2ème semaine !

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Quand on nous disait, la semaine dernière qu'on allait "entrer dans le vif du sujet", j'ai un peu eu la trouille, pour être honnête. Je me suis fait toutes sortes de films. Comme, par exemple, la charge de travail allait augmenter, on allait avoir des devoirs, bref, j'ai spontanément pensé en terme de contenant. Mais pas en terme de contenu.

Parce que cette semaine, on a eu nos premiers Travaux Pratiques. Et c'est là qu'on comprend l'utilité des cours sur l'anatomie et l'ergonomie. Car il ne s'agit pas seulement de celles des patients, mais également des nôtres.

L'ergonomie, qu'est-ce que c'est ? Tout d'abord, c'est le sujet du module 4 de la formation. Oui, je sais, étudier le module 4 en même temps que le module 1, ça fait un peu bizarre, mais avec l'approche des stages, l'ergonomie est une notion qu'une aide-soignante ne peut pas se permettre d'attendre d'apprendre.

Ce qu'on appelle l'ergonomie, en général, c'est l'adaptabilité au corps humain. Vous avez forcément entendu parler de "chaise ergonomique", "oreiller ergonomique", "souris d'ordinateur ergonomique". Ce sont des produits dont le design a été pensé pour épouser la forme du corps et favoriser le confort d'utilisation.

En soin, l'ergonomie est un notion un peu différente. Le concept reste le même, mais pas son exécution. Ici, l'ergonomie se retrouve dans l'usage qu'un soignant fait de son corps au cours de ses missions professionnelles. D'où l'importance de l'anatomie. Car dans le cas présent, l'ergonomie, c'est la posture. 

Le dos d'un soignant est sollicité en permanence. A la posture debout tout le long de la journée, s'ajoutent les dizaines de manipulations qu'un soignant est amené à effectuer au cours d'une seule journée : déplacer un lit d'hôpital, recentrer un patient dans son lit, rehausser un patient dans son lit, retourner un patient dans son lit, rehausser un patient au fauteuil, aide à la marche... Sans ergonomie, ce sont vos malheureuses vertèbres qui en paient le prix. Il n'est pas rare de voir des aides-soignant(e)s et des infirmier(e)s, après 10 ans de métier, déclarer des lombalgies, des hernies ou des fissures discales.

D'où l'importance de l'ergonomie. Le but est d'apprendre à positionner son corps pour préserver au maximum son intégrité physique, et plus particulièrement vertébrale. Et comment on apprend l'ergonomie ? Avec des TPs, pardi. 

Vous prenez un lit d'hôpital (les IFPM sont toujours équipés en matériel hospitalier. Si le vôtre ne l'est pas, posez-vous des questions), un mannequin (que je vous déconseille d'abimer, car coûtant la petite bagatelle de 5000 euros...) ou un camarade de promo (que je vous déconseille d'abimer tout autant), et sous la direction de la formatrice, vous apprenez à placer vos jambes, votre dos, votre tête, vos bras, votre corps tout entier dans l'exécution d'une manipulation de patient alité.

Et c'est là qu'on voit à quel point les concepteurs de matériel hospitalier ont pensé à tout. C'est juste dément. Prenez le lit d'hôpital, par exemple. C'est ce qu'on appelle un "lit à hauteur variable". Ca veut dire que vous avez une télécommande, et vous pouvez le faire monter ou descendre. Vous pouvez redresser le buste ou les jambes, ou les deux en même temps. Vous pouvez incliner le lit, vers l'avant ou vers l'arrière. Monté sur roues, vous pouvez le déplacer. Equipé d'un frein, vous pouvez l'immobiliser. En un mot comme en cent, vous n'avez pas la moindre excuse, si vous avez mal au dos. C'est juste que vous vous y prenez comme un manche.

En revanche, et c'est là l'inconvénient de l'ergonomie, comme on cherche à économiser son dos, et par extension, ses bras, qu'est-ce qui travaille ? Les jambes !

Eh oui, ça n'en a pas l'air, mais en ergo, on fait des squats ! Oui, ces fameuses flexions de jambes, pour muscler les quadriceps et les fessiers. Comme on ne peut pas tirer sur les bras (tractions sur les vertèbres garanties), on pousse et on tire sur les jambes. On avait l'air très fins, les premiers cours, à faire nos échauffements : flexion, fente avant, fente arrière, fente latérale droite et gauche, le tout en veillant à garder le bassin au même niveau. Ca m'a rappelé le temps où je faisais de l'escrime.

Car si une manipulation est correctement exécutée, vos bras sentent à peine qu'ils bougent. Dans l'absolu, ils deviennent plus des "rails" sur lesquels le corps du patient va reposer, pendant que les jambes font le gros du travail.

C'est au cours de ces TPs que j'ai gravé dans ma mémoire ce que j'ai appelé le principe "SSH". "Stabilité", "Sécurité", "Hauteur". Le premier truc à faire quand on veut manipuler un patient dans son lit. "Stabilité" ? Vérifier que le frein du lit est bien mis, ne pas hésiter à bouger un peu le lit pour s'en assurer. "Sécurité" ? Sécuriser le patient en redressant les barrières latérales. "Hauteur" ? Monter le lit à sa hauteur, au niveau du bassin. Rien que ça, on a fait une bonne partie du travail.

Et cette ergonomie, elle ne sert pas qu'à recentrer/retourner/rehausser des patients. Elle peut servir aussi, par exemple, à la réfection des lits. Eh oui, là encore, faire un lit d'hôpital, c'est tout un art. Par exemple, vous savez, cette façon qu'on a de secouer ses draps en faisant le lit, en humant avec délice cette bonne odeur de propre ? Dans un hôpital, vous oubliez. Il ne faut pas secouer les draps, pour éviter la propagation des germes présents dans la chambre. Il est également recommandé de faire un côté du lit en premier, avant de finir par l'autre côté. Ca veut dire enfiler alèse, drap housse, drap plat d'un coup d'un côté, pour ne pas faire quinze fois le tour du lit. Et quand le patient est dans le lit (si, si, ça existe), vous avez non seulement les méthodes de réfection de lit, mais aussi celles de manipulations du patient, qu'il vous faudra retourner d'un côté, puis d'un autre. Ergonomie, encore et toujours.

Et cette ergonomie, vous la retrouvez également... dans la toilette du patient. Oui, l'une des missions de l'aide-soignante, c'est la toilette, si le patient n'a pas la capacité physique ou psychologique de la faire lui-même. Toilette au lavabo, toilette à la douche, toilette au lit, toilette... intime. Et là, je vous vois grimacer à des kilomètres. Mais ça fait partie du travail : toiletter le patient, y compris ses parties intimes. Ca a d'ailleurs été le sujet du premier cours qu'on ait eu sur la toilette du patient. "Entrer dans le vif du sujet", qu'ils disaient... Il a donc fallu regarder, et assimiler, la toilette intime expliquée sur un mannequin. Comment on commence par le pubis, puis l'angle des cuisses. Comment, chez les femmes, on nettoie les grandes lèvres puis les petites lèvres. Comment, chez les hommes, on nettoie les testicules, la verge, le gland, en faisant bien attention à le recalotter. Puis les fesses, en n'oubliant pas la raie médiane... Imaginez toiletter votre patient tout crotté. Et à en juger par la réaction de l'intervenante, ça arrive plus souvent qu'on ne le pense.

Dieu merci, on l'apprend assez vite, il existe des parades à la manipulation manuelle d'un patient : alèse de glisse, lève-malade, porte-malade, la fonction redresse-buste du lit, il ne faut pas hésiter à user - et abuser - des alternatives. Un patient est alité, mais peut se redresser/se retourner seul ? Ce qu'un patient peut faire est toujours quelque chose que vous n'aurez pas à faire vous-même. Dans l'absolu, l'y encourager. Le rôle d'une aide-soignante n'est pas de remplacer les capacités d'un patient, mais d'aider le patient à retrouver son autonomie. Dans le cas d'un patient inconscient, tétraplégique, ou intubé/ventilé/sédaté, la question ne se pose même pas. Mais si votre patient est conscient, n'hésitez pas à tirer profit de ce qu'il peut exécuter lui-même, ne serait-ce que se débarbouiller le visage. Un jour, il peut laver son visage, un autre, il peut laver son torse. Les progrès appellent les progrès, c'est une formidable source de motivation pour un patient, et une formidable source de fierté pour un soignant. L'inaction favorise l'atrophie des muscles, et le but d'une hospitalisation, c'est que le patient puisse rentrer chez lui, en ayant retrouvé au mieux ses capacités dans les gestes de la vie quotidienne. 

Journal D'une Elève Aide-Soignante [TERMINÉ]जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें