Chapitre 20

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Ahn...

Ça fait presque deux heures qu'Evangeline est plantée devant notre maison, sous un soleil de plomb. Ma mère me jette un énième regard furibond, bien compensé par sa petite taille. Elle n'arrive jamais à paraître sérieusement méchante.

— Enfin ! Tu vas bien finir par inviter ta meilleure amie à se rafraîchir à l'intérieur. C'est quoi le souci entre vous ? Une histoire de garçon ? questionne-t-elle entre ses dents.

Je hausse les épaules, et remonte dans ma chambre pour bien lui montrer mon refus de discuter avec elle de quoi que ce soit qui concernerait Evangeline.

Comment un imbécile de garçon pourrait nous séparer, moi et celle avec qui j'ai confectionné mes premiers pâtés de sable ? Il y a bien eu ce blondinet qui m'avait offert d'utiliser sa superbe pelle fluo avec le seau assorti...

De vrais petits bijoux dont ce morveux était très fier !

En plus, il se la jouait chef suprême en reléguant Evangeline dans un rôle subalterne. Elle était chargée de touiller le sable pour y traquer de minuscules cailloux, la pauvre s'ennuyait ferme. Au bout de quelques jours, on a fini par lui exploser son seau fluo sur la tête. Quant à la pelle, nous l'avons gardée comme trésor de guerre.

C'est si beau l'amitié...

Je jette un œil dehors pour constater qu'elle est toujours là. Elle attend de tomber dans les pommes ou quoi ?

Pas question de la laisser jouer les victimes !

Je revendique mon statut de fille traumatisée, et sans doute à vie. C'est moi qui ai vu ma meilleure copine prendre une tête à faire fuir tout un troupeau d'araignées géantes.

J'exagère peut-être un peu pour ce qui est du troupeau !

En tout cas, les prédicateurs n'en menaient pas large quand ils ont emporté les cadavres des leurs...

Je n'en reviens pas que la magie d'Evangeline soit capable de tuer plusieurs personnes, seulement parce que cette Sasha a osé lui parler de sa mère.

Ça me fait froid dans le dos !

J'essaye de chasser les images de ses yeux entièrement noirs, à cet instant fatidique où elle n'avait plus l'apparence d'un être humain.

Ma petite Evangeline est-elle une sorte de monstre ?

J'ai passé une grande partie de la nuit à fouiller tous les serveurs de la planète, y compris les mieux protégés. J'ai trouvé pas mal de choses intéressantes, fascinantes même. En reliant les informations dont je dispose, j'ai pu établir une théorie à propos d'Hariel Skyline, de Nergal Del Rio... et d'Evangeline.

C'est carrément du lourd !

J'aimerais tellement en parler avec elle. C'est un véritable supplice de la savoir juste devant ma maison...

Mais si je la laisse entrer, j'ignore si j'aurai la force de ne pas hurler que j'ai une trouille bleue d'elle. Je regarde une autre fois dehors, et je vois avec horreur une forme recroquevillée sur le sol.

Merde ! Elle a sûrement eu un malaise...

Je me précipite au rez-de-chaussée en manquant de me casser la figure dans nos vieux escaliers. Ma mère est déjà sous le soleil de plomb, en train de prendre le pouls d'Evangeline avec une mine inquiète.

— Pauvre petite, maugrée-t-elle. Tout ça pour une histoire de garçon !

Excédée, je rétorque avec humeur :

— Tu n'as aucune idée de ce qui se passe ! Aide-moi à la porter dans la maison, et par pitié, tais-toi !

Evangeline a ouvert les yeux. Elle sirote doucement un grand verre d'eau, pas mécontente de son effet dramatique. Elle a chopé un énorme coup de soleil sur son joli visage, elle sera encore plus cramoisie demain.

Ma mère n'a aucune intention de rester silencieuse.

— Les garçons, ce n'est pas si important ! Et puis, ce type est sûrement un crétin.

Evangeline ne peut pas s'empêcher de sourire, tout comme moi. Au bout du compte, on explose de rire en cœur.

Comme avant !

Elle me lance un regard plein de doutes, d'espoirs aussi.

— Je suis complètement perdue ! J'ai tellement besoin de toi, marmonne-t-elle.

Je prends une grande inspiration, en priant pour ne jamais payer ce moment de ma vie.

— Je sais ! Et j'ai découvert des trucs importants !

Silencieuse, elle me suit jusqu'à ma chambre, son verre d'eau à la main. On dirait qu'elle cherche à se donner contenance, cette fille qui détient peut-être le destin de l'univers entre ses doigts délicats.

Si mes hypothèses s'avèrent exactes, si Evangeline est bien cette élue à qui Myrddin Wyllt a promis la totalité de ses pouvoirs au moment de sa mort...

Alors, je devrais sans doute prendre mes jambes à mon cou, m'enfuir le plus loin possible tant qu'il en est encore temps. Elle a fini de boire et pose avec précaution le verre par terre.

— Je peux le mettre là ? demande-t-elle timidement.

Je m'empare avec vivacité de l'objet du délit.

— C'est le meilleur moyen pour que j'emmêle mes pieds avec.

Elle affiche un petit air contrit, tellement attendrissant.

— Je fais n'importe quoi, parfois...

—  Ça tu peux le dire ! 

D'habitude, Ahn rigole tout le temps!

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D'habitude, Ahn rigole tout le temps!

Mais pas quand sa meilleure copine devient flippante...




L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant