Chapitre 35

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« Stop! »

Je m'agenouillai, essoufflée, l'entraînement était de plus en plus compliqué.
J'arrivai le matin à la bibliothèque, rouge, les cheveux emmêlés et... en courant.
« Tu progresses.
-L'épée est mon prolongement, je gère.
-Ne me fait pas dire ce que je n'ai pas dit. »

Je rigolai, quand à Epéiste, elle leva les yeux au ciel, mais je pus apercevoir un sourire sur ses lèvres.
Nos relations s'étaient améliorées, je commençais à retrouver ma sauveuse , la jeune femme qui m'avait relooké.

Elizabeth entra dans la salle d'entraînement, ses tresses africaines étaient regroupées en un chignon.
A ma vue, elle me sourit.
La fille aux yeux émeraudes étaient des personnes qui pensaient plus qu'elles ne parlaient, toujours à réfléchir, à songer.
A part ça, je ne connaissais rien d'elle, c'est pour cela qu'inconsciemment, je demandai « Au fait, Elizabeth, d'où viens-tu? »

L'archère me regarda, ses iris verts me transpercèrent, c'est comme s'ils me fouillaient pour connaître tous mes secrets.
En avais-je?
Pour l'amie d'Epéiste, non.
C'était sans doute cela sa force, en plus d'être talentueuse à l'arc (je le supposais), elle connaissait tout ce qu'elle voulait connaître, ne parlant pas ou peu, elle écoutait tout ce qu'elle entendait, et utilisait ses yeux tranchants pour faire déblatérer toutes personnes cachant un secret.
Me concernant , la jeune fille aux yeux verts avait laissé faire la guerrière de l'ombre pour connaître mon identité.
Contrairement à Serena Rex, l'archère ne calculait pas, n'utilisait qu'elle même pour la connaissance et surtout la liberté.
« Je ne suis personne.»

Une larme coula sur ses joues, ses yeux étaient encore plus beaux, plus verts, plus lumineux grâce aux goutes de tristesse.
« Une fille qui n'aurait pas dû naître, une fille qui n'était pas voulu, le fruit d'un amour non-désiré. »

Alors qu'une deuxième larme dévalait sa peau sombre, Elizabeth leva son arc qu'elle tenait dans sa main, pris une flèche dans son carquois et tira sur une cible.
L'objet lancé atteignit le centre de celle-ci.
«La fille d'un vérificateur et d'une servante.»

Elle lança une deuxième flèche qui elle aussi toucha le centre d'une autre cible.
« Ce salaud lui à fait croire qu'il l'aimait, naïve, ma mère l'a cru. »

Elizabeth tira une troisième flèche.
«Chaque fois qu'il se rendait au palais, il rejoignait la servante du dictateur. »

La flèche avait atteint le centre d'une troisième cible.
« Or un jour, la jolie servante apprit mon existence, heureuse, le jour de la venue du vérificateur , elle lui a annoncé la nouvelle. Sa réaction ne fut pas celle qu'elle attendait. Il lui a clairement dit qu'il ne me voulait pas, que je n'étais pas sa fille, que je n'étais personne. »

L'archère relança une flèche, mais vers les cartes accrochées au mur.
« Je suis née dans l'ombre, ma mère s'est suicidée à mes cinq ans, ma génitrice avait perdue son travail, elle n'avait plus rien à part moi qui n'était qu'un poids. Ella m'a aimé, je le sais, mais en me racontant cette histoire et en préférant la mort à la vie difficile à mes côtés, elle m'a prouvé que je ne lui avait pas facilité l'existence, qu'il aurait été préférable que je ne naisse pas. Elle m'a rappelé que je n'étais personne. »

La flèche vint se planter sur la Tour du Lynx. « Contrairement aux autres, c'est moi qui suis allée vers les Révolutionnaires. Cela faisait des semaines que je vivais la nuit, me nourrissant à l'aide des poubelles, et c'est dans ce quartier qu'une nuit, j'ai vu Serena abattre un vérificateur qui s'était approché un peu trop près du repaire. Je me suis donc avancée, l'ai regardé dans les yeux et lui ai demandé si elle pouvait me prendre sous son aile. J'ai été la première ombre des révolutionnaire et je me suis juré que je le tuerai, ce vérificateur qui a fait que je ne suis personne. »

Je ne regardai plus que cette flèche, plantée sur la Tour du Lynx, ainsi, ils avaient tous une vengeance, Epéiste voulait tuer Viggo 1er pour venger ses parents, Laurier voulait détruire la dictature pour le manque de protection que celle qui avait été ma famille subissait, Elizabeth voulait tuer son père pour la vie qu'elle n'avait pas eu.
Pourtant, j'avais beau songer à tous les malheurs de la vie, je n'arrivai à mettre le doigt sur une chose que je voulais anéantir.
Jean Liber m'avait demandé si j'avais une vengeance, je me souvins d'avoir pensé "non" mais qu'un murmure lointain m'avait soufflé "Qu'à cela ne tienne".

Je savais qu'un jour j'en aurai une, je savais que cela signifiait tristesse, colère, rage, mais cela voulait dire aussi puissance et volonté.

Epéiste mit fin au silence avec cette seule phrase vrai
« Tu es quelqu'un. »

C'est sur ces mots qui décrivaient tout le monde, que j'enfilai ma tenue de bibliothécaire et que je me rendis voir Serena Rex dans la salle des plans, accompagnée des deux révolutionnaires.
Je rentrai dans la pièce vide et fermai la porte. Je pus entendre parler Epéiste et Elizabeth.
« Je comprends pourquoi tu avais brisé ton armure le jour où tu l'as sauvé.
-C'est parce que c'est elle qui l'a brisé, Elizabeth.
-Tu as été dure avec elle parce que cela faisait trois ans que cette armure était érigée. Tu ne t'y attendais pas.
-Pourquoi lui avoir raconté ton passé?
-Je crois que c'est parce que je me suis vue en elle. Je crois que dans une autre vie, je lui aurais ressemblé. Et toi, pourquoi avoir rigolé avec elle le jour de votre rencontre.
-Elle m'a rappelé quelqu'un.
-Ta mère. »

Je ne pus entendre la suite du dialogue car Serena Rex entra dans la salle et me demanda un rapport, je lui exposai les allées et venues des fidèles de Viggo 1er, qui ne changeaient jamais.

Enfin, je me rendis à la bibliothèque,
comme d'habitude je me plaçais derrière ce bureau massif,
comme d'habitude je vis Camilla Ambitio entrer dans la Tour du Lynx.

J'eus une pensée pour Elizabeth et son désir de vengeance.
Heureusement, une vision me donna le sourire, celle de Victor qui entra dans la bibliothèque.
Il prit un livre avant de me rejoindre.
Nous discutâmes de tout et de rien.
Je lui cachai des choses comme lui m'en cachait, mais cela ne nous dérangeait pas.

Avant qu'il ne parte, Jean Liber me demanda
« Il est passé où ton collier, Dayana?
-Oh...je l'ai perdue. »

La révolte du soleil Where stories live. Discover now