Chapitre 17

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Nergal Del Rio...

Elle arrive un peu plus tôt au rendez-vous, ce n'est pas son habitude. D'emblée, elle me lance un regard lourd, chargé de suspicion.

— Tu vas bien, Miss Wyllt ?

Son joli visage affiche une moue lointaine, crispée. De quoi douter sérieusement de mon irrésistible charme ! 

Je décide de foncer dans les retranchements de la morveuse.

— Tu me détestes ou quoi ? C'est parce qu'on s'est embrassés ?

— Je ne vous ai rien demandé, rugit-elle. C'était un baiser volé... votre stupide gage.

À peine entrée, elle a seulement posé une moitié de ses fesses sur la vieille chaise défraichie. Elle se relève vivement, puis se rassied, toujours très tendue. Je lui offre mon sourire à tomber, assorti d'un coup d'œil plus que chaleureux.

— Selon notre accord, miss Wyllt, je vais répondre à une question. Choisis bien !

Elle est intéressée, réfléchis un bref instant, plus détendue tout à coup.

— D'où viens-tu ?

J'apprécie cette brusque familiarité de la part de la blondinette. Elle se trouvait dans mes bras, quand mon armure a étrangement cédé. Cela ne s'était jamais produit auparavant et je ne suis pas trop fier de moi.

Mais ce qui est fait est fait ! Elle sait exactement à quoi je ressemble désormais.

La bonne nouvelle, c'est qu'aucun troupeau de drones ne m'attendait au petit déjeuner. Cela signifie qu'Evangeline s'est bien gardée d'ameuter les loups à mon sujet. Elle mérite bien un zeste de sincérité en compensation.

— Je viens d'un monde par-delà les étoiles, entièrement recouvert de glace...

Ses prunelles bleues deviennent craintives lorsqu'elles croisent les miennes.

— Tu... tu n'es pas humain.

La belle affaire ! Elle devait quand même s'en douter un peu...

— C'est une deuxième question, miss Wyllt. Il va me falloir un autre gage !

J'effectue deux pas dans sa direction, elle s'affole brusquement.

— Ne m'approche pas.

Au moment où elle a hurlé, un champ d'énergie m'encercle de la tête au pied. Relativement puissant, il pourrait peut-être menacer ma vie. Toute pâle, Evangeline m'observe en silence. Cette petite idiote a involontairement déclenché un sort de protection contre moi.

— Arrête ça tout de suite, où je vais être obligé de me défendre.

— Je ne peux pas, gémit-elle. Hariel Skyline dit que tu es dangereux. C'est la vérité, tu as failli me casser le bras.

— Je suis désolé ! Je suis plus habitué aux champs de bataille qu'aux conversations avec les jeunes filles.

Ma respiration se fait saccadée, ce truc cherche à m'étouffer...

— Je ne vais pas tenir longtemps sans répliquer, et je risque d'ameuter du monde. La magie est un chant, tous ceux qui la pratiquent sont capables de le percevoir. Hariel Skyline veut t'entraîner dans un combat inégal, tu dois me croire, mon cœur.

Les mots doux demeurent une recette ancestrale, un baume rafraichissant qui calme, répare toutes les blessures.

Tout est fini.

Me voilà libre !

Elle a foncé entre mes bras, tremblante, vulnérable.

— Je pensais que je faisais seulement pousser des légumes, marmonne-t-elle, lovée contre ma poitrine.

Le pacte du sang.

L'instinct d'Ereshkigal l'a sans doute prévenue qu'un tel évènement s'avérait imminent. Je n'ose croire qu'Evangeline puisse être capable d'ouvrir les portes que ma reine a soigneusement verrouillées.

Elle a fermé ses yeux, son teint délicat me donne le tournis. Ou bien c'est parce que j'ai sérieusement manqué d'oxygène.

C'est certainement ça.

Je déteste ce genre de mission qui consiste à me montrer particulièrement cruel, voire sanglant. Je préfèrerais de loin que ce petit bout de femme demeure ordinaire et évite de graves ennuis. Elle s'est à moitié endormie, son corps subit durement le contrecoup du sort. Je grogne à son intention, pas sûr qu'elle m'entende.

— Promets-moi de ne plus jamais faire de magie. Tu es bien trop humaine, ça pourrait te tuer.

Elle entrouvre ses paupières.

— C'est en moi, Nergal, souffle-t-elle.

— Alors, prie pour que ma reine ne voie qu'une enfant inutile... et faible.

J'ai parlé très bas, elle a déjà sombré dans un profond sommeil réparateur. Je vais veiller sur elle jusqu'à son réveil.

Dans mon for intérieur, je maudis Myrddin Wyllt pour avoir choisi de lutter contre les siens. Ce serpent n'a fait que mordre la main qui l'avait tendrement nourri. 

Il l'a d'ailleurs payé de sa vie.

Ce fou n'a pas résisté à la tentation de lancer un tout dernier sort, alors qu'il était mourant. À ce jour, nul n'a jamais su s'il était parvenu à ses fins...

 À ce jour, nul n'a jamais su s'il était parvenu à ses fins

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Une planète de glace ? 

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant