Revenir en cours...

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Je vais être honnête, ça a été une drôle de semaine. Le genre de semaine, on ne sait pas si c'est une semaine de cours ou un bouche-trou. Parce que, une seule semaine de cours entre deux stages, on se demande presque à quoi ça sert.

Bon, je ne vais pas être mauvaise langue, on a quand même eu quelques cours magistraux. Mais on a aussi eu beaucoup de rappels d'anciens cours, qui ont été mis en parallèle avec nos stages. Dans le genre, on devait reprendre nos cours théoriques sur l'hygiène, et les confronter à ce qu'on a vu et fait en stage. Force est de constater qu'il y a souvent un large fossé entre théorie scolaire et pratique professionnelle. Comme, par exemple, la mauvaise quantité de détergent diluée dans la mauvaise quantité d'eau (un classique), de la solution hydro-alcoolique destinée aux mains et utilisée pour nettoyer une table, du produit WC dilué pour déterger une chambre, ou alors, le même mélange détergent utilisé d'une chambre à une autre. La seule chose qui me rassure, c'est qu'à l'exception des erreurs de dilutions, ça reste des pratiques isolées. Il n'empêche qu'elles existent, s'il y a des gens pour le faire.

La semaine, néanmoins, a été marquée par trois évènements marquants.

D'abord, mardi, nous avons quitté les murs de l'institut pour visiter un Centre d'Information et de Conseil sur les Aides Techniques. En gros, c'est un centre dédié au handicap et à l'autonomie. Des ergothérapeutes sont là pour étudier les situations de handicap et suggérer des solutions. Ce ne sont pas des commerçants, ils ne vendent aucun produit. Mais les personnes qui le souhaitent peuvent prendre rendez-vous, expliquer la nature de leur perte d'autonomie, et se voir évaluer et proposer des moyens de compensation. Tous les handicaps physiques sont représentés : moteurs, visuels, auditifs. Notre cadre formatrice nous y a programmé une visite guidée car, dit-elle, en tant qu'aide-soignants, il est également de notre responsabilité d'orienter les patients sur leurs possibilités et les personnes qu'ils peuvent rencontrer pour les aider.
Le premier truc qu'on nous a appris, c'est de ne jamais faire confiance aux produits vus à la télévision. Vous savez, ces publicités vantant ces baignoires avec une petite portière, ou ces fauteuil élévateurs pour monter les escaliers ? C'est ce qui fait grincer les dents de tout ergothérapeute qui se respecte.
Que je vous explique la différence entre un ergonome et un ergothérapeute. Un ergonome agit principalement dans le cadre professionnel. Il améliore les situations et la tâche de travail. En gros, il facilite l'exécution des tâches et améliore le rendement. Ce sont généralement les ergonomes qui imagineront le design de vos fauteuils de bureau, souris d'ordinateur, oreillers et autres. Ce sont également des ergonomes qui imagineront nos fameuses baignoires à portière et nos fauteuils ascenseurs. Un ergonome, certes, est attentif à l'ergonomie, mais ce sont avant tout des produits destinés à être vendus au plus grand nombre, leur ergonomie reste donc très générique. Et très souvent, la porte de la baignoire fuit ou s'ouvre du mauvais côté.
Un ergothérapeute, lui, c'est un thérapeute. Son souci majeur est le soin. Il va donc prendre la personne dans son individualité et lui proposer du sur-mesure en fonction de ses capacités, de ses limites, et de son environnement. C'est une approche globale de la personne. Par exemple : vous avez besoin d'un fauteuil roulant. En pharmacie, on vous demandera : "quelle est votre taille de pantalon ?". Un ergothérapeute tiendra compte non seulement de votre taille et de votre poids, mais aussi de vos capacités et de vos limites, de votre environnement, de l'usage que vous en ferez. Pourrez-vous tourner les roues seul ou faut-il une commande électrique ? Largeur des portes ? Fauteuil pour l'intérieur uniquement, ou aussi pour l'extérieur ? Pour quelle distance moyenne ? En fonction des réponses, la solution proposée sera différente.
La visite était vraiment intéressante. Notre guide nous a montré des produits qu'on ne savait même pas existaient, et d'autres qu'on connaissait déjà. Elle nous montre une brosse en nous demandant ce que c'est. Bah, c'est une brosse pour la vaisselle, avec un réservoir pour le savon, que je répond. On trouve ça au supermarché. J'avoue avoir un peu cassé son délire, à la dame. Alors qu'on parlait du braille, elle me dit de fermer les yeux et me glisse une carte de jeu sous les doigts en me demandant le nombre de points et leur disposition. Il ne m'a pas fallu longtemps pour identifier trois points en diagonale. Ma réponse l'a douchée, elle n'avait jamais vu quelqu'un trouver la réponse du premier coup, même si je ne sais toujours pas à quoi ça correspond, je ne l'ai pas trouvé dans l'alphabet braille. Le plus approchant est le "L" en trois points verticaux.
Le plus chouette, dans cette journée, ça a été l'après-midi. Parce qu'à la sortie de la visite, la cadre formatrice nous a libéré de nos cours. On était censées avoir un cours magistral sur les règles et la réglementation du port de charge, à la place, on a été manger au Pizza Del Arte. Une des filles nous a fait un coup pas possible, en secouant sa bouteille de jus sans s'être rendue compte que la serveuse l'avait ouverte. C'était du jus de tomate. Dieu merci, j'ai évité le déluge, mais la table avait des airs de scène de crime. 

Moins drôle, jeudi et vendredi, ça a été les "évaluations formatives". En gros, des examens blancs, avant les "évaluations normatives". Jeudi, on a eu celle sur le module 1 d'accompagnement de la personne ; et vendredi, on a eu celle sur le module 6 d'hygiène. J'avais à-peine révisé, tout juste bachoté mes cours la veille au soir. On a eu des tas de questions diverses, les besoins de Virginia Henderson, les grandes principes de la loi du 4 mars 2002, la définition de l'indépendance, la différence entre asepsie et antisepsie, les protocoles d'Accident d'Exposition au Sang, les infections nosocomiales...
En fait, on a eu l'évaluation en condition d'examen (juste un stylo et du tipex sur la table, temps chronométré), puis les copies ont été mélangées et redistribuées, et on a fait la correction ensemble. On s'est retrouvées à noter la copie d'une autre. Pour le module 1, j'ai hérité d'un 11/20 ; pour le module 6, j'ai eu la note honorable de 16,5/20 ! Pour quelqu'un qui a à peine révisé, je m'en sors bien. Mais si, pour le module 6, le mérite revient à un camarade, Mathieu, qui nous a fait réviser au dernier moment des sujets qui sont justement tombés. Merci, Mathieu !

Puis la semaine s'est achevée en beauté, avec le pot de départ d'une de nos cadres formatrice. Début avril, alors que l'on sera en stage, elle part en retraite. Elle a donc programmé un goûter, histoire de passer agréablement notre dernière heure avec elle.
Oh, non pas qu'on l'ignorait, bien au contraire. On avait été prévenues dès le début, qu'elle partait en cours d'année. Et comme nous avons eu l'après-midi de disponible, nous n'avons rien eu de plus pressé que d'aller faire quelques emplettes. Car la laisser partir sans lui faire un cadeau de départ ? Quelle idée !
Et pourtant, il a fallu des forceps pour démêler l'écheveau d'idées qu'on a pu avoir. A la fin, nous n'en avons gardé que cinq, dont un cadeau "pourri". Vous savez, le cadeau complètement nul qu'on offre en premier, avant d'offrir le super cadeau. Elle a donc eu un beau bouquet de fleurs avec une carte de voeux géante sur laquelle tout le monde a mis un petit mot. Puis elle a eu le cadeau "pourri" qui consistait en une boîte de mouchoirs. C'est l'une d'entre nous qui a eu l'idée un peu la veille au soir, avec l'idée que ça lui servirait pour pleurer un coup. Ensuite, elle a eu un mug à son effigie, une des filles avait réussi à la prendre en photo sous un prétexte fallacieux. Et enfin, elle a reçu une box pour un séjour bien-être, elle qui parlait justement de s'offrir ce luxe. On s'était toutes cotisées, et laissez-moi vous dire que le paquet de mouchoirs lui a servi. Elle était très émue, et très contente. Elle a affirmé partir en retraite sur une excellente promo AS, et que rien ne lui faisait plus plaisir que de partir sur une bonne note.

Bon, on la reverra, notre formatrice. A la fin du mois, on a un jour de retour à l'institut, où elle sera présente. L'occasion de lui faire un dernier au-revoir.

En attendant, lundi, je vais devoir me préparer. Un nouveau stage de quatre semaines, en Ehpad.

Journal D'une Elève Aide-Soignante [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant