35 - Dany - Vulnérable

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Le temps s'étirait comme un élastique.

Mon regard ne pouvait s'empêcher malgré toute ma volonté de dévier sans cesse vers l'assiette et le pichet qui trainaient près de la porte. Qui me narguaient depuis de longues minutes, ou peut-être des heures, au fond je n'en savais plus rien.

Je haïssais la faim. Tout comme le sommeil, on ne pouvait s'en défaire. Elle était inutile, nous faisait perdre énormément de temps en général, et nous faisait souffrir.

Comme à ce moment.

Je finis, en soupirant, par céder et dévorer le contenu avant de lancer les récipients s'exploser contre le mur de ma cellule.

Ces imbéciles pouvait m'enfermer tant qu'il voulaient, ils ne gagneraient jamais contre moi. Tout simplement parce que je ne me laisserais pas faire.

Ils avaient fait une grossière erreur... Et j'allais la leur faire payer.

Une nouvelle fois, je tendis le bras devant moi pour arracher la lourde porte blindée de ses gonds. Mais une nouvelle fois, rien ne se passa.

Je laissai m'échapper un cri de rage en me laissant tomber sur le sol. Sur ma main et mon poignet, ma fidèle Marque me démangeait atrocement.

Ma Marque... Je l'avais depuis tellement de temps que j'avais l'impression qu'elle me définissait. Au fond, je n'étais que mon Habilité. De la puissance à l'état le plus brut. Comment étaient-ils capable de m'enlever ça ?

J'avais tellement rêvé de mon arrivée dans cette ignoble Société... Les bâtiments qui s'effondraient. Les hurlements. La terreur des Sylvains.

Cette terreur que je sentais vivre sous mes doigts quand d'un mouvement de ceux-ci je prenais une vie.

J'étais défini par ma puissance. J'étais elle, j'étais la mort, la peur. Mais on me l'avait volée. Alors qu'étais-je à présent ? Une simple coque vide ?

Mes pensées devièrent sans que je m'en rende compte sur Rachel.

Rachel.

J'étais même incapable de dire ce que ce mot m'évoquait. Quelque chose comme un livre fermé, à la couverture ternie à force d'être ignoré.

Un livre comme on en trouvait des centaines dans une bibliothèque, et auquel on ne jetterait pas même un coup d'œil.

Mais quand on prenait la peine de l'ouvrir et de s'y intéresser, on se rendait compte qu'il n'avait rien de banal.

Au début je l'avais prise pour quelqu'un de faible, de lâche et d'égoïste, comme tous les Citadins et Marqués. Mais je m'étais trompé. Pour une fois dans ma vie, je devais bien l'avouer.

Parce qu'elle était quelqu'un de passionné. Je le lisais dans ses yeux et sur ses lèvres quand elle parlait de ses bouquins. Quand elle me regardait.

Pourquoi me regardait-elle ainsi ? Comme si j'étais quelque chose de rare et précieux. Et pas un monstre. L'être ne me dérangeait pas et je l'assumais pleinement, mais pourtant cette lueur dans les yeux de la jeune fille me donnait l'impression d'être... je ne sais pas, moins seul. Moins incompris.

Où était-elle à présent ? L'avaient-ils elle-aussi enfermée ? À moins qu'elle ne soit avec ce type blond ?

J'étais fou d'avoir osé penser qu'elle serait en sécurité ici, après tout ce qu'ils avaient fait.

Si comme à Noémie ils voulaient faire du mal à Rachel, je les traquerais jusqu'au dernier et jusqu'à la mort.

Soudain un crissement me fit relever les yeux. La porte s'ouvrait, et j'aurais sans doute pu essayer de m'enfuir. Mais quand je vis qui se tenait dans l'embrasure, le choc me cloua sur place.

MarquésWhere stories live. Discover now