Chapitre 24

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— Non, Aly n'est pas en garde à vue, m'informa Maître Debon. Elle est placée sous le régime de l'audition libre. Elle peut partir lorsqu'elle le souhaite, elle peut garder le silence tout comme toi et elle a le droit à ma présence également. J'ai brièvement consulté vos deux procès-verbaux...

Aly pouvait partir quand elle voulait, c'était l'un des points les plus importants. Le reste m'importait peu en cet instant. Ma seconde question était de savoir si j'allais pouvoir sortir à un moment donné, si j'allais pouvoir rentrer chez moi tranquillement avec elle, ou reprendre ma vie un jour. Beaucoup de choses me furent dites, des mots qui ne m'évoquaient pas grand-chose, qui me paraissaient importants, graves, démesurés. Parquet. Grand banditisme. Magistrat. Affiliation à un trafic de drogue. Procureur de la République. Délinquance. Droits. Peines encourues. Crimes. Témoin. Enquête. Indicateur. Loyauté des preuves. Détournement. Serment.

Ma garde à vue fut abrégée au bout de seulement 7 heures. J'avais répété des choses, encore et toujours. Maître Debon m'avait bien sûr aidé, et la conversation avait fini par changer de bord. Tout était allé si vite et si lentement à la fois, c'était à la fois évident, et compliqué. Simple mais risqué. Tout ce qu'il en était sorti avait été dur à entendre, dur à promettre, mais j'avais accepté, sans rien savoir de l'extérieur, sans rien savoir de la réalité de ce qu'il se passait en dehors de cette salle, en dehors de ce comité, de ce va et vient incessant de personnes en tout genre.

Quand je quittai enfin cette salle, je crus que mon crâne allait exploser. Maître Debon m'avait demandé de l'attendre dans la salle d'attente. Par chance, j'y trouvai Aly, recroquevillée sur une chaine, la tête entre les mains.

— Tu es sortie il y a longtemps ? soufflai-je en m'asseyant à ses côtés, vidée.

— Il y a bientôt une heure, répondit-elle. Ça va ?

Je me contentai d'acquiescer avant de passer une main sur mon front. Cette journée avait été éreintante et une chose était quasiment sûre : ce n'était qu'une parmi d'autres qui s'annonçaient interminables. Rapidement, l'avocate s'approcha de nous. Pour la première fois, je pris le temps de l'observer réellement. J'ignorais si c'était une certaine habitude de ce genre de cette situation ou sa peau métisse qui dissimulait ses potentielles cernes à l'issue de cette journée, mais il fallait reconnaître qu'elle avait été efficace durant ces longues heures. Ses cheveux bruns et frisés regroupés en un chignon propre et plaqué lui donnait un air particulièrement sérieux. Je le remarquais certainement parce que je l'avais connue en dehors du cadre de son travail, et le personnage contrastait réellement avec celle qu'elle était en temps normal. Je me souvenais d'elle... Je n'eus pas réellement le temps de me réjouir de ce détail de mémoire en plus qu'elle prenait déjà la parole.

— Donc vous avez tous les deux accepté l'offre qui vous a été faite. Je connais votre situation à l'un et à l'autre mais pour vous tenir informer, sans quiproquo, je vous refais un debriefing et il va falloir qu'on se mette d'accord sur quelque chose. Aly, Matthieu a accepté de les aider à apporter des preuves pour faire tomber le trafic en échange d'une réduction de peine. Comme ils ont pu te l'expliquer, ils ont déjà des pistes dans cette histoire, mais ils n'ont jamais réussi à les intégrer. C'est comme ça que l'agent Thomas est mort l'an dernier, vous avez dû en entendre parler. En soi, votre aide leur est précieuse. Pour toi, là où ça se complique, c'est qu'ils vont essayer de te faire tomber avec eux. L'avantage, c'est que la police et le parquet ont ta version des faits, ils ont celle de Matthieu, et je suis à peu près certaine que s'il le faut, d'autres pourront témoigner en ta faveur. Et tu es de toute manière présumée innocente. Maintenant, il est possible que vous ayez été surveillés ou suivis depuis l'altercation au Rock Up. Donc il est possible qu'ils sachent déjà que vous êtes venus ici. La version officielle de votre présence ici aujourd'hui sera une convocation suite à l'accident de cet été. Vous avez été convoqués, vous êtes venus ici pour l'enquête sur l'accident en voiture, mais vous n'avez balancé personne parce que vous n'avez ni noms, ni témoins, ni preuve de qui est responsable de tout ça. C'est la seule version qui quittera ces murs. Je vais vous présenter l'officier avec qui vous serez en contact, pour qui vous jouerez les indics là-dedans.

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