Chapitre 49

160 75 50
                                    


De là où je suis, je ne vois pas grand-chose. Mais le cachot est le siège d'une étrange, terrifiante mêlée. J'entends des grognements gutturaux et des bruits d'os brisés qui me glacent le sang.

— Vous n'êtes que d'ignobles traîtres, gémit faiblement l'exécuteur.

Je suppose que c'est lui qui est en train de se faire massacrer, le craquement brutal d'une nuque sonne comme une sinistre confirmation.

— Cette pourriture a bien failli m'avoir ! grogne le bourreau. Vous êtes arrivé à temps !

— Ne triomphe pas trop vite, Alastor ! lui répond la démone. Où est donc passée la prisonnière ?

Recroquevillée dans un recoin du cachot, j'aperçois plusieurs yeux qui scrutent la pénombre à ma recherche. J'essaye désespérément de rassembler mes misérables forces pour appeler le chant et pulvériser ces maudites créatures, toutes autant qu'elles sont.

— Tu dois te calmer, murmure une belle voix grave.

Je suis tellement mal en point que je n'ai pas senti Nergal s'approcher. Un tremblement convulsif me secoue violemment quand il tend une main dangereuse vers moi...

— Bon sang, Alastor ! Elle est agonisante, mugit-il. Tu n'as rien compris à mes instructions ou quoi ?

— J'ai été obligé de faire mon boulot, général ! se justifie le bourreau. Si j'avais été plus doux avec mon feu de Vulcain, la reine aurait immédiatement su que quelque chose se préparait. Son instinct est infaillible et je crois qu'elle a fait venir l'exécuteur parce qu'elle se méfiait de moi. Mais j'ai respecté vos ordres, général... la prisonnière a gardé suffisamment de forces pour se remettre. Je n'ignore pas à quel point c'est important...

Les pupilles bleu glacé de Nergal me détaillent scrupuleusement et par réflexe, je cache mon pauvre visage ensanglanté.

— Je veux que tu m'écoutes avec attention, commande-t-il. Je dois effectuer sur toi un sort de guérison très puissant et il ne faut pas que tu me résistes... sinon nous serons tous en danger de mort.

Sous l'effet conjugué de la peur et de la rage, je fais de mon mieux pour lui cracher à la figure, le résultat obtenu est un minable postillon qui ne lui fait ni chaud ni froid.

— Qu'est-ce que tu manigances ? dis-je, le timbre aussi chevrotant qu'une grand-mère. Et où est mon fils ? Qu'as-tu fait de lui, espèce de monstre ?

Mon souffle s'est brisé à ce moment-là... l'air m'a brusquement manqué et les mains de Nergal se sont posées sur ma poitrine. Je suis trop épuisée pour me rebeller tandis qu'il prononce des mots étranges, aux accents métalliques. En refermant mes paupières, je songe vaguement que ce doit être son langage maternel.

Tout en psalmodiant, il fait glisser ses doigts sur mon corps et sur mon visage douloureux, atrocement coupés par le feu de Vulcain. Une chaleur bienfaisante inonde tous mes muscles, se répand à l'intérieur de moi, apaise progressivement la souffrance. Malgré moi, ma peau réagit au contact de Nergal et je me mords la lèvre au sang, en colère de rester si vulnérable face à lui.

— Comment te sens-tu ? demande-t-il au bout de plusieurs longues minutes.

La gifle retentissante que je lui assène constitue ma réponse.

— Où est mon fils ?

— "Notre" fils est en sécurité, réplique-t-il en détachant ses mots.

— Où ça... en sécurité ? Tu n'as pas intérêt à ce que ta morue de reine lui ait fait du mal.

— Je vois que tu vas beaucoup mieux ! Mon sort a été très efficace, constate-t-il avec un soupçon d'ironie. Il est temps de partir...

Ragaillardie, je parviens à me relever pour me planter résolument devant lui.

— Pas question que je file d'ici sans mon Samson.

Les pupilles bleu glacé se rivent alors dans les miennes.

— Il se trouve à bord du vaisseau d'Hariel Skyline, et il a emmené "Ouhn" pour qu'elle prenne soin de lui.

— Tu veux dire, "Ahn" ? Hariel Skyline ? Mais tu le détestes...

— C'est ça... "Ahn", approuve-t-il un peu confus de son erreur. Et j'ai conclu une alliance avec Skyline... je n'ai pas le temps de t'expliquer...

— Il faut vraiment partir, s'interpose vivement la démone. Le général a utilisé le chant pour te sauver et la reine obscure est sûrement déjà au courant... tu vas devoir remuer tes fesses.

Je déteste cette saleté qui m'a arraché mon enfant et se permet de me donner des ordres. Néanmoins je fais de mon mieux pour les suivre dans les interminables couloirs de cet endroit inconnu, franchement lugubre. Il fait très froid et j'ai sans doute présumé de mes forces. Je manque de chuter la tête la première, mais Nergal m'a soigneusement rattrapée pour m'emporter entre ses bras au pas de course.

— Tu veux bien me lâcher ? Je peux marcher ! Et je croyais que tu obéissais à la reine obscure ? Tu fais un putsch ou quoi ?

— Exactement, avoue-t-il simplement, moi et mes partisans avons prévu de mettre fin au règne d'Ereshkigal.

J'écarquille les yeux sous l'effet de la surprise.

Derrière nous, j'entends un vacarme inquiétant... j'ai l'horrible impression que nous sommes poursuivis par une horde de démons.

Et c'est sûrement ceux qui sont restés fidèles à la reine obscure.

***


Et je n'ai pas pu résister ^^

Et je n'ai pas pu résister ^^

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant