Chapitre 39

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Hariel et les prédicateurs continuent d'exterminer le maximum de goliaths. Mais pour l'heure, on ignore combien ont pu s'échapper à l'extérieur des tours. Un autre problème c'est que les tours communiquent entre elles par un labyrinthe de souterrains et des goliaths peuvent s'y cacher. Heureusement, des portes métalliques, une fois abaissées, condamnent les sous-sols.

À l'extérieur par contre, la chasse sera bien plus difficile, voire même impossible. Au lever du jour, Ahn et moi avons embarqué précipitamment dans le véhicule de Liam.

— Tu es sûre que tu veux qu'on te dépose devant ta maison... toute seule ? questionne Ahn.

— Exactement ! Liam et toi vous devez vous assurer que tes parents vont bien, leur donner la consigne de rester à l'abri dans leur maison. Et moi je fais pareil pour Elvis et mon père...

Et ensuite... que faudra-t-il prévoir ?

Les habitations d'en bas risquent de ne pas faire long feu face à un troupeau de goliaths affamées. Le mieux serait d'évacuer toute la population d'en bas dans les tours... sauf que les problèmes d'eau, de nourriture, d'énergie pour faire fonctionner les équipements essentiels vont se poser de façon cruciale.

Sans compter que les laissés-pour-compte d'en haut, abandonnés par leurs petits camarades plus chanceux, ne sont sans doute pas prêts à accueillir les crève-la-faim d'en bas.

Autant chercher à mélanger l'huile et l'eau...

Comme prévu, Liam me laisse devant chez moi. Ça ne fait pas longtemps que je suis partie quasiment en catastrophe... je meurs d'envie de revoir Elvis, de le serrer dans mes bras. En ce qui concerne mon père, nos relations épineuses devront tôt ou tard s'apaiser. Mais ma grossesse commence à être bien visible, alors rien ne va être simple, ni pour lui ni pour moi.

Quand j'entrouvre doucement la porte, je suis persuadée qu'ils dorment encore, vu l'heure matinale. Et puis des sons légers et aigus que je connais brisent le silence... une ou plusieurs goliaths sont entrés dans ma maison.

Un horrible frisson me parcourt l'échine à l'idée que ces saloperies ont peut-être avalé ma famille. Des larmes commencent à envahir mes yeux... je prie pour ne pas arriver trop tard. À pas de loup, je me dirige vers le salon d'où semblaient provenir les stridulations.

Je découvre avec effroi que le mur arrière de ma maison a été en partie détruit. Deux goliaths sont passées par l'énorme brèche qu'elles ont creusée. Pour l'instant, elles sont aux aguets, immobiles, à l'écoute du moindre bruit. Ces monstres possèdent une très mauvaise vue, mais elles ont une capacité hors norme à entendre. Je balaye la pièce d'un regard désespéré... si les goliaths sont encore là, c'est que des proies bien vivantes sont cachées quelque part.

Elvis et mon père se trouvent dans cette pièce... mais où exactement ?

Ils étaient peut-être à l'étage quand elles ont démoli le mur ? Dans ce cas, ils ont pu se réfugier dans le cellier en bas de l'escalier. Je ne veux pas prendre le risque d'attaquer les monstres avec ma magie sans éloigner Elvis et mon père. Le problème, c'est que les goliaths détectent les changements de flux d'air et donc les mouvements. Si j'essaye de ramper vers le cellier, elles seront aussitôt prévenues...

Je torture ma cervelle un long moment à la recherche d'une solution, quand la porte du cellier émet un petit couinement

C'est pas vrai... mon père pense sûrement que les goliaths se sont tirées. Elles ont cessé de communiquer entre elles dans ce but... ce n'est ni plus ni moins qu'une technique de chasse, une ruse patiente pour amener leurs proies à quitter leur cachette.

Maintenant, la tête de mon paternel apparaît timidement dans l'entrebâillement de la porte. Les goliaths se sont animées rapidement et je n'ai plus vraiment le choix...

Je suis forcée de les attaquer !

La trouille au ventre, je m'élève lentement dans les airs... l'obscurité commence à se manifester, mais je la repousse de mon mieux. Si j'utilise le chant de cette manière, j'aspirerai la vie des goliaths, mais aussi celle d'Elvis et de mon père.

La lumière est ma seule chance de les sauver...

J'essaye d'éloigner la colère, la rancœur, la déception, la douleur... tous ces sentiments que nous éprouvons trop souvent.

Tous ces sentiments qui nous pourrissent lentement et qui nous ôtent la force d'aimer.

Et pourtant... je tiens plus que tout à la vie de mon adorable Elvis... à celle de mon père qui rentre chaque matin harassé par son boulot aux incinérateurs.

Et pourtant, j'ai tant aimé Nergal...

La lumière a jailli de moi sans prévenir... une fraction de seconde après, les deux goliaths sont totalement réduites en cendres.

Elvis et mon père sortent indemnes du cellier.

Il me semble que mon petit frère a grandi, nos regards se croisent, incertains... il me sourit enfin. Mon père, lui, a les yeux fixés sur mon ventre.

— Et oui, papa ! Comme tu peux le voir... je suis enceinte, dis-je faiblement.

Rodney acquiesce d'un signe de tête, puis il sourit.

Lui aussi...

***

Il est diplomé du conservatoire de musique de Séville et a été violoniste pour l'Orchestre symphonique royal de Séville.

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant