Chapitre 15

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— Non, pas du jaune. Tu n'aimes pas le jaune, souffla Aly.

Je soupirai à ce nouveau refus de sa part avant de faire quelques pas de plus dans le rayon de peinture du magasin de bricolage où elle m'avait emmené, suite à ma demande. La veille au soir, elle était repartie après notre virée à la pizzeria. Je lui avais confié les nouvelles clés de chez moi mais elle était allée dormir chez Julia, encore. Et pour qu'elle puisse à nouveau se sentir bien, ou mieux, chez moi, puisqu'elle allait y rester, j'avais décidé de refaire la décoration intégralement.

— Et du vert ? Regarde, ce vert émeraude il est sympa non ? C'est la couleur de l'espérance !

Un énième soupir lui échappa, appuyée sur le chariot encore vide.

— La décoration actuelle est très bien. Je t'ai déjà dit que ce n'était pas une couleur de mur différente qui allait me faire oublier ce qu'il s'est passé entre ces murs. Tu n'es pas obligé de changer, tu y as passé des mois.

— Arrête de jouer les rabat-joie Aly. J'ai envie de t'aider à mon tour alors essaye de ne pas m'envoyer au visage que je ne sers à rien à chaque fois !

— Ce n'est pas ce que je fais, mais je sais que tu as passé...

— Des mois à retaper tout cet appartement, je sais, la coupai-je. Sauf que je ne m'en souviens pas et que le fait de devoir le faire à nouveau ne me pose aucun problème. C'est une façon de passer du temps avec toi, de nous occuper, et de reconstruire quelque chose.

Elle se contenta de soupirer, encore, et de lever les mains en l'air, m'informant par là qu'elle se résignait à accepter ce que je lui répétais depuis des dizaines de minutes. Alors pour la première fois depuis que nous avions mis les pieds dans cette boutique, elle se détacha du chariot et traversa le rayon pour attraper un gros pot de peinture « rouge flamenco » avant de le déposer dans le chariot sous mon regard inquisiteur.

— Tu voulais absolument peindre le mur de ta chambre en rouge, et j'avais refusé parce que je trouvais ça trop... violent, se justifia-t-elle.

— Et tu as changé d'avis parce que... ?

— Parce que tu cherches désespérément une couleur et que c'est la seule ici présente qui te faisait envie à l'époque. Que c'est ton appartement. Qu'on n'est plus ensemble. Et que si je dois passer quelques temps chez toi, il faudra bien que j'arrête d'associer cette couleur au sang qui recouvrait le trottoir, le bitume et nos corps ce soir-là.

Je restai immobile face à elle, face à ses réponses au départ si appréciable, et à la fin si brutaux. Et je n'appréciais pas spécialement ses mots.

— Pourquoi tu dis ça ? demandai-je, sur la défensive.

Elle me regarda presque désespérée et haussa les épaules.

— Parce que c'est la vérité Matthieu, il y avait du sang partout et tout couleur rouge...

— Non, pas ça, l'interrompis-je. Si ça peut t'aider à passer outre, c'est avec plaisir mais... Pourquoi préciser « on n'est plus ensemble » si ce n'est pour te faire du mal ?

Son air soudain dépité, elle secoua la tête. Ce n'était pas la première fois qu'elle réagissait ainsi et je compris que je n'aurais pas la réponse que j'attendais. D'étrange bonne humeur, je fis le choix de passer outre et ne pas insister. Nous étions là pour passer du temps ensemble, pour passer du bon temps, et cela allait durer toute l'après-midi alors il valait mieux pour moi que je prenne sur ma personne. Je la rejoignis rapidement, alors qu'elle avait avancé dans le rayon et pointait du doigt un vert mentholé pastel.

Souviens toi !Where stories live. Discover now