Chapitre 52

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J'ai déjà du mal à supporter tous ces yeux démoniaques qui m'observent avec insistance, mais le poids des prunelles bleu glacé de Nergal, additionné des mirettes de ce cher Hariel Skyline devient étouffant.

— Ne rêvez pas ! Je ne suis qu'une magicienne novice... je suis incapable d'ouvrir quoi que ce soit. J'aimerais simplement tenir mon bébé dans mes bras, dis-je en lançant un regard suppliant vers Hariel.

— Il est en sécurité, nous te l'avons dit ! intervient Nergal d'une voix impatiente. Le temps presse, Evangeline ! Avec mes partisans, nous pouvons espérer retenir Ereshkigal et ses troupes... mais pas éternellement, hélas.

— C'est Myrddin Wyllt qui a ouvert les portes de pierre, renchérit Hariel, sans explications supplémentaires. Seule sa descendante peut lever le sort et libérer mon roi afin qu'il détruise définitivement sa sœur.

— Tu peux le faire, Evangeline ! ajoute Nergal. Je sais que le frère d'Ereshkigal est toujours vivant... et il a grandi ! Il parviendra à la battre avec notre aide à tous...

Heureusement que je n'espérais pas de sa part une déclaration larmoyante. Je n'oublie pas que Nergal m'a séduite, abandonnée avec son enfant dans le ventre, puis il a tout simplement laissé une garce sadique dont il est l'amant me torturer effroyablement.

Et voilà que je découvre un être toujours aussi obscur, préoccupé de mener une révolution dans laquelle il compte bien me faire jouer un rôle actif au péril de ma vie.

— Tu n'es qu'un sale manipulateur ! Tu veux éliminer une reine monstrueuse avec qui tu couchais sans vergogne, et tu veux te servir de moi tout comme tu t'es servi d'elle ! Tout ça pour tes ambitions personnelles... c'est répugnant.

— Je n'ai que le désir de libérer mon peuple d'un joug insupportable, réplique-t-il, visiblement excédé. Je reconnais que tes pouvoirs me seront utiles, mais j'ai cherché à te protéger... même si ce n'était pas facile.

Son regard bleu glacé vire soudain de la colère à quelque chose de plus chaleureux. Je me souviens tristement de ce Nergal-là, étrangement tendre et attentionné, durant cette parenthèse dans le temps et l'espace... celle où nous avons donné la vie à mon petit Samson.

— Tu es importante, et l'enfant aussi, lâche-t-il d'une traite, comme s'il lisait en moi, comme si cette constatation l'ennuyait beaucoup. Si je n'obtiens pas la victoire, ni lui ni toi ne survivrez...

J'essaye de ne pas céder à des sentiments qui ne m'apporteront qu'une souffrance supplémentaire, au cas où j'aurais la faiblesse de croire en lui.

Nergal veut remporter la bataille... ça, c'est une certitude.

Je suis consciente que notre intérêt, à moi et Samson, est sans doute de favoriser l'anéantissement de la reine obscure.

— Pourquoi Myrddin a enfermé le roi de la lumière ? je demande à Hariel, plutôt intriguée. Je pensais qu'Ereshkigal avait bouclé son frangin ad vitam æternam.

— C'était pour le protéger, indique Hariel. Jaï, mon roi, était proche de perdre le combat ! Alors Myrddin a lancé le sort, craignant que la lumière ne soit à jamais vaincue par les ténèbres.

— Et ce fut presque le cas, ajoute Nergal. Une fois le roi prisonnier à cause du sort et Myrddin tué, Ereshkigal a aussitôt absorbé l'énergie dans laquelle baignait l'un des hémisphères de notre planète... la plongeant toute entière dans les glaces.

Un bref instant, je revois les images de Nergal et moi, nus dans la poudreuse... elles deviennent plus imprécises avec le temps.

Un jour sans doute, je finirai par les oublier tout à fait.

— Elle et ses démons ont aussi massacré tous les anges survivants, rappelle lugubrement Hariel, je suis le seul qui ait échappé au carnage.

Je me demande comment il fait pour pactiser désormais avec les assassins des siens, Nergal inclus bien sûr.

— J'aimerais sincèrement vous aider ! Mais je doute de réussir à lever un sort lancé par un magicien tel que Myrddin, fût-il mon ancêtre. En plus, il a peut-être utilisé la magie de la lumière pour créer ces fameuses portes... moi je suis plus douée pour l'obscurité, je constate piteusement.

Hariel secoue négativement la tête :

— Si c'était le cas, Jaï n'aurait aucun besoin de toi pour le libérer.

— Pourtant, si c'est de la magie obscure... Ereshkigal pourrait lever le sort bien mieux que moi.

— Elle ne le peut pas, affirme Nergal. Tu es à l'aube de tes immenses pouvoirs Evangeline, quand Ereshkigal atteint le crépuscule des siens, elle reste très dangereuse, mais elle n'est plus invincible.

Quel optimisme ! J'ai l'impression d'entendre le son des invisibles, démoniaques trompettes de la victoire.

Mon père m'a toujours dit qu'une bataille ne se gagne jamais au hasard, alors j'espère que Nergal a soigneusement préparé son coup d'État.

Parce que je choisis de me ranger à ses côtés.

— D'abord... elles sont où, ces fameuses portes ? j'interroge d'une voix où perce ma grande détermination.

— Juste derrière toi, indique Nergal en montrant un truc du doigt.

Je me retourne vivement et ne vois qu'une paroi rocheuse ordinaire... rien d'autre !

***

Je confirme que les chiens adorent le violon... 

Et pas seulement les chiens ^^

Il a peur... mais c'est plus fort que lui ❤

Ad vitam æternam  veut dire "pour la vie éternelle".

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant