Chapitre 14

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 Je darde Nergal d'un regard soupçonneux, tandis qu'il cesse enfin de se marrer.

— Qu'est-ce que j'ai dit de si drôle ?

Des paillettes argentées illuminent ses yeux incroyablement clairs...

— C'est la manière effrayée dont tu parlais ! Tu sembles ignorer que les sorciers ont tous été exterminés lorsque le Grand Conseil s'est emparé du pouvoir. Les capacités de ces malheureux n'ont guère pesé face à des armes modernes.

Je réplique avec impatience :

— Je le sais parfaitement ! Tout comme je suis absolument certaine que vous avez utilisé la magie sur Liam et son cousin.

Je porte un regard circulaire autour de moi. Nergal m'a entraînée chez lui, dans un immense appartement situé au dernier étage de la tour, non loin du restaurant. Le luxe dans lequel il vit s'avère indescriptible, parce que je ne connais rien au luxe. Je ne peux que donner des noms imaginaires aux matériaux somptueux qui recouvrent les murs et les sols de cet endroit, aux tissus fabuleux qui habillent le confortable sofa sur lequel repose ma paire de fesses.

Il paraît avoir l'habitude de toutes ces merveilles autour de lui. Il s'est débarrassé de sa tenue de motard pour se mettre à l'aise. Sa chemise à carreaux est entrouverte sur un torse parfait, difficile de ne pas loucher sur ses pectoraux. Je connais bien cette sensation, quand mon corps de fille jeune, inexpérimentée fait des siennes et que mon cerveau s'oppose violemment à cet étalage de faiblesse. Tout cela ne m'a rien valu de bon autrefois, autant s'abstenir.

Il s'est servi une boisson, puis dépose un jus de fruits à mon intention.

— Whisky et glaçons pour moi ! À ta santé miss Wyllt, clame-t-il en levant son verre.

Je sirote négligemment le liquide sucré.

— Vous ne m'avez pas répondu ! Est-ce que vous pratiquez la magie ?

Quand ma mère prévoyait de nous quitter, elle m'a offert un collier. Il est constitué de ravissants minéraux appelés « pierre des anges ». C'est exactement la teinte des prunelles de Nergal, juste avant qu'il les lève vers le ciel.

— La magie est enseignée dès l'enfance, là d'où je viens, murmure-t-il.

Je le questionne aussitôt :

— Où est-ce ? Vous n'êtes donc pas un habitant des tours ?

— Tu te montres si curieuse, miss Wyllt ! réplique-t-il en me détaillant avec amusement. J'adore cette petite robe que tu portes, elle te va à ravir.

Il ne veut quand même pas jouer les critiques de mode ! J'attends des réponses et je les aurai...

— Dommage que je ne sois pas votre genre.

— Tu avances trop vite en besogne, miss Wyllt, souligne-t-il avec un rictus de félin.

J'entrouvre la bouche pour lui préciser toute la profondeur de ma pensée au sujet de ses allusions dégoûtantes, mais je décide de m'abstenir vu que ce type reste potentiellement dangereux.

— J'avoue que dans le cas présent, j'avais plutôt prévu un séduisant serveur rouquin dans mon programme ! Je peux toutefois te consacrer un peu de mon temps précieux, marmonne-t-il d'un air moqueur.

« Bon sang de bonsoir ! » comme dirait Ahn. Nergal vient de me révéler qu'il marche à la voile et à la vapeur. Une très vieille expression dont je n'avais pas compris le véritable sens...

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant