Chapitre 36

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Liam s'active à piloter son engin avec dextérité, tandis que je l'observe discrètement. Difficile de croire que le gouverneur ait choisi d'abandonner son unique fils.

— Je suppose que ta famille a beaucoup insisté pour que tu montes dans une navette, dis-je, ça n'a pas dû être facile de les voir partir.

— Un peu, confie-t-il négligemment, mais mon père pense que je suis devenu dingue. De toute façon, il a bien plus d'atomes crochus avec Cole, mon cousin.

Une vague de culpabilité me retourne l'estomac. Techniquement, Liam n'est pas fou, il est juste sous l'effet d'une magie puissante.

La mienne...

— À mon avis, c'est plutôt Cole et le gouverneur qui sont timbrés, suggère Ahn en rigolant.

Liam se marre doucement lui aussi. Au fond, il paraît heureux de ne plus devoir affronter le jugement sévère de son paternel.

— Mon père a toujours pensé que je ressemblais trop à ma mère, même si je l'ai peu connue. Elle est décédée quand j'étais encore un enfant...

Ahn et moi étions très jeunes à l'époque, mais je me souviens que cette histoire avait failli ébranler la carrière naissante du gouverneur. La mère de Liam avait été retrouvée morte dans sa salle de bain, noyée dans la baignoire.

L'enquête avait conclu à un suicide, sans autre forme de procès.

Pour avoir vécu la perte de ma mère dans des circonstances aussi brutales, quoique bien différentes, j'imagine à quel point Liam a pu être traumatisé. Peut-être que le chant ne l'a pas choisi par hasard, peut-être que la souffrance secrète de Liam s'est tout simplement accordée avec la mienne.

Son engin volant se pose sans encombre devant les tours. D'emblée, je remarque l'absence des gardes et plus encore le silence. La première fois où j'ai vu les tours de près, c'était avec Nergal. Je me rappelle que même à la nuit tombée, on entendait le clapotis des fontaines mêlé au ronronnement des incinérateurs, les bruits de pas sur les dalles en granit, le tintement des voix cristallines des enfants et l'écho de celles, plus graves, des adultes.

Hariel nous a précédés et Ahn, comme à son habitude, ne peut pas s'empêcher de l'envelopper d'un long regard chaleureux. Pour une fois, je pourrais être la plus sage de nous deux et conseiller à ma meilleure amie d'aller se faire briser le cœur ailleurs.

Hariel et Nergal ont beau se haïr, leur conception des relations sentimentales est sans nul doute similaire. Après tout, ces deux-là sont des aliens, et il ne faut pas oublier qu'un célèbre extraterrestre immortalisé au vingtième siècle sous la forme d'une hideuse marionnette n'avait qu'une seule idée en tête :

RETOURNER MAISON !

Quant à moi, j'aurais largement préféré ne pas revenir ici et m'imposer une autre fois la valse mélancolique des amours perdus dans le grand vide intersidéral. Pour faire plus court, le fait que Nergal m'ait larguée comme une vieille chaussette trouée est toujours d'une actualité brûlante.

Et de jour en jour, je suis de plus en plus enceinte comme un ballon.

Apparemment, les tours sont désertes quand notre petite troupe les investit, mais nous nous rendons compte rapidement que ce n'est pas tout à fait le cas. Nous croisons plusieurs personnes hagardes et pour le moins terrifiées. Elles passent bien trop vite pour que nous ayons le temps de les interroger.

— Pourquoi est-ce qu'il y a encore du monde ? s'inquiète Ahn.

— Les ressources dans les colonies ne sont pas inépuisables et l'effectif des navettes disponibles a été calculé en fonction, soupire Liam. C'est un peu comme sur ce vieux navire qui a coulé autrefois, le Titanic... il n'y avait pas suffisamment de canots de sauvetage par rapport au nombre de passagers.

— Excuse-moi, Liam ! Mais ton père est un immonde salopard, rugit amèrement Ahn.

Liam acquiesce tristement, ne trouvant rien de plus à dire.

— On va devoir prendre en charge ces malheureux, prévoit Hariel.

Son comportement de perpétuel bon samaritain n'est pas loin de m'exaspérer.

— Hier encore, ces gens se gavaient d'eau et de nourriture sans se soucier un seul instant d'autre chose que leur petit confort personnel. J'estime que nous ne leur devons rien... alors qu'ils se débrouillent...

— C'est vrai que les habitants des tours se sont toujours crus plus malins que ceux d'en bas, reconnaît Ahn, mais on ne peut pas les abandonner à leur sort.

La discussion n'est pas loin de s'envenimer quand une sorte de sifflement strident, aigu nous fait sursauter. Il est suivi d'un hurlement lugubre, ressemblant fortement à un cri d'agonie.

— C'était quoi ça ? murmure Ahn.

Liam est devenu très pâle, son doigt tendu montre plusieurs masses sombres et volumineuses qui se rapprochent lentement de nous.

— Il faut filer d'ici, gémit le rejeton du gouverneur d'une voix tremblante, elles se sont échappées...

— Ou ils ont volontairement ouvert les serres, coupe Hariel.

Ahn est tétanisée, paralysée par la frousse, incapable d'effectuer le moindre geste pour fuir ce qui n'est plus qu'à quelques mètres de nous. Un long frisson remonte le long de mon dos et échoue quelque part dans le creux de ma nuque.

À première vue, ça pourrait ressembler à une forêt de lianes géantes, monstrueuses, velues, sauf qu'elles sont en mouvement et que d'horribles têtes ont poussé au hasard, se vissant sur des genres d'abdomens tout aussi horribles. Les sifflements se font plus envahissants, au point que j'entends à peine la voix d'Hariel qui lance quelques mots.

— Evangeline, elles sont trop nombreuses tu vas devoir m'aider.

Comment ça l'aider ???

Dois-je rappeler que je suis enceinte ?

Plutôt mélancolique, voire déprimée ?

Et en ce qui concerne un quelconque contrôle de ma magie...

Je suis carrément paumée.

***

On les avait un peu oubliées ^^

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On les avait un peu oubliées ^^

L'Élue (Evangeline)Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ