Stockholm

By Ellzace

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[SF~romance~morally grey] Un vaisseau, deux passagers clandestins, dix mois pour prendre le contrôle. Qui de... More

0 - Prologue + Bande-annonce
1 - Kourou (1/2)
2 - Kourou (2/2)
3 - Enfermement
4 - Capitaine Falco
5 - Premier contact
6 - Un quatrième passager
7 - A bout de souffle
8 - Dessine-moi un mouton
9 - Numéro 7
11 - Chaos
12 - Des lions en cage
13 - Jeu de lumière
14 - Cachotteries
15 - Le seul maître à bord
16 - Œil pour œil
17 - Retrouvailles
18 - Promiscuité
19 - Souffler le chaud et le froid
20 - Let's rock
21 - Poignée de main
22 - Meilleurs ennemis
23 - L'ennemi de mon ennemi
24 - Choisir un camp
25 - Promenade de santé
26 - Froideur
27 - La chute d'un héros
28 - Captif (1/2)
29 - Captif (2/2)
30 - Doux comme un agneau
31 - Les portes du pénitencier
32 - Bon appétit
33 - Ferme les yeux
34 - Gestes invasifs
35 - Chacun ses secrets
36 - Planète de malheur
37 - Les sirènes de la colère
38 - Détention
39 - Vérité aveuglante
40 - Le cœur ou la raison
41 - Négociations
42 - Se rendre utile
43 - Coup fourré
44 - Panser ses plaies
45 - Dans les intestins du Stockholm (1/2)
46 - Dans les intestins du Stockholm (2/2)
47 - A l'embranchement des voies
48 - Tromper la solitude
49 - La gardienne de ses nuits
50 - La fin d'une parenthèse
51 - Passer le relais

10 - Les dessins de la colère

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By Ellzace

Une nuit de sommeil avait en partie apaisé le tumulte dans l'esprit de Luc. Il avait hésité à rejoindre son oncle pour le supplier de le laisser dormir avec lui, mais sa dignité l'avait retenu juste assez longtemps pour qu'il s'endorme avant d'avoir l'occasion de céder à sa peur. Maintenant qu'il n'était plus sous le coup de l'émotion, il se sentait un peu moins en danger imminent. Sa raison insidieuse cherchait à le convaincre que l'intrus n'en avait pas après lui personnellement et désirait juste fuir, mais il avait encore du mal à se laisser séduire par cette voix intérieure trop rassurante.

Falco avait dispensé son apprenti de tournée d'inspection ce matin. Il avait décidé de se lancer dans une fouille méthodique du vaisseau et de verrouiller toutes les salles derrière lui après les avoir passées au peigne fin. Pas sûr que la technique donne des résultats étant donné les dimensions cyclopéennes du Stockholm, mais au moins cette fois il agissait au lieu de tourner en dérision les paroles de son neveu.

Luc décida de profiter de son temps libre pour mettre les choses à plat avec Ellie. La jeune femme ne s'était pas montrée au petit déjeuner et il ne l'avait pas revue depuis sa bouffée de colère de la veille. Quand il frappa à la porte de sa chambre, elle l'autorisa à entrer et il la trouva assise à son bureau en train de fourrer un tas de papiers dans un tiroir.

— Salut, commença-t-il, timide.

Elle ne lui répondit pas et se contenta de l'observer, son regard couleur café avait quelque chose d'intrusif qui le mettait encore plus mal à l'aise.

— Pardon pour hier soir, poursuivit-il en se mordillant la lèvre.

— Pourquoi ? répondit-elle, sèche et incisive.

— J'étais sous le choc de ma rencontre avec le...

— Pas ça, le coupa-t-elle. Je te demande pas pourquoi tu t'es énervé, je te demande pourquoi tu t'excuses.

— J-je... bégaya Luc, décontenancé.

Il s'était fait un sang d'encre une bonne partie de la nuit à l'idée qu'Ellie lui en veuille, et voilà qu'en réalité elle avait l'air de s'en soucier comme de sa première paire de chaussettes. Il avait vraiment du mal à la cerner et à savoir comment se comporter avec elle.

— J'ai retourné chaque morceau de métal de ce vaisseau jusqu'à plus de minuit hier, mais j'ai pas réussi à repérer notre intrus, confia la jeune femme. Il est doué à cache-cache, le fourbe, mais moi j'ai toujours été très bonne pour jouer au loup...

— Ne prends pas trop de risques, je m'en voudrais si ce gars te faisait du mal.

— Ce gars ? Alors tu ne crois plus qu'il s'agisse d'un animal maintenant ?

— Ben... hésita Luc. Je l'ai pas bien vu, mais j'ai quand même bien remarqué qu'il avait la stature d'un homme. Et puis une bête sauvage n'aurait pas réussi à se cacher sur le vaisseau sans se faire repérer pendant si longtemps, c'est forcément un signe d'intelligence.

— Ou de bêtise, nuança Ellie avec sarcasme. Dans les deux cas, ça dénote un comportement plutôt humain, en effet.

Plutôt humain ? Tu vas pas recommencer à te moquer de moi en parlant d'extraterrestres, dis ?

— Je me moque pas, je considère sérieusement la possibilité...

Luc examina avec attention le visage de sa camarade, il ne décelait aucun signe d'humour sur son expression pensive, mais il avait déjà trop souvent fait les frais de ses plaisanteries dissimulées pour s'y laisser prendre. Un extraterrestre, et puis quoi encore ? Elle voulait certainement le faire frissonner un peu avant de relâcher la tension en s'autorisant enfin un rire aux dépens de sa victime trop crédule.

Dans un geste machinal, Luc tendit les doigts vers un coin de feuille blanche qui dépassait d'un tiroir du bureau. Il tira dessus sans trop réfléchir et la feuille entière glissa hors de sa cachette. Aussitôt, Ellie lui arracha le papier des mains dans un geste brusque et furieux, mais il était trop tard, il avait vu...

Luc ouvrit entièrement le tiroir dans un mouvement de colère que la jeune femme ne parvint pas à stopper à temps. A l'intérieur, il découvrit des dizaines de croquis noircis au crayon gris et il croisa le regard implacable et criant de vérité de cet étranger qui hantait ses cauchemars. Il laissa tomber à ses pieds les dessins qu'il avait saisis à pleines mains, presque horrifié de les avoir touchés, leur réalisme inquiétant imprimé sur la rétine.

— Tu sais depuis le début... souffla-t-il, la gorge étranglée par un hoquet de désarroi.

Ellie se laissa aller contre le dossier de sa chaise, bras croisés. Ce qu'elle avait cherché à éviter venait d'arriver sous ses yeux. Tant pis, elle ne chercherait pas à donner le change cette fois.

— Tu m'as fait remettre en question la véracité de ce que j'ai vu, accusa le jeune homme qui se sentait trahi. Pendant trois mois, tu as essayé de me faire croire que ce n'était qu'un animal inoffensif, qu'il était tapi dans un coin et qu'on ne le reverrait plus avant l'arrivée. J'en suis venu à douter de mes propres souvenirs, alors qu'en réalité tu en savais déjà plus que mon oncle et moi sur cet intrus ! Tu l'as rencontré ? Tu le connais, c'est ça ?

— Non.

— J'te crois pas.

— J'ai pas envie de te convaincre. Crois ce que tu veux, renonça Ellie sur un ton détaché qui se révélait un poil vexant pour son interlocuteur.

— Je croyais qu'on était devenus amis... déplora-t-il alors qu'un trop plein de larmes brouillait sa vue.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Tu attends des excuses, c'est ça ?

— Ça serait un bon début.

— Je t'en ferai pas, trancha-t-elle, sévère. Je t'ai rendu service en t'épargnant des inquiétudes inutiles. Et de toute façon je fais bien ce que je veux, de quel droit tu voudrais m'obliger à te confier toutes mes pensées et mes secrets les plus intimes ?

Luc tiqua. Sa colère initiale laissait graduellement place au doute puis à un sentiment nouveau de culpabilité. C'était peut-être lui qui était allé trop loin après tout. Il s'était mis en colère pour de simples dessins et avait accusé une femme qu'il ne connaissait que depuis trois mois de lui cacher des choses. Est-ce que c'était réellement lui le fautif dans cette histoire ?

Il baissa les yeux sur les dessins éparpillés par terre et la vision de cette silhouette menaçante tapie dans l'obscurité raviva sa colère, bien qu'il ne sache plus vraiment si elle était dirigée contre Ellie ou contre lui-même. Emporté par une tempête de sentiments contradictoires, l'apprenti se retourna et fila tel un coup de vent vers le couloir. Il avait besoin de prendre l'air frais, même si l'on ne pouvait rien trouver de la sorte à bord du Stockholm.

Ellie le regarda s'en aller sans un mot puis se pencha pour ramasser ses dessins au sol. Elle ne se faisait pas trop de souci pour Luc, il allait cuver l'ivresse de sa colère en solitaire pendant quelques heures et, quand la graine de doute qu'elle avait semée dans son esprit malléable aurait germée, il reviendrait vers elle avec des excuses à foison. Elle culpabilisait presque de l'amener aussi facilement là où elle le souhaitait... presque.


⭐⭐⭐


Le sang coulait sur le tatouage de numéro 7, il le lécha de sa langue sensiblement plus longue que celle d'un humain et bifide tel un serpent. Ses dents aussi étaient plus longues, plus acérées ; c'était la dentition d'un carnassier. Il arracha un morceau de viande crue au fémur qu'il tenait dans la main et s'en délecta. Les humains appelaient ça un mouton. C'était bon.

Sa dégustation fut soudain interrompue par un bruit de pas dans les couloirs. Numéro 7 posa lentement la cuisse sanguinolente à côté de lui et se faufila entre les gaines techniques jusque sous le faux plafond. Dans la pénombre, la silhouette du jeune humain mâle avançait sans entrain et la tête basse comme une âme en peine.

Ils étaient à bonne distance des quartiers d'habitation centraux, une telle occasion ne se représenterait pas de sitôt.

Numéro 7 prit quelques mètres d'avance sur sa proie pour se positionner à un endroit stratégique. Il retira en silence une grille qui le séparait du couloir en contrebas et patienta sagement jusqu'à ce que l'humain soit à portée de griffes.

Lorsque le cri de Luc résonna entre les parois de métal froid, personne ne l'entendit.


——————————


C'est le moment de caser la célèbre phrase : "Dans l'espace, personne ne vous entend crier..."



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