. Le plus difficile sera de sortir vivants avec tout ce peuple. En plus, le gouvernement aura ramené toute sa puissance militaire dans le bâtiment d'ici qu'on soit prêts à partir.