Chapitre 15

321 101 104
                                    


Je tapote avec nervosité sur la vieille pétoire électronique !

Autrement dit une tablette...

Et elle n'est pas vraiment dernier cri.

— Ça fait une demi-heure que je m'acharne là-dessus ! Je n'ai rien trouvé...

— Les serveurs ne sont pas toujours accessibles pour ceux d'en bas, suggère Ahn en pianotant sur l'engin à son tour.

— Et si les données avaient été effacées ! Tout le savoir et les croyances des anciens seraient irrémédiablement réduits en poussière.

— Faut pas exagérer, rigole Ahn, ces histoires oubliées n'intéressent pas grand monde.

— À part moi !

J'aurais mieux fait de me taire. Je sens que les questions vont recommencer à pleuvoir, dans l'ordre ou pas...

— Notre sexy psy aurait donc des ailes.

Qu'est-ce que je disais...

— Et vous vous êtes embrassés, jappe-t-elle en battant des mains.

Je lance un regard inquiet autour de nous. Par chance, nous sommes seules dans notre "bibliothèque" où trainent çà et là quelques vieux fauteuils minables, autrefois high-tech. Un petit robot poussif furète inlassablement partout. À chacun de ces passages, on entend de discrets raclements sur le sol élimé. Cet endroit pitoyable est censé nous offrir des ressources afin d'éclairer nos cervelles rabougries d'en bas.

Tu parles !

— Tu n'as pratiquement rien dit sur le baiser, minaude Ahn.

Je grogne avec vivacité :

— Je n'ai rien à te raconter ! Nergal m'a eue par surprise...

— C'est si romantique, marmonne-t-elle en roulant des yeux comme si elle venait de gagner un billet gratuit direction la Lune, ou peut-être Mars.

La romance et moi, c'est pareil que le yin et le yang, que Nergal Del Rio et Hariel Skyline.

À ce propos...

— Tu te souviens de ton idée quand Hariel Skyline trainait vers notre jardin ?

Ahn fronce ses fins sourcils, plisse son joli nez de manière comique.

— Absolument, chef !

Et on braille en même temps :

Ce type pourrait avoir des ailes ! Lui aussi ... 

— J'ai quelque chose, s'exclame Ahn triomphante.

Cette fille est un véritable génie, même avec du matériel particulièrement obsolète. Elle prend un air important pour débiter sa trouvaille... 

Depuis l'aube des temps, l'univers était divisé en deux royaumes : celui de la lumière où règne le bien, celui des ténèbres où règne le mal.

— C'est tout ?

Ahn me fait signe de me taire.

Les deux royaumes n'ont jamais cessé de s'affronter et celui de la lumière aurait été envahi. Ce fut une terrible catastrophe ! Beaucoup des créatures qui habitaient ce royaume furent impitoyablement massacrées, leurs ailes à jamais brisées...

Là, c'est vraiment tout, indique Ahn.

— Leurs ailes à jamais brisées !

J'ai répété machinalement le dernier passage...

— Ça veut dire qu'il pourrait bien exister des créatures ailées parmi nous, annonce Ahn avec satisfaction.

Un bref instant, la fabuleuse allure de Nergal me revient en mémoire. J'ai essayé de croire à une hallucination, mais une grande part de moi admet qu'il s'agit sans doute de la vérité. La conclusion semble évidente...

— Nergal est capable de cacher son apparence réelle, grâce à la magie !

— Bon sang de bonsoir, souffle invariablement Ahn. Et pour Hariel Skyline ?

— Réfléchis ! Le texte parle de deux royaumes qui se détestaient...

— Nergal et Hariel se haïssent, murmure-t-elle.

J'imagine les sombres échos des batailles passées, les râles des vaincus, les clameurs des vainqueurs. On dirait qu'une machinerie céleste, usée jusqu'à la corde, se met en route à mon unique intention. Elle se montre timide, incertaine de pouvoir fonctionner à nouveau. Elle semble avoir perdu celui qui savait la diriger...

Myrddin Wyllt peut-être ?

A-t-il participé à l'horrible guerre ? Comment en apprendre plus puisque ceux d'en haut ont jugé bon d'appauvrir l'esprit de ceux d'en bas ?

Si Nergal et Hariel appartenaient à ces deux royaumes ennemis, dans quels camps se trouvaient-ils ?

Aucune chance pour que ce soit le même, voilà bien la seule chose dont je suis sûre.

Nous nous dirigeons en silence vers la salle de musique, ébranlées l'une et l'autre par nos mystérieuses découvertes. Je revois Nergal demain, j'ignore si je saurai masquer mon trouble en sa présence.

Hier soir, je l'ai regardé partir en trombe. J'avais le cœur battant, l'espoir fou qu'il rebrousse chemin pour m'emmener tout en haut des tours, encore une fois.

Je ne suis pas amoureuse...

Juste en ébullition parce que ma vie ordinaire a soudain pris un tournant... extraordinaire !

Les prunelles furibondes de mon père m'attendaient derrière notre porte d'entrée, Elvis pleurait à chaudes larmes dans ses bras.

— Je peux savoir qui était ce grand type ? a-t-il rugi entre ses dents.

J'ai serré Elvis contre moi pour le consoler.

— Ce n'était personne, papa ! Tu fais peur à Elvis.

Mon paternel est resté sur sa faim pour la soirée. "Personne" convient parfaitement à Nergal, parce qu'il n'évoque rien de ce que je connais ou dont j'ai l'habitude.

Au point de me demander s'il existe vraiment...

***


La mystérieuse Señorita s'appelle Benedetta Caretta

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

La mystérieuse Señorita s'appelle Benedetta Caretta.

L'Élue (Evangeline)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant