Chapitre 16

264 104 84
                                    


Les rires fusent, éclaboussent le calme feutré de la salle de musique quand Hariel Skyline est parmi nous. Ils ne sont pas signe de moqueries, mais certaines filles aiment se faire remarquer ainsi quand un type leur plaît.

Hariel semble connaître parfaitement ce genre de code, au vu des sourires qu'il décoche aux unes et aux autres. C'est comme des flèches roses, sucrées qui aboutissent tout droit dans les cœurs d'une nuée d'adolescentes.

Ce mec est un pro de la séduction, les filles l'adorent, les garçons le détestent...

Moi, je me retrouve au milieu !

Totalement sous le charme, Ahn roule des yeux énamourés. Elle a sauté dans le camp des groupies sans perdre une seconde. Elle entre en transe quand son idole plisse un peu les paupières, entrouvre une bouche sexy pour nous gratifier de quelques mots.

— J'ai demandé à Evangeline Bradford-Wyllt d'interpréter un morceau de son choix au violon, pavoise-t-il.

Mince ! J'avais oublié qu'il comptait sur une démonstration de ma virtuosité. Ça tombe très mal, parce que je déteste jouer devant du monde. Seuls mon père, Elvis et Ahn sont parfois tolérés comme spectateurs.

— Je suis désolée ! Je n'ai rien travaillé...

J'ai essayé de prendre un air penaud et ça fonctionne. Hariel entame son cours de solfège sous les regards admiratifs pour les filles, exaspérés pour les garçons. Je pousse un « ouf » de soulagement, un peu honteuse de mon ingratitude envers lui. Je n'aime pas dire merci, et non plus me donner en spectacle devant les gens de mon lycée.

Je repense à Nergal, au fait qu'il est parmi les rares personnes qui ont entendu mon violon, au fabuleux restaurant des tours, au baiser volé.

Surtout au baiser volé...

Le cours est terminé, j'ai hâte de filer. Je tire Ahn par la manche, direction la sortie, mais Hariel nous harponne au passage.

— Comment ça va les filles ? interroge-t-il gaiement.

Puis il ajoute plus bas...

— Il faut qu'on discute d'un sujet important.

Tiens donc ! Il veut peut-être nous préciser qu'il possède une magnifique paire d'ailes ! Lui aussi ! Je me demande bien comment il fait pour les planquer. J'aimerais trop voir sa tête si je lui posais franchement la question. Ça risquerait d'être drôle, ou bien dramatique. Ahn a remarqué un rictus légèrement inquiétant sur mon visage, Hariel également.

— Quelque chose te tracasse, Evangeline ?

Ma meilleure amie s'empresse de répondre à ma place, elle fait toujours ça si elle estime que les choses pourraient s'emballer.

— Elle va super bien ! assure Ahn en me lançant un œil noir.

Elle me donne l'alerte en quelque sorte.

Message reçu ! Je prévois de me la fermer.

Hariel porte un bref regard circulaire dans la pièce. Est-ce qu'il souhaite vérifier que nous sommes seuls ?

— J'ai une proposition pour toi, Evangeline. C'est de la part de prédicateurs qui ont connu ta mère.

Je suis pour le moins horrifiée, avant de lui débiter une réponse quasiment réflexe.

— Je ne veux pas voir ces dingues !

— Vous ne craignez rien, toi et Ahn ! Je me charge de vous protéger, promet-il.

Les étoiles qui illuminent les prunelles de Ahn sont magiques. Désolée de briser tes rêves, ma grande, mais tout ça ne me dit rien qui vaille.

— Tu peux me faire confiance, Evangeline, assure-t-il en m'observant avec attention.

Peut-être qu'il cherche à lire en moi, et c'est plutôt désagréable. Je subis l'examen sans broncher quand une ombre voile le beau visage d'Hariel...

— Tu l'as laissé t'approcher, murmure-t-il d'une voix chargée d'inquiétude. Nergal est très dangereux ! Tu aurais pu perdre la vie...

J'admets que Nergal a un sale caractère, mais sans doute pas au point de vouloir ma peau.

Quoique ?

— Vous vous connaissez bien ? Vous venez du même endroit ? Pourquoi vous vous détestez ?

Mes questions forment des boules d'énergie qui percutent Hariel, elles sont à la hauteur de la tempête déclenchée.

— Calme-toi, Evangeline, marmonne Hariel. Nous venons en effet du même « endroit », mais nous sommes très différents...

— Vous n'avez pas d'ailes ?

Ahn a ouvert la bouche en forme de cœur pour capter de l'oxygène. Les pupilles si claires d'Hariel, si semblables à celle de Nergal sont comme figées.

— Il t'a permis de les voir ? souffle-t-il.

Il semble atterré par l'impétuosité de ce fleuve étrange qui nous entraîne les uns et les autres dans sa course folle, au fur et à mesure des évènements. Tout va beaucoup trop vite...

Le baiser !

Les ailes sombres, magnifiques !

Encore le baiser !

Toujours le baiser !

Un méchant sorcier jette un sort sur une malheureuse princesse !  Le jour, elle est est un cygne blanc et la nuit, elle redevient une belle jeune femme.  L'amour d'un prince affaiblit le sort et c'est là qu'apparaît le cygne noir... 

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant