Chapitre 10

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Je fus étonné de songer à ce qu'aurait été ma vie si je n'étais pas parti, s'il n'y avait pas eu la guerre, si il n'y avait pas eu Viggo 1er.

Les fissures du plafond n'était qu'une représentation d'un coeur brisé par la perte, par le chagrin, par la peur, il était la représentation de mon propre coeur, de mon propre état d'esprit.
J'étais quelque peu brisée par la perte de mon ancienne vie, j'étais chagrinée par le fait de ne plus pouvoir côtoyer ma famille avant...longtemps, j'avais peur, peur d'un futur inattendue, peur que l'on découvre mon secret et surtout peur de la mort.
Je n'avais, certes, aucune raison d'être terrifiée par elle, pourquoi devrais-je mourir?
Et pourtant, elle me terrifiait, hantait mes songes mais je ne la craignait pas que parce qu' elle risquait de m'emporter vers les cieux, non, je rêvais aussi d'un Laurier souffrant, d'un Laurier se faisant tuer, d'un Laurier se faisant arrêter par les vérificateurs, toutes ces versions se terminaient par le même dénouement: mon frère décédait.
J'avais aussi en vision, cet homme, cet ivrogne, cet humain devenu fou à cause de la guerre, de sa terreur.
Je le revoyais à terre, un poignard dans le dos, et ces yeux...
Je n'oublierai jamais ce regard, un regard vide, un regard dénué de vie. J'avais déjà vu des yeux pareils, c'était il y a 3 ans, le jour de l'esclandre:

«Flore! Flore, dépêche toi, il faut y aller!
-J'arrive Laurier.
-Tu entends? Le bruit qu'il y a, il est à peine 9 heures. Le monde qu'il doit y avoir sur la grande place.
-Pourquoi te réjouis-tu?
-J'imagine la tête de Viggo 1er. Il doit être en train de froncer les sourcils, son fils lui, Comment il s'appelle déjà?  Ah, oui, Daemon, futur Daemon 1er, doit être en train de se prendre un sermon par son père sur "Comment gérer les manifestations". Ce doit être bien ennuyant, le "prince" doit être en train de somnoler.
-Laurier, sais-tu pourquoi le peuple se révolte?
-Bah... Je suppose qu'ils n'aiment pas le dictateur.
-Mon cher frère, ces personnes que t'entends crier, elles se mobilisent parce qu'elles ont faim, parce qu'elles sont en colère, parce qu'elles veulent plus de liberté, parce qu'elles en ont marres de ce régime politique. On n'a donc aucune raison de se réjouir car aujourd'hui est un jour sombre, un jour fait de désespoir, de violence, de haine.»

Je ne m'étais pas trompé, ce matin-là, à peine quelques heures plus tard, les vérificateurs, et les policiers arrivaient et tiraient dans la foule.

«Flore! Flore! Vite il faut partir, ils sont là!»
En effet, un nombre incalculable de vérificateurs débouchait de la Tour du Lynx, ça n'en finissait pas. L'enfer avait ouvert sa porte et laissait sortir ses démons. Les policiers quant à eux quittaient le palais, passaient le magnifique portail et se rangeaient en lignes. Viggo 1er avait lâché les fauves, il avait décidé de ne pas écouter nos plaintes, il préférait le massacre.
La foule se tut et laissa parler le chef des policiers, le second de l'autocrate, son conseiller:
«Mes chers, comme le dit notre hymne, vous devez être dévoués à notre puissant dictateur, vous lui devez tout votre respect, vous devez lui offrir la gloire éternelle. Votre rôle est de créer un pays guerrier, un pays ravageur, un pays sanglant, un pays qui est celui du...»
Il s'attendait à ce qu'on finisse, on connaissait la fin, c'était le dernier couplet.Mais pourquoi dire que ce pays est celui du dictateur alors que nous venions justement ici pour que les choses changent.
«Vous avez deux possibilités, soit vous rentrez chez vous dans un silence des plus agréables, soit vous restez ici et vous vous prenez une balle en plein cœur.»

Son ton était passé de mielleux à agressif, au fur et à mesure de son récit ses lèvres formaient un sourire cruel.
On vit une dizaine de personnes rentrer chez elles, personne ne dit rien.
C'était leurs choix, pas le nôtre, nous étions en désaccord mais nous ne les contredirons pas car cela viendrait à aller à l'encontre de ce pourquoi nous nous battions: la liberté d'expression.
On la désirait elle aussi.
Le second reprit la parole « Bien, agent n°666 tirez. »
Un policier vêtu de bleu tira dans la foule.
Le jeune homme se trouvant à mes côtés reçut la balle en pleine poitrine.
Tous le monde se mit à hurler, les policier tiraient.
Moi, je m'agenouillai près de l'homme à terre, il avait environ une vingtaine d'année, j'essayais de limiter la perte de sang mais en vain.
La victime me regardai, son visage était devenu livide, il était d'un blanc si profond qu'on aurait pu le confondre avec de la neige, c'était le blanc de la pureté.
Il était encore jeune, innocent et pure et pourtant il sombrait dans les ténèbres.
Ses yeux me fixaient avec une telle intensités que j'en fus troublé, ils étaient bleu roi, malgré la mort qui était tout près de lui, il la repoussait, ses yeux en étaient la preuve.
Pourtant plus je le regardai, plus ce bleu perdait son éclat.
Quand je me fis écrasé par la foule je pris soin de ne pas m'écrouler sur lui, je le laissais continuer combattre la seule chose qui était plus puissante que n'importe qui.
Puis quand un vérificateur me souleva, je vis la vie quittait le jeune homme, son regard était désormais vide, ses yeux avaient perdu leurs intensités, le bleu roi n'était plus le même.
Ce regard me hanta pendant plus d'un an.

Une larme coula le long de ma joue, cela faisait longtemps que je n'avais pas pensé à ce garçon.
Je n'avais jamais su quel était son nom, s' il avait laissé une famille derrière lui.
Y avait-il des personnes qui tenaient à lui, qui l'aimaient?
Il n'avait jamais été enterré dans la capitale, il venait donc d'une autre ville.

Je vivais dans un pays étroit qui ne comporte que 10 millions d'habitants.

Je me redressai, quelle heure était-il?
Je ne devais surtout pas arriver en retard au repas servi à 20h00 dans la cuisine.
Que penserait Monsieur Liber si je ne suis pas ponctuelle.

Je sortis de la chambre et marchai dans le couloir à la recherche de la cuisine.
Je n'allais pas me le cacher, je n'avais pas écouté tout ce qu'il m'avait dit, je n'avais qu'une envie, m'allonger et fermer les yeux pour toujours.

Ne la trouvant pas, j'ouvris la porte en bois et m'avançai dans la bibliothèque.
Si je ne me trompais pas, il y avait une horloge au dessus du bureau de mon nouveau patron, je l'avais remarqué dans mes nombreuses visites avec le collège.
La plus récente remontait à 4 mois.

Mon ancien collège, me manquait, mes amis, certains professeurs et même...
Je rougis en repensant à lui, Regulus, j'avais eu du béguin pour lui pendant près de deux ans, il était toujours gentil, mignon, intelligent et quelquefois un peu rebelle.
Puis je m'étais faite une raison, je n'étais que Flore Hortus, une jeune fille ordinaire.

Le souvenir de ma dernière discussion avec lui me revint en mémoire:

« Flore, est ce que ça va?»
Je me retournai, c'était Regulus, il avait un regard interrogateur, ses cheveux brun foncé étaient décoiffés et ses yeux de même couleur me fixaient au point que j'en vins à rougir et à détourner le regard.
« Oui, oui, tout va bien, et puis pourquoi ça n'irai pas?
-Je ne le sais, c'est que que tu n'as parlé avec personne aujourd'hui, que tu avais l'air d'être triste et tout à l'heure je t'ai vue versé une larme.»
Je me figeai.
Comment lui dire que ce soir je m'apprêtais à avouer à mes parents que je comptais changer d'identité, quitter le foyer et commencer une nouvelle vie dans ces temps sombres.
« Non, ne t'inquiète pas Regulus, j'ai juste mal dormi.
-Tu pleures quand tu dors mal?
-Oui, oui, ça m'arrive.»
Il ne me croyait pas, ça se voyait sur son visage.
S' il y avait bien un talent que je n'avais pas c'était celui de menteuse.
Mon dieu, pleurer parce qu'on avait mal dormi, c'était vraiment invraisemblable.
Je lui souris pour avoir l'air plus convaincante, il me sourit en retour.
Ce sourire allait me manquer, il avait le don de faire naître la joie dans n'importe quelle personne.
Mes yeux s'embuèrent, je ne voulais pas partir, en voyant cela, Regulus me dit d'un ton inquiet:
« Mais qu'as tu Flore?»
Je le regardai dans le yeux et imprimai son beau visage dans mon esprit avant de lui répondre, sans avoir réfléchie:
«Juste, Regulus, il faut que tu saches que... je t'aime.»
Je partis en courant, j'eut beau l'entendre m'appeler, je ne m'arrêtai pas, je ne voulais pas affronter son regard, je ne voulais pas répondre à plus de question que je ne m'en posais déjà.

Ce fut la dernière fois que je vis Regulus Rex.

Un sourire triste se dessina sur mes lèvres, je ne regrettai pas de lui avoir avoué mes sentiments, je voulais au moins qu'il le sache avant que je ne disparaisse.

Arrivant devant l'horloge, je pus lire l'heure.
Il ne me restait plus que cinq minutes avant que le repas soit servi et je ne savais toujours pas où était la cuisine.

Pendant le peu de temps qu'il me restait, je cherchai la pièce, je finis par la trouver dans le couloirs de ma chambre.
J'ouvris la porte et tombai sur monsieur Liber.
Il tenait le journal du jour, en me voyant, il me dit d'un ton glacial:
«Savais-tu qu'un homme d'une cinquantaine d'années et une étudiante ont été retrouvés morts dans deux rues différentes hier soir.»

La révolte du soleil Where stories live. Discover now