Chapitre 43 - Partie 2/2

36 7 0
                                    

11 appels. 11 fois j'étais tombé sur la messagerie. Elle ne voulait pas me parler, pouvais-je lui en vouloir pour ça ? Certainement pas. Mais je le faisais. Je lui en voulais. Je m'en voulais. J'en voulais à Julia. J'en voulais au monde entier de cette situation dans laquelle j'étais incapable d'avancer. J'y étais bloquée et son absence empirait le tout. J'avais pris sur moi, j'avais passé des nuits sans dormir et j'avais décidé de l'appeler près de deux semaines après, tombant sans cesse sur sa messagerie. Nous étions la veille de Noël et j'étais seul chez moi, à tourner en boucle dans mon appartement. Je n'avais pas eu la tête à grand-chose et pourtant, j'avais acheté deux cadeaux : un pour mon père et un pour Aly. Tout dans mon comportement était contradictoire et moi-même je n'y comprenais plus rien. Mais j'étais seul et ce soir-là, j'en souffrais. Et elle ne répondait pas. Ouvrant une autre bouteille de bière, je tentais à nouveau de l'appeler et tombai à nouveau sur la messagerie. Je n'avais pas de nouvelles de Julia depuis sa visite au garage deux semaines plus tôt. Je n'en avais pas beaucoup plus de Guillaume, Simon ou Ariana. Je me contentais de répondre aux SMS de mon père pour qu'il me laisse un peu tranquille. Pourtant, j'avais pris le soin de lui acheter un cadeau, plus pour le geste que par utilité : un livre dédicacé. Ce n'était même pas moi qui m'étais rendu à la dédicace. Georges adorait cette auteure et s'y était rendue pour lui, j'avais sauté sur l'occasion, simplement. Pour Aly, ça avait été différent. J'avais eu besoin de faire des courses mais l'épicerie au bas de ma rue était close à l'heure à laquelle je m'en étais aperçu. J'avais donc dû pousser jusqu'au supermarché qui se situait un peu plus loin et c'est en passant devant une bijouterie que j'avais trouvé quoi lui offrir. A vrai dire, je n'avais pas cherché d'occasion particulière, mais le timing avait fait que Noël approchait et que le cadeau était idéal. La situation n'était pas telle quelle lorsque je l'avais acheté...

Il était aux alentours de 19 heures quand j'avais essayé de l'appeler une quinzième fois. La nuit était déjà tombée, Georges avait fermé le garage pour l'après-midi, et je tournais en rond sans cesse depuis. Tout le monde était occupé ce soir-là, mon père était parti fêter Noël chez sa sœur. Pour ma part, j'aimais ma tante, mais je n'avais pas réellement eu envie d'aller passer Noël au sein d'une famille dont mes souvenirs étaient pour certains flous, avec des enfants dont je ne connaissais réellement que les prénoms, à des centaines de kilomètres de chez moi. Alors j'étais condamné à rester chez moi avec mes bières et... J'ouvris le frigo, totalement vide, avant de regagner le salon pour me laisser tomber dans le canapé toujours abîmé. Mes amis fêtaient Noël avec leur famille, naturellement. Et moi je continuais d'essayer d'appeler Aly dont le téléphone était manifestement éteint. Cela me laissait le bénéfice du doute... Peut-être ne m'en voulait-elle pas tant que ça ? Peut-être ne filtrait-elle pas réellement mes appels ? Mes espoirs se rattachaient à pas grand chose mais ils m'aidaient presque ce soir-là. Je n'avais pas même de quoi assez boire pour oublier ou pour me plonger dans un sommeil profond. La soirée et la nuit allaient être longues...

Il était un peu plus de 20 heures quand je quittai mon appartement. J'étais incapable d'y rester enfermé sans rien faire, à repenser au con que j'étais et au fait qu'Aly était injoignable. Et sans que je ne m'en rende vraiment compte, pensant rouler sans but, je finis par me garer au bas de l'immeuble du père d'Aly. Machinalement, mes yeux se posèrent sur les fenêtres du 2ème étage, me rappelant presque soudainement que c'était cet appartement et pas un autre. La lumière filtrait à travers ces fenêtes et je me surpris à penser, ou espérer, qu'Aly était là, avec son père. Parce que je pourrais plus aisément la voir, mais surtout parce que je refusais de penser qu'elle puisse être seule à l'hôpital en ce soir-là. C'était tout ce qu'elle ne méritait pas et si ça arrivait, c'était intégralement à cause de moi. Je quittai ma chambre pour rejoindre l'interphone et y sonner. Au bout de quelques instants, une voix d'homme décrocha, c'était son père.

— Aly est là ? m'enquis-je.

— Matthieu ? demanda-t-il en retour.

— Est-ce qu'elle est là ?

— Non, et même si elle était là, ne va même pas t'imaginer que je t'aurais laissé monté.

Dans la seconde suivante et sans me laisser le temps de répondre, il raccrocha, me laissant dans le noir, face au vide. Et si elle avait pu rejoindre sa mère à Londres pour l'occasion ? Je regagnai ma voiture pour reprendre la route. Je savais où était le SSR où elle avait été admise. La route allait être longue mais je n'avais rien d'autre à faire de ma soirée après tout. M'assurant d'un simple coup d'œil que le niveau d'essence était suffisant, je pris la route sans attendre. Par chance, je n'avais jamais enlevé son cadeau de la voiture, il était là, dans la boîte à gants.

Le temps était infernal. Le brouillard s'était levé et il était difficile de voir au travers. La température était inférieure à 0°C, la voiture me signalait des risques de verglas. Et autre chose peu étonnante : je croisai peu de voiture sur la route. La radio continuait de cracher des chansons pop mêlées à des classiques et des chansons de Noël. Je n'y faisais pas tant attention mais ça me permettait de me sentir un peu moins seul. Je mis plus de temps que prévu à arriver à cause du temps, mais je finis par trouver le portail principal, au croisement d'une départementale pas éclairée. Je m'engageai sur une assez longue route avant d'enfin apercevoir des bâtiments. Le parking comptait assez de voiture pour que ça ne soit pas celles du personnel soignant. Attrapant simplement la boîte comportant son cadeau, je la glissai dans ma poche avant de quitter ma voiture. Deux personnes étaient en train de fumer à l'avant du bâtiment, devant la porte principale. Elles me regardèrent approcher et je compris rapidement qu'elles travaillaient là. Hésitant, je posai l'une des questions qui me brûlait les lèvres.

— Bonsoir, les visites sont encore autorisées ? tentai-je.

— C'est Noël, elles sont autorisées en nocturne, il y avait un buffet spécial Noël. Avec un peu de chance, il en restera, me répondit l'une d'elle.

— Et les... résidents peuvent s'absenter ? soufflai-je à nouveau.

La femme qui m'avait répondu, d'un certain âge, jeta un coup d'œil à sa collègue avant d'acquiescer doucement.

— Ils ont la permission de minuit, se contenta-t-elle de répondre. La salle principale, c'est la troisième porte sur la droite, après l'accueil.

Je hochai simplement la tête à la fois pour accepter et pour les remercier de leurs informations puis je m'engageai dans le bâtiment. Surpris par la chaleur des lieux, je retirai mon manteau tout en avançant à travers les couloirs, le cœur serré. Comment allait-elle réagir ? Etait-elle là ? Je m'avançai jusqu'à quelques mètres de la porte. Prenant une grande inspiration, je m'approchai de celle-ci, sans la franchir. La salle comptait une trentaine de personnes. J'aurais facilement pu estimer le nombre de patients à une dizaine et le nombre de visiteurs et soignants à une vingtaine. Mais seule une patiente m'intéressait et je ne parvenais pas à l'apercevoir en cet instant. Le fait qu'elle puisse être absente me saisit mais je chassai cette idée de mon esprit à l'instant où j'aperçus sa chevelure blonde. Elle était tressée et plus terne que d'ordinaire, dans un coin de la pièce. Elle était presque dos à mois mais je percevais malgré tout sa jambe portant une attelle qui lui prenait la jambe entière, et ses béquilles posées à ses côtés. Elle semblait plus maigre encore que la dernière fois où je l'avais vue, plus d'un mois auparavant. Puis elle se retourna, comme perturbée par ce qu'elle venait d'entendre et son regard se posa sur moi. Le sourire qu'il y avait sur ses lèvres disparut dans la seconde, son visage se décomposa. La personne face à elle lui sembla lui poser une question et elle se contenta de secouer la tête de gauche à droite avant d'attraper ses béquilles au sol et de se concentrer pour se lever. Puis elle s'engagea pour traverser la salle et me rejoindre. Elle semblait à bout de force et exténuée, et pire encore, pas le moins du monde heureuse de me voir. En même temps, je ne pouvais l'en blâmer. Je m'avançai d'un pas dans la pièce alors qu'elle arrivait à mon niveau. Elle s'appliqua pour faire passer ses deux béquilles dans une même main tandis que sa deuxième s'abattait déjà dans une gifle qui claqua à travers la pièce entière. 

Souviens toi !Where stories live. Discover now