Chapitre 27

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Chapitre 27

Norbert se tenait droit devant la Selkie, non pas par courage, mais parce qu'il savait que cette dernière ne lui ferait aucun mal. Pourtant, le sifflement qu'elle poussait et les aiguilles hérissées de son dos qui vibraient étaient des indicateurs qui n'avaient rien de rassurant.

– Je ne voulais pas te mettre en colère, précisa le jeune garçon. Leta et moi nous nous occupons depuis plusieurs semaines de deux bébés Cynospectres, leur famille a disparue et nous pensons que la personne responsable est la même que celle qui s'en est prise aux fantômes.

Méridia redressa sa tête, mais continua de fusiller de ses yeux jaunes l'élève de Poudlard.

– Je ne veux pas qu'ils deviennent orphelins ! Personne ne le mérite, reprit Norbert les poings serrés.

– Pourquoi un humain tient-il tant à aider des animaux qui ne sont pas de son espèce ?

Cette question elle l'avait posée sans colère ni mépris. Elle essayait réellement de comprendre ce que cet enfant cherchait à faire en agissant ainsi. Les sorciers comme les humains n'avaient jamais été une espèce pacifique. Ils avaient toujours cherché à conquérir, acquérir, contrôler, ils se moquaient de tout, parfois même de leur propre peuple. Une paix superficielle existait à présent, ce qui n'empêchait pas ces bipèdes aux pouces opposables de capturer et tuer les siens pour le plaisir... Cette période était révolue depuis quelques temps grâce aux professeurs qui protégeaient leur domaine, et donc le lac, mais Méridia savait que si elle remontait la rivière, des humains pourraient s'en prendre à elle. Avide, cupide, dangereux, voilà ce qu'ils étaient. Alors pourquoi ce têtard tout juste sorti de son œuf prenait autant soin des animaux qui se trouvaient sur son chemin ?

– Pourquoi je ne le ferais pas ? s'étonna Norbert qui ne comprenait pas vraiment le sens de la question.

Candeur et bienveillance, voici les deux qualités que cet enfant ne cessait de montrer à Méridia. Peut-être qu'avec le temps, en grandissant, cet humain deviendrait comme les autres. En attendant, elle choisit de l'aider et de lui révéler son plus grand secret. Peut-être le regretterait-elle un jour, mais à cet instant elle voulait croire que non. Qui sait, cet enfant deviendrait peut-être le protecteur de toutes les créatures fantastiques... Méridia avait son peuple, et la profondeur des lacs pour se protéger, mais il n'en était pas de même pour tous les êtres qui peuplaient cette terre.

– Je t'ai menti Norbert, ce ne sont pas les créatures des bas-fonds qui m'ont révélé où se trouvaient les fantômes de Poudlard.

– Je ne comprends pas ?

– La créature des bas-fonds, c'est moi, tenta-t-elle d'expliquer.

– Non, tu n'es pas responsable de ce qui se passe, commença à paniquer Norbert, horrifié que son amie agisse de la sorte.

– Bien sûr que non ! Je ne suis pas une Selkie normale... Je vois des bribes d'avenir dans la vase contenu dans mon coquillage.

Sous le regard stupéfait du garçon, elle sortit de sous les écailles du creux de ses reins un coquillage plat au reflet aubergine.

– Je suis la seule de mon espèce à pouvoir réaliser une telle chose, mentit-elle. Je vois généralement des évènements qui ont rapport à mon peuple ou à la vie dans le lac, mais depuis notre rencontre j'ai pu voir des choses concernant Poudlard.

– Tu es capable de divination, s'exclama Norbert. C'est formidable, penses-tu pouvoir nous aider à comprendre ce qu'il se passe ?

– Je peux essayer, malheureusement je ne peux cibler mes recherches et qui plus est, cela ne marche pas à tous les coups.

Voyant le regard empli d'espoir de son ami, elle tenta quand même l'expérience. Elle rampa jusqu'à une cavité remplie d'eau et plongea dans son élément. Méridia remonta quelques minutes plus tard avec son coquillage rempli de vase. Norbert l'observa dans le plus grand silence. La Selkie chassa le contenue d'un revers de la main et contempla les résidus qui se trouvaient toujours à l'intérieur. Elle se concentra sans relâche, ses yeux plissés à l'extrême, ses mains griffues serrant son coquillage à outrance, menaçant de briser ce dernier. Le dos de la Selkie s'arrondit, laissant ses aiguilles vibrer étrangement tandis que ses écaillent semblaient onduler. Impressionné, Norbert ne put détacher les yeux de cet étrange phénomène. D'un coup, Méridia relâcha la pression. Son corps s'arcbouta. Le coquillage tomba au sol et sa propriétaire prit sa tête dans les mains, comme submergée par une énorme migraine.

– Tout va bien ? s'inquiéta Norbert.

– Oui... c'était juste un peu violent...

Le garçon n'insista pas et ne demanda pas à son amie de lui raconter. Il était patient, et Méridia lui en fut reconnaissante. Elle avait besoin de quelques minutes pour essayer d'interpréter ce qu'elle venait de voir. Malgré ses efforts, aucune signification valable ne lui parvenait. Déçue, elle décida de l'expliquer à Norbert.

– Je suis désolée, mais je ne pense pas que ma vision puisse t'être utile. Je n'ai rien vu concernant ta famille de Cynospectres...

– Ce n'est rien, qui sait, il y a sûrement des indices qui pourront nous être utiles, affirma-t-il.

La Selkie acquiesça. Elle lui raconta donc les images qui s'étaient succédées dans son esprit. De la fumée en premier, beaucoup de fumée qui tourbillonnait dans des cris plaintifs, puis un cri, celui d'un homme. Des protestations, puis le son de quelque chose qu'on arrache. À cela se superposa l'image d'une plante, d'une feuille qu'on coupe, puis un liquide, épais, presque gluant, coulant dans une fiole en cristal qui reflétait le clair de lune, une pleine lune pour être plus précis.

– Je doute que ces informations vous aident dans votre recherche de la famille Cynospectres, souffla Méridia qui aurait aimé se rendre plus utile.

– Peut-être, mais ta vision nous apprend au moins une chose, qu'il est question de magie et de potion ! Notre professeur en la matière pourra peut-être nous éclairer.

La Selkie était heureuse de voir que son jeune ami ne perdait pas espoir. Elle savait qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour aider les deux enfants Cynospectres. Ces deux créatures étaient entre de bonnes mains.

– Merci pour ton aide Méridia. Je ne révèlerai ton secret à personne, je t'en fais la promesse.

Elle acquiesça sereinement, aussi étrange que cela puisse paraître, elle lui faisait confiance.

– Il est temps pour moi de remonter à la surface, Monsieur Brisby et Leta doivent se faire un sang de licorne !

– Je vais te ramener sur la berge, de là tu pourras attirer leur attention. Tu leur diras que tu as réussi à échapper à des Strangulots qui voulaient faire une mauvaise farce.

– Très bonne idée !

Méridia tendit sa main écailleuse et humide à son ami. Sans hésiter, il la prit dans la sienne et la suivit dans l'eau glacée. Le choc thermique fut colossal. Norbert eut l'impression de sombrer une deuxième fois dans les limbes de l'inconscient. Le froid lui mordait la peau, lui arrachait la chair tandis que l'eau compressait ses poumons dans une douleur saisissante. Comprenant l'état de son ami, Mérida accéléra sa nage jusqu'à la surface, ayant comme effet une douleur lancinante dans les oreilles de Norbert. Il ne se plaignit pas, mais il se jura d'apprendre des sortilèges lui permettant de ne plus subir ces affreuses sensations. Puis ce fut le soulagement, de l'air emplit ses poumons, et douloureusement il se hissa sur la berge. Le froid était toujours aussi acéré, mais au moins il respirait. Méridia s'éloigna du bord et attendit que son ami appelle à l'aide avant de disparaître dans les tréfonds du lac noir.

– Lumos maxima, bredouilla Norbert avec ses dernières forces.

De sa baguette sortit une lumière aveuglante. Il n'en fallut pas plus pour attirer tous ceux à sa recherche. Leta fut la première à le rejoindre. Il ne vit pas son visage trempé de larmes, mais il sentit sa main chaude contre sa joue. Le sourire aux lèvres, il sombra dans l'inconscience.

Norbert Dragonneau à l'école des sorciers | Newt ScamanderWhere stories live. Discover now