Retour de vacances

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Et pas n'importe quel retour de vacances.

On avait déjà vu les retours de stage sur une bonne grosse évaluation. Fin de stage, retour à l'IFPM et bam ! une évaluation. Là, on a affaire à un autre type de retour : revenir de vacances pour partir directement en stage.

Bon, c'était prévu, de toute façon, avec l'organisation des vacances. Une première moitié de la promo partait en vacances pendant que la seconde était en stage, puis la seconde moitié partait en vacances pendant que la première revenait pour partir en stage.

Me voilà donc, retour en fanfare, et pas dans n'importe quel service : la psychiatrie adulte.

Et pourtant, j'ai bien cru ce stage mal parti.

Il est de coutume, et c'est même une démarche obligatoire, de prendre contact avec son terrain de stage une à deux semaines avant le début du stage. Ça permet de confirmer sa venue et d'obtenir quelques informations, comme l'heure d'arrivée, la personne à aller voir, s'il y a une cantine ou s'il faut amener sa gamelle, prévoir un cadenas pour le casier, et autres nécessités.

J'ai appelé mon terrain de stage, et déjà, ça ne l'a pas fait : le numéro du service qu'on m'avait donné était celui de l'IFPM. J'ai eu au téléphone une dame très surprise qui a dû me réorienter vers le standard. Et quand, enfin, j'ai eu le service au téléphone, la cadre de santé est tombée de haut... car elle n'avait aucun document à mon nom. Non, aucun. Elle avait les infos sur d'autres stagiaires, mais rien sur moi. Qu'à la fin, elle m'a quand même dit de venir le premier jour à 9h30, de la demander, et qu'ils verraient alors où j'étais affectée.

Bon, l'histoire s'est bien terminée. Quand je suis finalement arrivée le premier jour, ils avaient toutes les informations sur moi, et savaient où je devais aller.

Le service n'est pas grand. Il y a en tout dix-sept patients. Mais ce n'est pas comme un service hospitalier classique, où la promiscuité n'est pas un problème. Ici, dans un service où les esprits peuvent partir dans tous les sens à n'importe quel moment, il est bon de baisser la proportion de patients au mètre-carré.

Les patients ne ressemblent pas du tout à l'idée que je m'étais faite d'eux. Non pas que je m'attendais à tomber sur des fous-furieux qui allaient chercher à m'attaquer avec une cuillère en plastique, bien au contraire, mais je pensais tomber sur des patients que, par barbarisme, je pourrais qualifier de "normaux". Genre, dépressif, phobique, peut-être un trouble du comportement mais, somme toute gardée, des patients un peu plus orientés et cohérents. Il y en a quelques uns, ils sont tout-à-fait capables de tenir une conversation, mais leur état mental transparaît presque dans les traits de leur visage, leur intonation. Et il y en a d'autres, bien que ancrés dans la réalité,... comment dire ? Un néophyte, une personne qui ne saurait pas plus que ça, emploierait bien volontiers le terme très cru de "gogol", ou de "gaga". C'est assez perturbant, honnêtement. On se demande quelle pathologie mentale a pu les mettre dans cet état.

Mais il reste bon de ne pas les sous-estimer. L'un d'eux, une jeune fille de 19 ans (j'étais choquée quand j'ai su son âge, elle en fait facilement 10 de plus) me l'a fait comprendre assez vite. Elle fait partie de ces patients un peu "gaga", il lui faut plusieurs essais pour formuler une phrase et rit parfois de ses propres propos. Elle est surtout très curieuse. Une nouvelle tête, elle a bien évidemment voulu tout savoir de moi. Et elle était particulièrement intriguée par un tatouage sur mon bras. La citation étant en anglais, elle a naturellement demandé ce que ça voulait dire. N'ayant pas le temps de lui expliquer, et ennuyée par sa question, j'ai balancé un bobard, comme quoi c'était "L'amour ne meurt jamais", et je m'en étais tenue à ça. Plus tard, cette même patiente a saisi mon bras pour revoir mon tatouage, et m'a dit que je lui avais menti. J'ai très vite compris que, 1) elle avait de la mémoire, 2) elle connaissait suffisamment d'anglais pour comprendre que mon tatouage ne voulait pas du tout dire ce que je lui avais dit. Plus tard, dans la semaine, c'est à moi qu'elle demande le nom de la maladie "où on a des hypoglycémies". Grand moment de silence. Le seul moment et le seul endroit où j'ai évoqué mon diabète, c'est pour en informer les infirmières, dans la salle de repos des soignants. De toute évidence, cette jeune personne a les oreilles qui trainent...

Leçon du jour n°1 : ils sont peut-être malades, mais ils sont pas cons.

Prendre en charge un patient psy est très différent de tout ce que j'ai pu voir. Ils sont autonomes, ce qui exclut les aides à la toilette est aux repas. Il s'agit, principalement, de prise en charge relationnelle. Ça ne change pas trop du sanatorium de Bligny, pour cet aspect, mais il faut également composer avec leur mental qui ne pense pas forcément comme celui d'un patient sain d'esprit. Ce sont des patients qui ont énormément besoin d'être recadrés, il faut souvent leur rappeler les bases de la vie en communauté, et surtout leur rappeler de se laver.

Heureusement, j'ai une référente formidable. Elle a 17 ans de service, dont 10 ans comme AS. Autant dire qu'elle est rompue au travail. On partage certains traits, elle et moi, notamment cette passion pour le rangement. Toutes les deux, on adore ranger. Elle est carrée, compétente, partageuse de ses connaissances. Il y a également une ASH (Agent de Service Hospitalier, ce qu'on appelle vulgairement la "femme de ménage"), qui m'a régulièrement donné des tuyaux, notamment pour occuper les temps morts. Et puis cette autre ASH, dont la bonne humeur est telle qu'elle se suffit à elle toute seule.

Il n'y a pas grand-chose à faire, dans ce service. Comme à Bligny, le plus gros du travail va aux infirmières, et les temps morts sont nombreux. Mais l'équipe du matin a l'avantage d'avoir plus à faire que celle de l'après-midi. Et l'équipe d'après-midi, ce sera mes horaires de la semaine prochaine. Le temps va être très long...

Journal D'une Elève Aide-Soignante [TERMINÉ]Where stories live. Discover now